Articles récents \ Île de France \ Économie Hélou : « Un lieu qui réunit restauration, coworking et sieste »
Hélou est un adjectif qui signifie « doux, bon, sucré » en arabe égyptien. C’est aussi le nom du restaurant ouvert par une mère, Hélène Vaillant, et sa fille, Louise Obé, dans le XIXe arrondissement de Paris. Cet « écoworking gourmand et healthy » propose un menu végétarien, bio, local et de saison, un espace de coworking et une salle de sieste, trois espaces de vie réunis en un seul lieu. Rencontre avec un duo mère-fille, dont les prénoms ont fusionné pour former Hélou, et qui travaille main dans la main pour faire vivre ce projet.
Comment le projet Hélou est-il né ?
Louise Obé : J’étais développeuse web freelance, mais je n’étais pas tout à fait épanouie, mon métier ne me suffisait pas et ne me passionnait pas suffisamment. Hélou a été une idée simultanée, celle d’allier nos compétences, nos passions : pour Hélène, la cuisine, pour moi, manger et dormir ! Nous avons imaginé ce lieu qui réunit restauration, coworking et sieste, et un jour, nous avons décidé de nous lancer.
Hélène Vaillant : Il était temps pour moi de commencer un nouveau projet. Nous avons tout fait nous-mêmes : pour les travaux, à part le gros œuvre, nous avons fait les plans sans architecte. Notre restaurant est vraiment tel que nous l’avions imaginé. Nos premiers dessins et plans ressemblent vraiment à ce qu’est Hélou aujourd’hui.
Quelles sont les valeurs au cœur de cet « écoworking gourmand et healthy » ?
H. V. : Le bien être, l’écologie, et la bonne cuisine !
L. O. : Nous voulions un lieu écoresponsable dans l’assiette et dans sa conception. Nos produits sont bio, locaux et de saison. Nous ne travaillons qu’avec des produits frais, pour proposer une cuisine végétarienne, en grande partie végane. Le restaurant est le plus écoresponsable possible : nous avons des meubles de récupération ou fabriqués par nous, le matériel de cuisine vient du dernier restaurant d’Hélène. Nous avons privilégié les matières naturelles et respectueuses de l’environnement pour l’aménagement du lieu, du sol au plafond.
H. V. : Les serviettes de table et dans les toilettes viennent toutes de tissus de récupération, de nappes retrouvées dans une malle, que j’ai découpées et cousues. Notre fournisseur d’électricité, Enercoop, est le seul fournisseur 100 % énergie renouvelable. Nous adoptons aussi un maximum de pratiques « zéro déchet » et avons également la chance d’avoir un compost dans l’immeuble. Nos emballages de vente à emporter sont en carton recyclé ou recyclable, nous ne mettons des couverts que si les client·es en ont besoin, nous les incitons à venir avec leurs propres contenants, et nous allons mettre en place une consigne.
L. O. : Bien sûr, nous voulons que nos client·es se régalent. Notre cuisine est végétarienne et saine, mais aussi gourmande et pleine de saveurs, le tout dans des assiettes équilibrées et colorées. Tout est fait maison, gourmand et bon pour la santé, au meilleur rapport qualité/prix possible.
Avez-vous eu peur de vous lancer dans cette aventure ?
H. V. : Je n’ai jamais peur. Tous les 10 ans, je recommence ma vie à zéro : Hélou est mon troisième restaurant. L’échéance arrivait, c’était le moment. Pour mon plus gros projet, il y a plusieurs années, j’étais toute seule, mais j’avais trois enfants en bas âge, alors je n’avais pas le droit de me tromper. En comparaison, Hélou, c’était facile ! Nous n’avions pas peur, et nous ne nous sommes jamais découragées.
L. O. : Au début du projet, je n’avais absolument pas conscience de tous les risques que nous prenions. Tant que nous n’avions pas investi d’argent dans le projet, nous n’avions rien à perdre, donc aucune raison d’avoir peur ! Être à deux aide aussi beaucoup, nous pouvions nous rassurer chacune notre tour. Hélène m’a transmis sa confiance et nous y avons cru dès le début, même si tout le monde disait que c’était un projet très ambitieux. Les banques étaient assez sceptiques, notamment pour le coworking, mais nous savions que nous pouvions le transformer en salle de restauration, ce qui nous laissait une marge d’adaptation. Pour monter un projet de cette ampleur, il faut y croire à 100 %. Alors nous y avons cru, nous y croyons encore, et si cela ne marche pas comme prévu, nous aurons essayé et nous n’aurons pas de regrets !
H. V. : Je suis sûre de ce que je fais. En 30 ans de métier, je n’ai jamais échoué, je ne vois pas pourquoi cela m’arriverait maintenant, à 60 ans. La seule chose qui m’inquiète, c’est le physique. Je me demande si je vais tenir, avec des journées de 15 heures ou plus, parfois sans pause. Quand il y a beaucoup de client·es, je tiens avec l’adrénaline, même si je m’écroule le dimanche quand la pression redescend. Il ne faudrait quand même pas que ça dure 10 ans… Cela dit, mon père a plus de 80 ans et travaille encore, sans jamais s’arrêter. Peut-être que je tiens de lui et que je ne m’arrêterai jamais !
À quels principaux défis avez-vous dû faire face ?
H. V. : Ce n’était pas des défis, c’était des embûches !
L. O. : Le premier défi de taille a été de trouver un local qui autorise la restauration, ce qui est assez rare, et qui soit suffisamment grand pour bien dissocier nos trois activités de restauration, coworking, et sieste. Après plus d’un an de recherches, des problèmes lors de la signature du bail ont beaucoup retardé le projet. Nous nous sommes ensuite aperçues que nous n’avions pas d’eau… Nous devions aussi refaire la vitrine, avec l’accord de la copropriété, et on nous a dit qu’il fallait attendre l’assemblée générale en février, alors que nous voulions ouvrir en septembre. Finalement, il nous fallait juste l’accord du conseil syndical. D’où l’importance de vérifier toutes les informations par soi-même.
H. V. : Le prêt a aussi posé beaucoup de soucis. Notre banque s’est rétractée alors que nous avions déjà commencé les travaux, mais nous avions la chance de connaître des gens qui nous ont prêté de l’argent, et nous avions obtenu un prêt d’honneur auprès d’un organisme Paris Initiative Entreprise, qui nous a orientées vers une banque qui nous avons finalement accordé un prêt. Nous avions le soutien de notre famille, et toutes nos économies. Je savais qu’il ne fallait pas se laisser freiner par la question du prêt, car j’avais déjà eu des soucis pour mon restaurant précédent. Mon banquier s’était alors aussi rétracté, car j’étais « une femme seule avec trois enfants ». J’ai fini par ouvrir mon restaurant, et mes trois enfants ont été mon moteur, justement !
L. O. : Une fois le restaurant ouvert, il faut le remplir ! Les débuts ont été difficiles : nous avons ouvert en décembre, un mois déjà difficile pour la restauration, pendant lequel nous avons subi les grèves de la RATP. Et puis, il y a eu le confinement… Une interruption qui a finalement été plutôt bénéfique. Les mesures sanitaires nous ont donné droit à une terrasse qui nous a apporté une nouvelle visibilité. Nous avons pu nous reposer, à une période où nous allions craquer à cause du travail et de la fatigue, physique comme morale, car nous n’avions pas suffisamment de client·es. Nous ne pouvions pas continuer ainsi.
H. V. : Le confinement a été un repos forcé. Depuis, il y a comme un nouveau souffle. Nous avons changé notre carte, notre fonctionnement, tout va mieux. Nous avons la chance d’avoir une clientèle de quartier très fidèle. C’est une affaire qui roule, même si pour le moment nous ne pouvons pas encore nous payer.
Vous travaillez ensemble, mère et fille. Comment le quotidien se passe-t-il ?
L. O. : Cela dépend des jours…
H. V. : L’avantage, c’est que Louise ne supporte pas les conflits, alors ils sont très rares.
L. O. : Bien sûr, nous sommes parfois en désaccord, mais l’origine des conflits est souvent lié à la gestion d’une tierce personne dans l’équipe, ou aux moments de grande fatigue. Quand nous n’étions que toutes les deux, pour les ventes à emporter à la fin du confinement, tout s’est parfaitement bien passé ! Hélène a tendance à bouder quand elle est contrariée, mais je la connais bien et je sais comment réagir.
Vous êtes vos propres cheffes. Qu’est-ce qui vous plaît dans l’entreprenariat ?
H. V. : Nous avons toujours connu ça. Je pense surtout que c’est un état d’esprit. Je suis à mon compte depuis que j’ai 25 ans, et Louise a grandi avec des parents artisan·es et commerçant·es. Je dis que j’ai toujours été commerçante, car la restauration appartient à la Chambre de commerce, mais c’est un mot que je n’aime pas. J’ai plutôt une mentalité d’artisane. Je ne fais pas ce métier pour gagner de l’argent, mais parce que c’est ma passion. Je veux juste faire ce dont j’ai envie, quand j’en ai envie.
L. O. : Si nous voulions gagner de l’argent, nous n’aurions pas créé Hélou ! [rires] Je n’ai été employée qu’une seule fois, peu de temps. En réalité, le plus difficile en tant qu’entrepreneuses, c’est de savoir bien s’entourer et de déléguer. Au début, il était impossible pour moi d’embaucher quelqu’un à l’accueil. C’est le premier contact avec les client·es, il fallait incarner Hélou. La cuisine, c’est pareil, c’est l’identité du restaurant. Il est très difficile de s’entourer de personnes compétentes et qui ont envie d’avancer avec nous. Comme ce n’est pas leur projet, nous ne pouvons pas leur demander le même investissement. Donner vie au projet dont nous rêvons, avec pour seules contraintes notre propre motivation et notre travail, c’est l’épanouissement qui me manquait. Créer quelque chose qui ait du sens, à notre image.
H. V. : C’est fantastique, car nous avons d’excellent retours, les client·es sont satisfaits. En partant, elles/ils ont le sourire et complimentent notre cuisine. C’est un vrai plaisir quand les client·es déclarent spontanément que c’était très bon. C’est tout ce que nous voulons.
Propos recueillis par Lou Cercy 50-50 magazine
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