Articles récents \ Chroniques Chroniques l’aire du psy : «Pédoland» est-ce vraiment là qu’il faut situer l’excessif ?
«Pédoland» serait donc révoltant. On réprouve ces féministes hystériques indignes qui s’emploieraient à éradiquer via la cancel culture un pauvre élu victime d’une kabbale.
Un préfet parisien, qui a fait ses preuves au sein du «quinquennat Benalla», tend un piège grossier à la Maire de Paris, laquelle a neutralisé lors des dernières élections municipales ses adversaires, qu’elles soient de droite ou… de droite en marche ! L’équipe municipale a gagné et le piège d’une standing ovation envers l’élu démissionnaire provoque des remous dans l’alliance écologistes-socialistes. Quand les deux élues écologistes crient «La honte, la honte!» devant un parterre d’élu.es debout applaudissant, le son de la retransmission est coupé. Dans quel monde médiatique sommes-nous propulsés pour à ce point renoncer à la pensée au profit de la communication ?
Jacques Lacan, psychanalyste visionnaire avait traité dans l’un de ses séminaires d’une éthique de la psychanalyse. Cette éthique vise un au-delà de la morale, qui se voudrait prescriptive, constituée de contraintes restrictives au nom d’un ordre établi. L’éthique est au service du sujet singulier. Elle s’appuie sur la loi symbolique, sans omettre sa dimension juridique.
Avec la déferlante Metoo, les violeurs sont désormais traqués et il est à souhaiter que ce mouvement soit irréversible. En parallèle ou conjointement, la pédophilie désignée désormais comme pédocriminalité (écartant ainsi l’idée d’amour de l’enfance au profit de celle d’agression portée à l’enfance) est également poursuivie et l’on ne peut que s’en réjouir.
En 1905, Sigmund Freud découvrait la sexualité infantile. Cela fit scandale à l’époque. Sandor Ferenczi, un autre psychanalyste hongrois, produisit plus tard un article sur la confusion des langues entre le langage de la tendresse et celui de la passion. Le mérite de ce texte était de clairement définir la frontière entre sexualité adulte et libido infantile. C’est un texte très utile pour penser l’abus sexuel, la pédophilie et repérer où se loge la logique du pédophile
Sur la couverture d’un autre séminaire de Lacan, figure le visage d’un gauchiste contestataire souriant malicieusement face à un CRS. Dans une vidéo ancienne de cet individu, on l’entend relater son trouble dans des jeux de touche-touche avec de jeunes enfants. L’époque était alors à la libération sexuelle. La jouissance en tous sens était dans l’air du temps au point qu’une banalisation semblait s’appliquer à la sexualité des plus jeunes. Dans cette France gaullienne, des pervers pédophiles ont pu s’engouffrer dans les interstices des barrières morales, qui tombaient.
Les proies des pédophiles ont été légion. Au nom de la libération sexuelle, on a laissé supposer que des enfants ou de jeunes adolescents pourraient devenir des objets de consommation sexuelle, que l’érotisme ne devait pas connaitre de limites. Penser la sexualité infantile, repérer que l’enfant est traversé par une libido orale, sadique anale, puis phallique, ce n’est pas dire que l’adulte prenne place dans ce commerce libidinal. La sexualité et les fantasmes des adultes ne doivent pas embarquer l’enfant. L’enfant est proscrit pour l’adulte.
Le cercle germanopratin a longtemps accordé indulgence et bienveillance à un homme de lettres, dont la littérature vantait explicitement son activité pédophile. Il aura fallu la parution du livre de Vanessa Springora pour que ledit littérateur prenne la fuite vers l’Italie, qu’éclate au grand jour la désignation de ses soutiens et que nous prenions la mesure de l’horreur de notre tolérance au long cours vis-à-vis de discours inacceptables.
Le prédateur de Vanessa Springora se présentait comme «romantique, tragique, marquant un attachement à la forme et un respect des convenances, d’une courtoisie exemplaire» (1). Cette apparence de génie se dissout aujourd’hui devant l’horreur de ses actes. Si «Pédoland» est jugé excessif, n’est-il pas outrageant pour toutes les victimes de tels actes d’apprendre qu’un élu de la République a contribué à ce que des soutiens financiers soient apportés par son intermédiaire à un prédateur sexuel ?
Il est grand temps que les politiques se soucient de l’éthique de leurs actes. Accéder au pouvoir nécessite de nombreux compromis, qui voisinent ou basculent dans les compromissions. Viol et pédocriminalité ne sauraient désormais souffrir aucune indulgence. Il n’est pas question de moraliser la vie politique, il s’agit juste de respecter la loi, de ne pas user de son pouvoir pour profiter et abuser de l’autre.
Non, vraiment cette honte clamée par les deux élues écologistes, (honte clamée, puis bâillonnée par le biais de la coupure de la retransmission sonore) ne mérite pas la réprobation, dont elle a été l’objet. Considérons avec fierté cette insoumission, qui clame haut et fort que plus jamais quelqu’un prétendant pratiquer un art, quel qu’il soit, ne pourra au nom de son art, abuser d’autrui. La création, pas plus que les religions ne doivent être au-dessus des lois humaines. Prendre l’autre pour objet n’est plus admissible. Ce sera notre conquête du troisième millénaire.
Daniel Charlemaine 50-50 magazine
1 Article de Norimitsu Onishi paru le 11 février 2020 dans The New York Times :«Un écrivain pédophile, et l’élite française sur le banc des accusés»
Illustration John Brushh