Articles récents \ Culture \ Livres Fanny Robin : En Coloc avec l’endométriose
Fanny Robin est atteinte d’endométriose. Une maladie qui touche une femme sur dix, loin d’être rare donc mais qui a longtemps été laissée dans l’ombre des maladies féminines. Aujourd’hui, alors que les prises de paroles sur l’endométriose se multiplient, les tabous qui l’entourent ne disparaissent pas et le vécu des femmes reste minimisé. Dans son livre En coloc avec l’endométriose, Fanny Robin partage son expérience, entre témoignage et conseils. Elle raconte comment elle doit combiner les souffrances liées à l’endométriose, les violences plurielles que cette maladie entraîne mais aussi les injonctions d’une société sur les règles et le corps des femmes.
Le titre du livre peut faire sourire. L’endométriose est cette fameuse colocataire, cette personne avec qui vous devez à tout prix essayer de vous entendre. Fanny Robin parle d’une “ coloc un peu indésirable, elle est là tout le temps. Mais c’est moi qui paye le loyer ”. C’est aussi la manière de dire que cette maladie ne la définit pas. L’endométriose est une maladie avec laquelle elle doit vivre certes, mais qui ne doit pas la caractériser.
L’endométriose est une maladie chronique causée par l’endomètre. Pendant les règles, c’est ce tissu, l’endomètre, qui saigne. Mais dans le cas de l’endométriose, il n’est pas détruit et entraîne des lésions ou kystes ovariens, provoquant de très grandes douleurs au moment des règles, mais pas uniquement. Maux de ventre, troubles digestifs et urinaires, règles hémorragiques et douloureuses, douleurs pendant les rapports sexuels… tous ces symptômes sont décrits, et vécus, par Fanny Robin. Ils l’obligent à prendre des précautions et la poussent à repenser certains aspects de sa vie, car les marques de l’endométriose s’immiscent au plus près de son quotidien. Dans son cercle d’ami·es, dans son couple, au travail… les répercussions de la maladie sont nombreuses et provoquent un stress plus ou moins constant avec lequel il faut s’accorder. “ J’apprends à vivre avec, à composer un quotidien pour que, malgré l’endométriose, je puisse avoir une vie épanouie. Cela a été salvateur de la considérer comme cette colocataire, mais je ne nie jamais la maladie ni la douleur. L’endométriose m’a permis de voir les choses différemment et elle a précipité certaines décisions et choix de vie ”.
Une maladie invisible, une errance médicale
En Coloc avec l’endométriose est un livre qui relate une histoire intime d’une maladie, d’une expérience personnelle. Comme le dit l’autrice, “ il y a autant d’endométriose qu’il y a de femmes ”. Néanmoins, certains aspects ne peuvent qu’entrer en résonance avec ce que vivent toutes ces femmes diagnostiquées. Ce qui surprend à la lecture, c’est le nombre de séjours à l’hôpital, de docteur·es, spécialistes et traitements qu’elle évoque. Les consultations s’enchaînent et se ressemblent, aucun traitement efficace n’existe réellement. Ou ceux qu’on lui propose s’accompagnent d’effets secondaires multiples et ingérables. C’est une véritable errance médicale que Fanny Robin expose, tant sur le sujet de l’endométriose que plus globalement sur la recherche concernant l’anatomie et les pathologies touchants des personnes aux attributs féminins. “ Quand on sait qu’on a su soigner les problèmes d’érection des hommes mais qu’on est encore incapable de soulager une femme qui souffre, il y a un souci ”.
L’endométriose est une maladie chronique qui met parfois des années avant d’être détectée chez certaines patientes. La société dans laquelle nous évoluons peine à comprendre et à croire les femmes qui souffrent, notamment durant leurs règles. “ C’est normal d’avoir mal pendant ses règles ”. Oui, mais non. Une femme ne devrait pas nécessairement souffrir pendant cette période mais surtout, les médecins devraient la croire lorsque cette douleur devient insupportable. Pour l’autrice, cette ignorance médicale s’explique : “ la médecine est le lieu d’une surreprésentation masculine. Tant que ce seront les hommes qui réfléchiront aux priorités de la recherche, il y aura un retard. L’endométriose est souvent associée à l’hystérie ou à une maladie psychiatrique parce que l’homme ne connaît pas le corps de la femme ”. Parce que l’endométriose, a contrario de certaines autres maladies chroniques, est une maladie invisible. Les symptômes sont intériorisés, ne reposant souvent que sur la douleur et le mal-être des femmes. La personne atteinte doit donc faire face aux douleurs qu’elle ressent mais aussi à l’incompréhension de son entourage, voire des soignant·es qui refusent de prendre en compte et d’accepter cette douleur.
Des violences plurielles, entre grossophobie et violences gynécologiques
Dans son livre, Fanny Robin évoque tout ce qui entoure cette maladie, les façons dont elle surgit dans son quotidien aux moyens d’essayer de diminuer la douleur, ses rendez-vous chez différent·es practicien·nes. L’autrice explique que la pilule qu’on lui a prescrite lorsqu’elle était adolescente pour diminuer ses symptômes lui a fait prendre du poids, tout comme les différents traitements qu’elle essayera par la suite. Dans son livre, elle parle de ce rapport au corps, un corps féminin qui ne répond pas aux aspirations de la société, et qui ne rentre pas dans les normes du corps mince comme exemple et modèle à suivre. “ Peu importe la forme du corps, nous devrions tou·tes êtres égales/égaux face à la prise en charge médicale ”. Mais cela n’a pas a été le cas, et Fanny Robin relate à plusieurs reprises les commentaires que se sont permis de faire les soignant·es vis à vis de son physique. Cette grossophobie fait partie des violences obstétricales et gynécologiques qu’elle a dû supporter. Alors que la grossophobie est davantage de l’ordre de la violence verbale et psychologique, l’autrice partage aussi des expériences plus douloureuses de prises en charge désastreuses, de remises en question de ses symptômes et de consultations brutales.
Et puis il y a la question de la maternité, de la pression d’une société qui ne détache pas la femme de son rôle à procréer. Les manifestations de l’endométriose peuvent avoir de lourds impacts sur la fertilité, être enceinte devient alors compliqué et le risque de fausse couche est élevé. Fanny Robin raconte son chemin vers la maternité, entre envie, perte et désillusion : “ l’endométriose m’a obligée à me détacher d’un schéma familial que j’avais idéalisé, voire normalisé ”.
Parler de l’endométriose, un acte engagé et militant
La parole sur l’endométriose s’étend, notamment sur les réseaux sociaux, et les témoignages comme celui de Fanny Robin trouvent leur place et permettent d’avoir une meilleure connaissance de cette maladie. Et c’est grâce au travail de toutes ces personnes qui osent parler et partager leurs expériences sur un sujet que la société juge encore tabou, que les choses ont commencé à changer, et les mentalités à évoluer. En Coloc avec l’endométriose parle des règles ouvertement, évoque des violences orchestrées par le corps médical et démonte les stéréotypes liés au corps en prônant le body positive. Ce livre est un véritable outil de militantisme car parler de l’intime pour les femmes ne peut être qu’un acte engagé et militant pour l’égalité femmes/hommes. C’est aussi ce que démontre le compte Instagram que tient l’autrice @chere.endométriose. Un endroit de partages, d‘écoutes, un safe place comme le fournit si bien ce réseau social aujourd’hui. “ Sur Instagram, j’y trouve une communauté extrêmement bienveillante qui souhaite soulever des montagnes ”. C’est une plateforme qui permet de s’éduquer, mais aussi d’y trouver des réponses. Fanny Robin explique qu’elle a beaucoup échangé avec de jeunes adolescentes, “ je suis flattée qu’elles viennent me poser leurs questions mais en même temps je me dis que c’est parce qu’elles n’osent pas en parler avec leurs parents ou l’infirmière scolaire. Il y a un très gros travail de sensibilisation à faire ”.
Le chemin pour l’égalité et la reconnaissance de l’endométriose est encore long. La prise en charge doit être meilleure, les femmes doivent pourvoir se sentir soutenues et écoutées sans que leurs paroles soient constamment remises en question. C’est un important travail de pédagogie et d’éducation, notamment sur les questions de l’éducation à la sexualité et de meilleure connaissance de l’anatomie féminine, qui doit être mis en place et appliquer, et ce à tout les échelons de la société.
Marie Tremblay 50-50 Magazine
Fanny Robin En coloc avec l’endométriose. Cohabiter avec cette indésirable Ed Kiwi 2020
Voir aussi : Carte interactive sur les violences obstétricales pendant la pandémie de Covid-19 en France.
Lire des témoignages : L’endométriose, la maladie de l’ombre