Articles récents \ Île de France \ Économie Iris : « lors de l’assemblée générale des précaires de la culture, il n’y avait que des femmes à la tribune »

En novembre 2019, plusieurs vacataires des Musées de la ville de Paris se réunissaient pour former un collectif. Leur but ? Mettre en lumière les « problèmes liés à la précarité » de leur statut et faire bouger les lignes. Le 5 décembre dernier, une quinzaine d’entre elles/eux rejoignaient le mouvement national de grève contre la réforme des retraites, une première selon le collectif. Iris artiste et vacataire au musée d’Art moderne de Paris explique les revendications portées par le collectif et les problématiques auxquelles sont particulièrement confrontées les femmes vacataires. En ce temps de pandémie leur situation est critique.

Quel est l’objectif du collectif ? Quand a-t-il été créé ?

À l’origine, le collectif a été créé pour faire porter à l’administration les problèmes internes. Très vite, il s’est avéré que ces problèmes étaient partagés par un grand nombre de musées de la ville de Paris. La remise en cause de notre statut de vacataires a été mise sur la table.

Le 5 décembre 2019, une quinzaine de vacataires du Musée d’Art moderne de Paris (MAM) se sont mis.es en grève pour protester contre le projet gouvernemental de réforme des retraites. La première personne qui s’est déclarée gréviste auprès des agents chefs était une femme. Plusieurs vacataires, femmes et hommes, ont ensuite suivi le mouvement.

Notre objectif est de faire connaître les problèmes liés à la précarité et nous demandons que la ville de Paris change sa politique pour offrir des CDD autant que possible, et une titularisation par la suite. Nous souhaitons rassembler le plus de personnes concernées, afin qu’ensemble, nous allions réclamer le droit à une embauche de qualité. Nous voulions également créer une action collective avant pour nous faire entendre par la mairie. Nous avons écrit une pétition destinée à la Marie de Paris, ainsi qu’une lettre ouverte adressée à la Mairie, à Paris Musée et à l’adjoint à la culture.

Quelle est la proportion de femmes chez les précaires ? Quels emplois occupent-elles ?

Je travaille au MAM, au poste d’agente d’accueil et de surveillance. Les femmes y occupent généralement les mêmes postes que les hommes : à la surveillance de salles, au contrôle de la sortie de musée, au vestiaire et à l’accueil. Des collègues vacataires sont également à la billetterie. Sur 12 vacataires au MAM, il y a 10 femmes et 2 hommes. Pour l’équipe de 25 h, (agent d’accueil et de surveillance), nous sommes 37 vacataires dont 23 femmes. Il y a une forte proportion de femmes de 30 ans.

Nous sommes tout de même majoritairement sur les postes nécessitant le contact avec le public car le « sourire » et la « discrétion » sont très appréciés et associés à la gente féminine. Les services féminisés sont ceux qui sont en contact direct avec les visiteuses/visiteurs, comme la billetterie, où la « gentillesse », la « politesse » et la « docilité » sont fortement valorisés. On nous demande une belle présentation, ce que l’on ne demande pas aux hommes.

Au Petit Palais, par exemple, les agent.es d’accueil sont majoritairement des hommes de plus de 40 ans et les femmes ont en majorité moins de 30 ans. Les hommes ont un vestiaire plus grand que celui des femmes, car dans les années 2000 il y avait plus d’hommes, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Beaucoup n’ont  donc pas de casier ou de vestiaire à leur arrivée…

Lors de l’assemblée générale des précaires de la culture, il n’y avait que des femmes à la tribune.

Avec-vous des demandes spécifiques en tant que femmes ?

Parfois aux vestiaires, il y a des charges lourdes parce que nous acceptons tout : valises, trottinettes, des sacs lourds, etc… Personnellement, j’ai moins de force que certain.es de mes collègues. Sans parler des revendications spécifiques, nous sommes au premier rang des luttes actuelles. Les réformes en cours constituent une véritable contre-révolution : elles menacent les droits récemment acquis par les femmes, de travailler, de mener une vie autonome et de vieillir dignement.

Dans un autre musée, une collègue a fait l’expérience d’un sexisme ordinaire avec un regard plus vigilant de la part de son supérieur vis-à-vis de sa tenue. On nous impose une tenue, que nous devons nous-même nous procurer. Ma collègue a essayé plusieurs fois le port d’une robe noire et ça n’est pas du tout passé, sans qu’elle puisse comprendre pourquoi.

Il y a comme un contrôle du corps de la femme. Le premier jour, nous avons eu des indications : pas de port du voile, pas de jupe sexy, sans nous donner la longueur type qu’il fallait avoir pour la jupe. Alors que les hommes n’ont pas eu de réflexions du type « pas de croix autour du cou », « pas de signe religieux distinctif », ou même « pas de tenue sexy » : ils ont juste eu le droit à « pas de basket ».

De plus, des collègues à la billetterie ont été traitées de « salopes », de « sorcières », de « fonctionnaires de merde », et nous n’avons aucune formation en gestion de conflits, ni en sécurité.

Vous avez été en grève. Quelles étaient vos revendications ?

Nous nous sommes mis.es en grève contre la réforme des retraites et vis-à-vis des problèmes liés à la précarité du statut de vacataire. Nous luttons contre la politique néolibérale qui s’est installée dans la fonction publique par des contrats minables de quatre mois, alors que nous sommes nombreuses/nombreux à être au chômage depuis longtemps. Paris Musée pourrait proposer des CDI ou des CDD, car nous travaillons sur des postes permanents. 

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine

 

Le prénom de notre interlocutrice a été modifié

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