Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Elections municipales : la parité dans les exécutifs locaux
A quelques jours avant la date limite de dépôt des candidatures pour les élections municipales et communautaires de 2020, le Haut Conseil à l’Egalité lance un appel aux futur.e.s élu.e.s. Il est temps de passer d’une parité quantitative à un partage effectif du pouvoir et de s’engager résolument en faveur de l’égalité femmes-hommes au sein de la collectivité et en direction des administré.e.s.
Passer d’une parité comptable et incomplète…
Là où existent des règles paritaires, les évaluations menées par le HCE, depuis sa création, mettent en évidence leur effectivité. La parité des organes délibérants est une réalité comptable dans les assemblées et les exécutifs communaux, départementaux et régionaux, où s’appliquent des règles strictes. Dans les communes de plus de 1 000 habitant.e.s, les femmes représentent 48,2% des conseiller.e.s. Dans les départements, le scrutin binominal paritaire a permis de multiplier le nombre de conseillères départementales par près de 4, passant de 13,8 % en 2001 à 50,1 % en 2015. S’agissant des élections régionales, les femmes constituent la moitié des assemblées depuis 2004 et la moitié des exécutifs depuis 2010.
On constate un certain partage du pouvoir dans les exécutifs locaux lorsqu’il y a des règles paritaires : les femmes représentent 47,5% des adjoint.e.s dans les communes et la moitié des exécutifs dans les départements. Pour autant, le partage du pouvoir n’atteint pas le haut de la pyramide. Les places de numéro 1 et de numéro 2 (maire/1e adjoint.e, présidence/première vice-présidence) ne sont pas concernées par des règles paritaires. Ce faisant, les rênes du pouvoir restent aux mains des hommes. Les hommes représentent 84% des maires (87,1% dans les communes de 1 000 habitant.e.s et plus et 82,3% dans les communes de moins de 1 000 habitant.e.s), 90,1 % des président.e.s des conseils départementaux, 83,3 % des président.e.s des conseils régionaux et 92,3% des président.e.s d’intercommunalités. De même, les hommes représentent 71,5% des premier.e.s adjoint.e.s (toutes communes confondues), 65,3% des premier.e.s vice-président.e.s des départements et 72,2% des premier.e.s vice-président.e.s des régions.
Les intercommunalités et les communes de moins de 1 000 habitant.e.s échappent pour le moment aux règles paritaires. En conséquence, la parité n’est atteinte ni dans les organes délibérants, ni dans les exécutifs. Les femmes représentent 35% des conseiller.e.s communautaires et 20% des vice-président.e.s.
Il existe, de plus, une véritable division sexuée du travail politique. La répartition des délégations montre une persistance des bastions masculins dans les délégations bénéficiant des budgets les plus importants (finances, développement économique, aménagement du territoire) quand les femmes occupent le plus souvent les délégations tournées vers le care, essentielles mais moins valorisées (jeunesse, famille).
…à un partage effectif du pouvoir
Trois objectifs peuvent être partagés par les nouveaux et nouvelles élu.e.s, même en l’absence de dispositions légales :
• Rechercher la parité au sein des organes délibérants et des exécutifs dans les communes de moins de 1 000 habitant.e.s, non visées par les règles paritaires
L’augmentation du nombre de femmes dans l’exécutif des communes augmentera mécaniquement la présence des femmes dans les intercommunalités, la composition d’un EPCI ne faisant que refléter la composition des exécutifs pour les communes de moins de 1 000 habitant.e.s qui le constituent et qui n’ont souvent qu’un seul siège réservé à l’intercommunalité, en l’occurrence le ou la maire.
• Se donner comme objectif la parité au plus haut niveau des collectivités
Si dans les communes de plus de 1000 habitant.e.s, l’exécutif doit être paritaire et, depuis la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique de 2019, respecter l’alternance entre les hommes et les femmes, rien n’empêche que le ou la maire et son premier adjoint ou sa première adjointe soient de même sexe. Il convient donc, en l’absence de règles paritaires sur ce point, d’instaurer un principe d’alternance de sexe entre le ou la maire et le numéro deux, soit une sorte de ticket paritaire. Si cette autorégulation n’advenait pas lors des prochaines élections, le HCE recommande d’adopter par la loi des modalités paritaires d’élection à la tête de l’exécutif sous forme d’un tandem paritaire à la tête de toutes les collectivités, ainsi que l’élection de l’exécutif de toutes les collectivités et des intercommunalités au scrutin de liste paritaire par alternance. La décision des parlementaires d’étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements, via une modification du code électoral avant le 31 décembre 2021, ne peut qu’être ici saluée.
• Veiller à attribuer des délégations sans stéréotypes de sexe
De même, une attention particulière doit être portée à l’attribution des thématiques de délégations pour sortir de la répartition stéréotypée qui existe encore trop souvent aujourd’hui.
… et à la construction d’un cadre favorable à la prise en compte de la parité et de l’égalité entre les femmes et les hommes
Pour donner aux politiques d’égalité entre les femmes et les hommes toute légitimité, cette politique doit être portée au plus haut niveau, par la ou le numéro 1 de la collectivité et un.e adjoint.e ou un.e vice-président.e doit y être dédié.e. En lien avec l’exécutif, un service dédié à la thématique de l’égalité entre les femmes et les hommes et des moyens budgétaires spécifiques doivent être prévus. Malgré leur apparente neutralité, les finances publiques n’intègrent encore que rarement l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes. Lorsque des impensés sexistes perdurent dans la dépense publique, elle peut contribuer à renforcer les inégalités femmes-hommes. Le HCE appelle à développer une gestion égalitaire de l’argent public.
Le HCE appelle les futur.e.s maires et président.e.s d’EPCI ainsi que les futurs conseils municipaux et communautaires à s’engager fermement en faveur de l’égalité femmes-hommes. Les communes et les intercommunalités peuvent s’engager, dans leur champ de compétences, notamment :
•contre les stéréotypes sexistes, grâce à une communication égalitaire qu’elle soit interne ou destinée aux administré.e.s ;
•en faveur de l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge, dans les crèches et écoles maternelles ;
•contre les violences faites aux femmes ;
•en faveur de l’accès à la santé pour les femmes, en particulier par le soutien aux centres de planification familiale ;
•en faveur de l’accès aux activités sportives et de loisirs pour les filles et les femmes.
La parité dans les instances de direction des administrations territoriales est un objectif à poursuivre également. La loi du 4 août 2014 a instauré l’obligation de présenter un rapport sur la situation en matière d’égalité dans toutes les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitant.e.s, préalablement aux délibérations sur le budget. Dans une étude publiée en novembre 2018, le HCE relevait que 12% des EPCI et 10% des communes ayant répondu indiquaient ne pas avoir réalisé de rapport, car elles ignoraient l’existence de cette disposition légale. Ce rapport est à la fois une obligation légale et un outil formidable pour les collectivités. Le HCE appelle à le développer pour évaluer à la fois les mesures prises en interne par la collectivité et les politiques d’égalité menées sur le territoire.
La parité ne doit pas se limiter à une représentation 50/50 dans les instances décisionnelles. Elle doit également permettre de s’interroger sur les conditions de travail, sur le partage des tâches, sur les stéréotypes sexistes et sur l’ensemble des obstacles structurels qui empêchent les femmes de pouvoir pleinement exercer les fonctions à responsabilités.