Articles récents \ Île de France \ Société Maison des Femmes de Paris : une maison pour toutes
C’est en juillet 1981 que la Maison des Femmes de Paris voit le jour. Conçue comme un lieu de refuge non-mixte pour les femmes victimes de violences, l’association du 163 rue de Charenton a donné naissance à certaines des organisations féministes françaises les plus importantes. Parmi elles, on peut citer le Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles (GAMS) ou encore le premier collectif contre le viol. Aujourd’hui encore, la Maison des Femmes est un espace inter-associatif, où plus d’une dizaine d’associations se rencontrent et travaillent ensemble.
Une Maison pour toutes les femmes
«A la Maison des Femmes de Paris, nous recevons toutes les femmes. Absolument toutes.» C’est la première phrase que prononce Zahra Agsous, chargée de mission pour l’action contre les violences masculines faites aux femmes et aux mineures, quand elle nous présente la structure. C’est effet ce que stipule l’Article 2 du statut juridique de l’association : la Maison des Femmes favorise les initiatives sociales, politiques, culturelles et artistiques des femmes ainsi que la solidarité des femmes, y compris sur le plan international. Elle lutte pour favoriser le droit des femmes au travail, leurs droits économiques, le droit à l’avortement et à la contraception. L’association mène des actions contre les discriminations faites aux femmes en raison de leur sexe, de leur origine sociale ou ethnique, de leur nationalité et de leurs choix sexuels, et lutte contre toutes les violences masculines faites aux femmes et aux enfants. La Maison des Femmes se bat aussi pour les droits des femmes immigrées ainsi que contre le système prostitutionnel.
Une structure d’accueil féministe et solidaire
Le rôle premier de la Maison des Femmes est de proposer de l’écoute, de l’information et de l’orientation pour les droits et l’autonomie des femmes. «C’est ce que nous appelons un accueil solidaire des femmes : quand une femme a besoin d’informations spécifiques en rapport avec l’avortement ou la sexualité, nous pouvons l’informer, mais tout en travaillant en lien avec le Planning Familial.», explique Zahra Agsous.
Quand une femme, n’importe quelle femme, franchit le pas de la porte du 163 rue de Charenton, on l’informe très vite qu’elle est entrée dans un espace féministe. Durant l’hiver, la Maison des Femmes accueille de nombreuses femmes sans abri. Zahra Agsous se souvient : «Quand je suis arrivée en fonction ici au début des années 2000, il faisait très froid, c’était en plein mois de février, et il y avait de nombreuses femmes partout avec des grandes valises. Il faut savoir qu’à Paris, il y peu d’haltes femmes. De ce fait, elles se rabattaient ici.» Pendant que les femmes se réchauffent, les militantes et les bénévoles leur présentent les différents ateliers et leur parlent de féminisme.
Un refuge contre toutes les violences
Au sujet des violences, Zahra Agsous raconte : «Nous expliquons à toutes les femmes que ce qui leur arrive, ce sont des violences patriarcales. Certaines sont d’accord, d’autres non, mais nous les écoutons toutes. Si une femme nous dit qu’elle a été victime de violences, nous allons bien sûr la guider vers les structures d’accompagnement, mais nous, nous leur expliquons pourquoi elles vivent ces violences.»
L’immense majorité des femmes qui se rendent à la Maison des Femmes sont victimes de nombreuses discriminations, sans en être toujours conscientes. C’est pour cette raison que chacune d’entre elles passe un entretien avec l’une des militantes qui la questionne au sujet des violences. D’après Zahra Agsous, les violences n’épargnent personne : «Après de nombreuses années passées à la Maison des Femmes, je peux vous dire que toute femme qui ouvre notre porte a subi des violences. Toutes. Même celles qui viennent pour autre chose.» Une fois les violences détectées et formulées, les militantes accompagnent les victimes vers l’autonomie.
L’exemple des femmes excisées est très parlant. «Aucune femme ne dit lors de notre entretien qu’elle a été excisée. Souvent, elles n’identifient pas cela comme une violence, même si elles l’ont bien évidemment vécu comme telle.» Afin de permettre à ces femmes de mettre des mots sur ce qui leur est arrivé, ainsi que de protéger leur filles contre une mutilation génitale, la Maison des Femmes organise des ateliers sur le sujet de l’excision. L’atelier commence toujours par un rappel sur la position de la France, qui n’a reconnu l’excision comme une mutilation sexuelle qu’en 1983. Zahra Agsous nous explique que «la loi a mis beaucoup de temps à rattraper la réalité.» En effet, la législation française du début des années 1980 ne protégeait pas réellement les jeunes femmes contre l’excision : la plupart d’entre elles subissait la mutilation sexuelle lors d’un voyage dans leur pays d’origine, avant de revenir en France. Aujourd’hui, si une femme française mineure qui vit en France revient excisée d’un séjour à l’étranger, ses parents seront condamnés.
Toutes les formes de violences sont abordées à la Maison des Femmes, où le terme de «femme battue» est proscrit, puisqu’il exclue notamment la question du viol et des autres types de violences. «Quand une femme me raconte une histoire, je la crois. Toujours. Parfois, après quelques temps, elle vient me voir pour me dire qu’elle n’a pas été tout à fait honnête, parce qu’elle avait peur de dévoiler tel ou tel aspect de sa vie. Je réponds toujours que c’est son histoire, et qu’elle a eu raison de me donner telle version à tel moment. C’est bien de se protéger, il faut continuer à se protéger. Personne n’est obligée de me raconter sa vie» explique la chargée de mission.
Un accompagnement personnel et collectif
L’association a cela de particulier qu’elle propose un très large éventail d’ateliers et de formes d’accompagnement. Les ateliers de la Maison des Femmes abordent tous les sujets.
Elle est notamment la seule association en France à animer de manière continue un groupe de parole sur les violences depuis 25 ans. «La lutte contre les violences prend la forme de groupes de parole, d’ateliers ou encore de réunions d’informations. Tous les programmes que nous proposons contre les violences masculines faites aux femmes fonctionnent en synergie avec ceux sur l’emploi, l’asile, etc.» La Maison des Femmes fait partie de plusieurs réseaux parmi lesquels : le Collectif National pour les Droits des Femmes (CNDF), Abolition 2012, ‘Avortement : Je décide’ en partenariat avec le Planning Familial, la Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (CIAMS) ou encore le réseau de solidarité avec les femmes migrantes et étrangères. Dans le cadre de ce dernier, les militantes accompagnent de nombreuses femmes dans leur démarche de demande d’asile, et les préparent notamment aux entretiens avec l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA).
La Maison des Femmes de Paris a le projet de continuer à faire exister le groupe ‘De mères à femmes’, groupe d’échange de femmes avec des enfants ayant subi des violences ainsi que la permanence d’accueil hebdomadaire et d’écoute gratuite, anonyme et confidentielle pour les femmes de 18 à 25 ans victimes de violences dans la vie amoureuse ou familiale, dans le cercle amical, harcelées au travail ou dans la rue.
Léonor Guénoun, 50-50 Magazine
Photo : Cortège de la Maison des Femmes de Paris le 8 mars 2019