Articles récents \ Culture \ Théâtre Féministe pour homme : puisqu’il faut en passer par là…
Oups ! Noémie de Lattre est énervante ! Elle joue de son corps, cabotine, tortille des fesses et minaude… mais, au fil du spectacle, énumère avec humour nombre de vérités qu’il faut entendre sur les femmes aujourd’hui. Et elle fait mouche !
Avant même que le public ne soit installé, Noémie de Lattre la ramène. Elle interpelle les un.es et les autres en peaufinant son maquillage. La bimbo entre deux âges cabotine et la joue hyper girly. Et ça continue sur la scène. Elle commente son propre corps, nu sous la serviette éponge, dévoile rapidement son postérieur. Ses seins sont-ils refaits ? Et son nez ? Et ses fesses ? Énervante. Envie de partir… Si c’est ça, « Féministe pour homme », je préfère rester féministe tout court. Sur la scène, tous les ingrédients d’un show sexy sont là. Plumes d’autruche et talons aiguilles… Et voilà qu’elle nous fait, en ombre chinoise derrière un paravent sur une musique adéquate, le coup du strip-tease… à l’envers, puisqu’elle est déjà nue.
Le pari est tenu. Les hommes présents dans la salle, relativement nombreux, sont tout émoustillés. C’est en fourreau moulant qu’elle revient dans la lumière. Mais voilà que le propos change. Entre deux danses trémoussantes, elle raconte. Tout y passe. Les différences de traitement entre femmes et hommes dans tous les domaines, notamment au travail, la publicité qui malmène les femmes… Des vieux standards féministes, revisités avec un humour indéniable qui fait mouche. Puis Noémie de Lattre donne une véritable leçon d’anatomie sur le clitoris, assortie de questions au public. Les gens sont en confiance. Les réponses fusent. Très pédagogue, elle montre un clitoris – à paillettes ! – explique, tout sourire, pourquoi les femmes ne sont que clitoridiennes. Les hommes n’en perdent pas une miette, les femmes acquiescent. En tant que féministe «historique», je cherche ce qui pourrait être faux dans tout ça… Rien ! Tout est dit, et ça passe sans casser.
Émotion dans la salle
Et voilà la comédienne, connue aussi comme chroniqueuse sur France Inter, qui s’attaque au registre des insultes. C’est vrai qu’on traite les femmes de «putes» et les hommes de «fils de pute», ce qui revient bien sûr à insulter leur mère et non pas eux. Vrai qu’il n’y a pas de mot pour insulter les clients des prostitué.es, qui sont pourtant coupables de faire perdurer le système prostituteur. Alors ? Un mot pour les désigner ? Quelqu’une propose «putainiste» sur le modèle d’automobiliste, usager.e d’automobile. C’est vrai que ça ne convient pas. La question reste ouverte. Et l’artiste s’attaque au harcèlement de rue. Nous l’avons toutes vécu et toutes, nous l’avons expliqué à nos compagnons. Là, Noémie de Lattre le fait vivre en direct à la salle entière, hommes et femmes. C’est donc ça ? Elles/ils sont touchés. Émotion dans la salle.
De tentatives de séduction très réussies en coups de gueule bien sentis, Noémie de Lattre balaye le paysage de l’inégalité entre femmes et hommes en France. Elle finit son tour de force habillée en jean et chemise à carreau, dressant la liste des injustices qui touchent les femmes dans le monde entier: «Je ne voudrais pas oublier»… Tout ce qu’elle énumère, je le sais déjà. N’empêche, je suis émue. Dans la salle, mes voisin.es ont les yeux qui piquent. C’est très fort. Et puis Noémie de Lattre ne joue plus. De vraies larmes roulent sur ses joues lorsqu’elle revient saluer. Le public l’acclame. Nous avons, ensemble et grâce à elle, fait un petit pas pour l’humanité. Bravo, l’artiste. Et merci… finalement ! S’il faut en passer par là pour faire entendre une voix féministe, pourquoi pas ? Tous les moyens sont bons et elle le prouve de façon magistrale.
Sylvie Debras 50-50 Magazine
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