Articles récents \ Europe Kaya Pawlowska: « A Genève, les cloches des églises sonneront à 15h24, l’heure à laquelle nous travaillons gratuitement »
La grève des femmes en Suisse c’est aujourd’hui. Une date loin d’être anodine puisqu’elle fait écho à deux moments clefs de l’égalité femmes/hommes dans l’histoire helvète. Le 14 juin 1981, l’égalité femmes/hommes était inscrite dans la constitution fédérale et dix ans plus tard avait lieu la première grève des femmes. Pourquoi cette grève ? Pour quels résultats ? Réponse de Kaya Pawlowska, représentante de la grève des femmes à Genève.
Quelles sont vos principales revendications ?
Nous avons élaboré un manifeste qui comprend 19 revendications pour l’égalité femmes/hommes. Nous avons choisi de ne pas les hiérarchiser. Nous réclamons la stricte application de la loi du 14 juin 1981, ne serait-ce que pour l’égalité des salaires. Les salaires ne sont que la pointe émergée de l’iceberg de la grève des femmes. Nous voulons également instituer un programme national contre le harcèlement et les violences sexuelles faites aux femmes. Il faut savoir qu’en Suisse, seul le harcèlement dans le cadre professionnel est réglementé!
Le congé de paternité est aussi important pour nous. Il n’existe pas en Suisse, ce qui est très contraignant pour les femmes. A 30 ans, elles doivent s’arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants car les crèches sont très chères. Ensuite lorsqu’elles recherchent du travail, elles sont moins payées ou prennent un temps partiel. Elles cotisent alors moins que les hommes pour l’assurance vieillesse ce qui les rend plus dépendantes financièrement. Ce n’est pas tout, dans nos revendications, il y a aussi le soutien aux femmes migrantes, l’éducation au consentement…
Comment va se dérouler cette journée ?
C’est une journée nationale. Chaque canton à sa propre organisation. Dans le canton de Genève, nous avons décidé de délocaliser l’organisation pour que les femmes des campagnes puissent participer à cette journée. Il y aura des atelier pancartes, des projections de films et des débats concernant l’égalité entre les sexes.
Dans les grandes villes, de grandes manifestations sont organisées en fin de journée car la grève n’est pas reconnue comme une grève du travail. A Genève, les cloches des église sonneront à 15h24, l’heure à laquelle nous travaillons « gratuitement ». La plupart des magasins seront fermés et tout le monde sera invité à manifester dans une ambiance festive. Il y a par exemple des chars et une chorale de prévu à cet effet. Nous voulons que toute la Suisse soit en violet pour l’occasion!
Combien de personnes attendez-vous pour l’occasion ?
1 million à travers le pays ! Cela serait le double par rapport à 1991 où il y avait eu 500.000 personnes. Nous espérons que la journée du 14 juin touchera plus de personnes.
Pensez-vous que cette journée puisse se reproduire ?
Ce n’est pas certain ! C’est une journée historique, mais il y a déjà des appels à manifester pour le 8 mars, la journée international des femmes, c’est un dimanche donc cela n’aura pas le même impact sur la société.
La grève des femmes est pourtant illégale selon le droit suisse.
C’est vrai ! Et pourtant cela marche très bien ! Nous avons même eu une vidéo du conseil fédéral nous encourageant et selon, les sondages 60% de la population est favorable à la grève. Elle est tolérée mais n’est pas légale. Il fallait donc prévenir son employeuse/employeur à l’avance ou déposer un préavis de grève avec les syndicats. Nous prévoyons une permanence juridique pour toutes les personnes qui auront eu des difficultés.
Propos recueillis par Clément Rutin 50-50 magazine