Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Grossophobie, stop !
Nous devons rompre avec le sentiment de culpabilité et l’autocensure assignés aux personnes en surpoids. Il s’agit de comprendre que la persistance de normes esthétiques survalorisant la minceur constitue une forme de violence à l’égard des individus qui ne s’y conforment pas. Les femmes sont les premières concernées, elles qui subissent de plein fouet les injonctions concernant leur corps. Les discriminations sont source d’exclusion et de souffrance.
Nous, pouvoirs publics, avons une responsabilité : celle de lutter contre la tyrannie de l’apparence qui gangrène notre société. Cette exposition s’inscrit dans la droite ligne de l’événement «GROSSOPHOBIE, STOP ! Ensemble réagissons». Elle est l’occasion de témoigner notre gratitude aux femmes modèles et créatrices qui ont pris part à l’initiative.
La lutte contre la grossophobie
Bien nommer, bien définir : qu’est-ce que la grossophobie ?
La grossophobie est une forme spécifique de rejet, de mépris, d’hostilité et de discrimination visant les personnes de forte corpulence, ou socialement perçues comme telles. Elle s’incarne sous plusieurs formes. Elle peut être intériorisée par les personnes concernées et générer un sentiment de honte, voire de culpabilité. La grossophobie s’exprime aussi dans les relations interpersonnelles et se manifeste par : des insultes, du harcèlement, des injonctions à maigrir de la part de son entourage ou d’inconnu.e.s dans l’espace public. Elle s’illustre également de manière systémique et globale, à travers les stéréotypes culturels véhiculés (la paresse, la lenteur, le manque d’hygiène, la maladie, le manque de volonté et de dynamisme, le manque de contrôle sur soi…) et les actes discriminatoires produits de manière directe ou indirecte (par le corps médical, lors du recrutement, dans les infrastructures liées aux transports, à la culture, les restaurants-bars, la publicité, les salles de sport…).
En mai 2018, le mot «grossophobie», déjà utilisé en 1994 par Anne Zamberlan, faisait son apparition dans les mots et sens nouveaux des éditions 2019 du Robert Illustré et du Petit Robert. Définition: «Attitude de stigmatisation, de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids.»
Du 9 au 15 décembre 2017, la 2e Semaine parisienne de lutte contre les discriminations avait pour thème les discriminations liées à l’apparence physique. Ce critère fait référence à la singularité visible de chacun et chacune : couleur de peau, style vestimentaire, maquillage, tatouage, coiffure, couvre-chef, bijou, poids, taille, pilosité, cicatrice, etc. Il est souvent à relier à d’autres critères : l’origine, la religion, l’âge, le sexe, l’identité de genre, le handicap, etc.
Pour la première fois, la Ville de Paris programmait un événement permettant en une après-midi de rencontres et de tables-rondes de lever le tabou sur la grossophobie systémique et ordinaire et son impact sur celles et ceux qui la vivent.
Un défilé de mode, mettant bénévolement à contribution maquilleur.se.s, coiffeur.se.s, étudiant.e s des écoles MOD’SPE Paris et Pigier de Paris, accessoiristes et DJ, a ensuite mis en valeur des modèles volontaires et non-professionnelles, qui portaient des vêtements de créateurs et créatrices engagé.e.s, Mona Al Mansouri, Olivia Boa, Anaïs Croisiaux, Eva Minge, Yunping Zhou.
De gauche à droite : Vincent Mc Doom, direction artistique ; les créatrices Mona al Mansouri, Yunping Zhou, Anaïs Croisiaux, Olivia Boa
L’objectif était de promouvoir et valoriser la diversité des corps, questionner les normes liées aux corps dits «beaux» et «acceptables» dans notre société et donner à voir qu’il est possible de proposer des vêtements de qualité pour toutes les tailles.
Les préconisations prises par la Ville de Paris pour lutter contre la grossophobie
Santé
Adapter la démarche vis-à-vis des professionnel.le.s relais et des publics concernés par Paris Santé Nutrition (PSN), programme de prévention du surpoids et de l’obésité chez les enfants de 0 à 12 ans.
Prendre en compte les discriminations grossophobes au sein des structures de santé et des administrations dans le cadre de la mise en œuvre des Assises parisiennes de la santé.
Participer à la diffusion auprès du grand public du dépliant «Grossophobie Médicale, parlons-en !».
Éducation
Intervention des associations spécialisées dans le cadre du dispositif «Collèges pour l’égalité».
Inscrire la sensibilisation des professionnel.le.s au programme de «l’École des métiers» de la Direction des Affaires Scolaires.
Mener une expérimentation à l’échelle de certaines circonscriptions des affaires scolaires et de la petite enfance (CASPE).
Ressources humaines
Définir un processus de recrutement et de mobilité interne plus juste et plus efficace dans le cadre de la démarche de labellisation AFNOR «diversité et égalité» engagée par la Ville.
Intégrer la prévention des discriminations liées à l’apparence physique dans le catalogue de formation de la Ville.
Espace public
Interpeller la Ministre chargée des Transports, l’autorité organisatrice des transports de la région Île-de-France et les transporteurs publics
Diffusion d’une campagne de prévention du harcèlement et des discriminations grossophobes.
La campagne de prévention et de lutte contre la grossophobie
Fruit d’une année de rencontres, de réflexion avec des partenaires associatifs, des artistes, des personnes concernées et leur allié.e.s, cette campagne de communication a pour objectif de dire stop à l’impunité envers les insultes, la violence et les discriminations grossophobes.
Retour sur le défilé
L’exposition «GROSSOPHOBIE, STOP ! Ensemble réagissons» sur les murs de la Caserne Napoléon à l’occasion de la Fashion Week revient sur le défilé qui a eu lieu à l’Hôtel de Ville de Paris lors de l’événement du même nom le 15 décembre 2017.
Cette exposition nous fait revivre cet événement. 35 modèles non-professionnelles portaient des vêtements de créatrices de différents pays qui ont imaginé une garde-robe grande taille afin de célébrer la diversité des corps, la beauté de toutes les femmes. Une façon glamour de questionner des normes esthétiques survalorisant la minceur qui constituent une forme de violence à l’égard de celles et ceux qui ne s’y conforment pas.
Enfin, cette exposition donne la parole aux modèles par leur témoignage de ce que le défilé leur a apporté et comment il a contribué à une prise de conscience sur cette discrimination.
L’exposition a lieu jusqu’au 29 mars sur les murs de la Caserne Napoléon, rue de Lobau et rue de Rivoli dans le 4e arrondissement de Paris en face de l’Hôtel de Ville.
Mairie de Paris