DÉBATS \ Contributions DESTRUCTION DE L’assurance chômage : Des consÉquences NEFASTES pour les femmes

La loi Pénicaud Pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été adoptée le 1er août 2018. Elle prépare la disparition de l’Assurance chômage, compte tenu d’une fiscalisation, d’une suppression des cotisations sociales constitutives du salaire indirect et de menaces sur le mode de gestion paritaire. Elle va dans le sens d’un renforcement des contrôles et des sanctions contre les demandeuses/emandeurs d’emploi et d’un abaissement des normes d’emploi qui leur sont imposées par les services de l’emploi. Les associations de défense des chômeuses/chômeurs redoutent la fin du droit à un revenu de remplacement et l’instauration d’une allocation forfaitaire décidée arbitrairement par l’État, complétée par des assurances privées.

Aucune mesure permettant de réduire la précarité

Aucune solution n’a été apportée au problème du développement des contrats de courte durée, à temps partiel, ou des autoentrepreneuses/entrepreneures subordonnés à des plates-formes. Or, l’emploi féminin est fortement concentré dans des petites entreprises et dans des branches qui offrent les conditions d’emploi les plus dévalorisées: les services à la personne, le médico-social, la sous-traitance, l’hôtellerie, la restauration… La limitation des contrats de courte durée aurait dû être traitée dans le cadre de négociations par branches, mais cela n’a pas été fait pour le moment; de plus, ce type de négociations est souvent défavorable aux salarié.es des secteurs féminisés.

Les femmes connaissent depuis longtemps un émiettement des emplois, la pluriactivité, le temps partiel imposé… Toujours plus de flexibilité et de mobilité sont exigées de la part des salarié.es, avec encore moins de garanties sur le plan des droits sociaux. Un modèle de société se précise: pour survivre, il va falloir avoir plusieurs emplois, courir sans arrêt toute la journée, avec des déplacements non payés et des temps de transport à rallonge…

Les demandeuses/demandeurs d’emploi seront sanctionnés au bout de deux refus d’une Offre Raisonnable d’Emploi (ORE). L’obligation de répondre à une ORE sous peine d’une suppression des allocations, constitue une véritable atteinte au principe d’égalité entre les citoyen.nes,  comme l’a souligné l’avis du Conseil d’État sur ce texte de loi. La définition d’une ORE est en effet très floue et risque d’être appliquée de façon très inégalitaire selon les bassins d’emploi et les caractéristiques des demandeuses/demandeurs d’emploi. Les offres d’emploi genrées, avec une systématisation des emplois précaires et à temps partiel imposé pour les femmes, ont de grandes chances de se multiplier.

Des droits à indemnisation encore diminués

Les catégories les plus précaires (intérimaires, senior.es, demandeuses/demandeurs d’emploi en activité réduite) ont déjà été ciblées dans la Convention Unedic 2017, du fait de la suppression de l’annexe 4, des modifications des conditions d’accès à l’indemnisation et du mode de calcul des indemnités journalières.

L’État imposant un cadrage financier, plus d’un milliard d’€ par an d’économies sur les trois prochaines années sont exigées. Elles vont encore une fois se faire sur le dos des plus précaires et des femmes, qui représentent une majorité des demandeuses/demandeurs en activité réduite. Les femmes sont moins souvent et moins indemnisées que les hommes : en moyenne 25 % de moins, autour de 800 € au lieu de 1000 €.

Dans le cadre de la « lutte contre la permittence » (ou alternance de périodes de chômage et de contrats de courte durée), l’État compte prendre des décrets afin de limiter les possibilités d’un cumul d’allocations chômage et de revenus d’activité. Les personnes « en activité réduite » sont présentées comme des « profiteuses/profiteurs » du système et vont être une nouvelle fois ciblées, dont beaucoup de femmes qui travaillent notamment dans les services à la personne.

Les femmes victimes de harcèlement vont continuer à subir !

L’indemnisation des démissionnaires une fois tous les cinq ans a été inscrite dans la loi, cependant les conditions d’accès sont très restrictives. Les personnes concernées sont celles qui démissionnent dans le cadre d’un projet de reconversion agréé par une commission paritaire ou d’un projet de création d’entreprise.

Les femmes sont majoritaires parmi les démissionnaires, ce qui tient à la pénibilité de leurs conditions de travail, aux turnovers et bas salaires. En outre, une grande partie des femmes qui démissionnent le font en raison de difficultés à «concilier» leurs horaires de travail avec leurs obligations familiales, ou en raison d’un harcèlement ou de violences au travail… Ces violences au travail concernent une femme sur trois au cours de sa vie et seulement 5 % des cas aboutissent en justice. Mme Pénicaud n’a pas jugé nécessaires des mesures favorables aux femmes victimes de violences, en prétextant qu’il faut surtout «faire de la prévention.»

Mais que devient la prévention, alors qu’avec les Ordonnances de 2017, les Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) n’existent plus dans les entreprises de 50 à 300 salarié.es et que les commissions mises en place dans le cadre du nouveau Comité social et économique de celles de plus de 300 salarié.es ont des moyens matériels et humains très réduits ?

À cela, il faut ajouter l’affaiblissement considérable des moyens pour l’inspection du travail et la médecine du travail et les sanctions prises par le Conseil de l’ordre des médecins (à la demande du patronat) contre les médecins du travail qui mettent en évidence des situations de harcèlement et de risques pour la santé des salarié.es au sein des entreprises.

Des attaques contre les minima sociaux et les aides sociales

Le gouvernement prévoit d’instaurer un versement social unique réunissant le plus grand nombre de prestations perçues par un ménage (RSA, APL, prime d’activité…) tout en faisant des économies sur le budget des aides sociales. Les aides au logement vont être encore réduites. Le « revenu universel d’activité », qui serait institué à la place du RSA et d’autres prestations, serait conditionné à une obligation de suivi et de participation à des dispositifs d’insertion… Les allocations de minima sociaux sont attribuées sur la base des ressources de toute la famille, ce qui pénalise souvent les femmes. Beaucoup d’entre elles n’ont droit à aucune allocation en cas de chômage et cela risque de ne pas changer avec ce nouveau « revenu universel d’activité. » 

L’autonomie financière pour les femmes ne pourra être obtenue qu’à condition d’assurer un droit à l’emploi et à un revenu de remplacement décent en cas d’absence d’emploi. Cela nécessite à la fois une forte réduction du temps de travail, l’abrogation des ordonnances de destruction du Code du travail, l’indemnisation de toutes les formes de chômage au moins au Smic mensuel, enfin l’attribution de toutes les allocations liées au chômage sur la base des ressources personnelles et non familiales.

Odile Merckling et Catherine Quentier – Femmes contre les précarités, le chômage et les discriminations – Maison des femmes de Paris

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