Articles récents \ Île de France \ Politique En gilet jaune, Cécile témoigne
Je viens de Pologne, je suis arrivée en France en 1968. Je suis arrivée au mois de janvier, mais je n’étais pas sur les barricades au mois de mai. C’était encore le rideau de fer entre l’Est et l’Ouest et j’ai reçu des télégrammes affolés, parce qu’en Pologne on disait «les ouvriers sont dans la rue !»
J’ai 72 ans et je suis à la retraite, après 40 ans de boulot. Je travaillais dans un magasin d’approvisionnement de la Poste. Je touche 1150 € par mois et je paye 560 € de loyer. J’habite à Melun en Seine et Marne.
J’ai défendu les droits des femmes, l’avortement et je continue. Il y a pas mal d’injustices vis-à-vis des femmes et ça continue. On se gargarise de parité, mais où est la parité ? Et puis vous voyez toujours des femmes qui travaillent 3 h le matin, 2 h l’après-midi, 2 h le soir.
Aux Champ-Élysées, on s’est aperçu qu’il y avait plus de femmes que d’hommes ! Mais personne n’en parle. De toute façon, les médias veulent juste nous en mettre plein la vue. C’est ça qui me désole, il n’y a pas d’information et en même temps il y a trop d’informations. Je n’ai pas de télévision d’ailleurs, en 2005 je me suis débarrassée de ma télé.
J’étais de gauche. Je vote blanc de nombreuses années… Pour moi, il y a une fuite en avant dans le monde entier et pas uniquement de Macron qui est une marionnette dans les pattes des financiers et de l’Europe.
Je me déplace en transports en commun
J’ai fait ma transition écologique. Je n’ai pas de voiture, je me déplace en transports en commun. Tout le monde parle de dérèglement climatique, mais quand je demande aux gens autour de moi : « pourquoi tu ne te débarrasses pas de ta voiture ? En réalité, tu n’en as pas besoin.», la réponse est toujours « oh non je ne peux pas vivre sans voiture »…
J’habite en centre ville. Les femmes que je connais sont à 500 m de l’école, mais elles s’arrêtent en double file parce que le petit ne veut pas marcher, comme j’ai le contact facile, je dis «mais tu ne peux pas y aller à pied ?» et on me répond «le petit va pleurer, tu comprends.» Tout le monde pense : «le voisin doit changer, mais pas moi.»
On ne sait pas où on va. Je n’ai pas de réseaux sociaux ni internet, mais j’entends parler les gens : ils sont de plus en plus perdus, malgré cette super-communication. Ils ont des ami.es au Brésil, mais ne disent pas bonjour à leurs voisins.
Je suis là aujourd’hui à Bastille, parce que j’ai des convictions, il faut faire quelque chose. Personnellement j’ai beaucoup de mal à joindre les deux bouts, avant je mettais un peu de côté, mais maintenant je ne peux plus. Mes enfants sont en province, et eux aussi n’arrivent pas à joindre les deux bouts.
La plupart des gens qui sont ici c’est pour ça. Mais pas les jeunes, car eux sont là pour faire la révolution. Bon c’est la jeunesse, tant qu’ils n’abîment pas tout, ils peuvent bien faire la révolution. Car la révolution, ce n’est pas tout détruire.
A mon âge, ce qui m’inquiète, c’est que l’on ne va nulle part.
Témoignage recueilli par Caroline Flepp 50-50 magazine
Photo David Real