Articles récents \ Culture \ Cinéma Les Chatouilles ou la danse de la colère
Bien que racontant l’histoire de son autrice et actrice principale Andrea Bescond, le film « Les Chatouilles ou la danse de la colère » atteint une dimension universelle par sa grande liberté cinématographique et la justesse des comédien.nes aux prises avec des personnages très délicats à interpréter. Odette est à la fois fragile, lumineuse et digne, tant dans ses souvenirs de petite fille violentée que dans son présent de femme tourmentée, parfois déjantée mais bourrée d’énergie vitale malgré tout !
La danse a sauvé Odette quand elle était petite, elle lui a permis de s’éloigner du pervers qui prétendait «lui faire des chatouilles», adulte elle lui permettra d’exprimer ses émotions, sa douleur et sa rage, mais aussi sa joie pure d’exister malgré tout. Cette fillette grave et réservée nous aide à mieux comprendre à quel point les enfants peuvent être désarmés et sans voix devant les agissements des pédophiles. Ils n’ont pas les mots pour en parler à leur entourage, surtout quand le violeur semble irréprochable aux yeux des adultes.
Odette s’enferme dans sa douleur et son désarroi devant des parents trop occupés pour prendre le temps de l’écouter et de comprendre ce qui la trouble. Il est des choses difficiles à dire, encore plus pour un enfant qui sans tout comprendre ressent profondément l’intrusion des attouchements ou du viol, même s’il sont présentés comme un jeu. Cette atteinte à son intégrité physique va poursuivre Odette pendant des années, des années de souffrances et d’expériences extrêmes, pendant lesquelles la danse et l’amitié lui permettent de ne pas sombrer totalement, mais pas non plus de vivre pleinement.
Photo Cyrille Mairesse (Odette enfant)– Copyright Stéphanie Branchu
La drogue lui procure l’énergie délirante de rester debout mais c’est une énergie frelatée. Il faudra une psychologue attentive et empathique et un amoureux compréhensif et déterminé pour qu’Odette affronte enfin les démons qui la consument. Il faudra qu’elle ose enfin raconter à ses parents ce qui lui avait jusque là paru indicible. Il faudra qu’elle trouve le courage de pousser la porte d’un commissariat. Il faudra qu’elle se confronte à la violence, à la crudité et au récit public de son calvaire pour qu’enfin elle puisse hurler à la face du monde que les prétendues chatouilles de cet «ami malfaisant» ne lui étaient que brûlures. Il faudra un verdict clair pour que la peur et la honte passent d’Odette à son violeur et qu’elle soit enfin pleinement rendue à sa vie.
La pédophilie, pas une fatalité
Lors de ce procès l’homme est reconnu coupable, il savait parfaitement le mal qu’il faisait à cette enfant, même si elle était tétanisée et murée dans son silence, même si elle n’osait ni hurler, ni griffer, ni appeler ses parents.
La pédophilie est l’une des formes de la toute puissance que certains adultes s’octroient face aux enfants qu’ils considèrent comme des instruments de leur plaisir pervers.
Ce film aborde le sujet avec une justesse bouleversante. Avec la danse pour fil conducteur, le fil qui retient Odette en vie, le film mêle joyeusement le rêve et la réalité, tisse les souvenirs d’enfance même les plus douloureux avec le présent endiablé d’Odette. Ce film interpelle la spectatrice/le spectateur pour les aider, peut-être, à entendre la souffrance des petites Odette qui les entourent, leur permettre de la faire cesser, et que justice leur soit publiquement rendue.
La pédophilie n’est pas une fatalité, c’est un défaut d’attention aux enfants, mais aussi d’exigence morale face aux adultes qui les violentent et qui bénéficient trop souvent d’une indulgence coupable de la part de celles et ceux qui se doutent ou qui savent mais ne disent rien.
Dans un monde où la pornographie atteint aujourd’hui certains enfants dès la maternelle, il est urgent d’inventer les outils qui transformeront notre éducation à la sexualité et conduisent à des jeux joyeux entre adultes libres et désirant et non à l’asservissement de femmes et d’enfants à la violence et à la perversité de certains hommes, adoubés par le pouvoir de l’argent et la promotion d’une liberté sexuelle falsifiée. Ce film est un outil de sensibilisation.
La pédophilie est un crime et nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour la faire reculer en prêtant une plus grande attention aux enfants et en nous opposant aux violences des adultes à leur égard. Ces violences coûtent la vie chaque année en France à 700 enfants ! Les chatouilles ou la danse de la colère nous invitent à briser ce double tabou !
Marie-Hélène Le Ny 50-50 magazine