Articles récents \ Monde \ Europe «Équilibre entre vie professionnelle et vie privée» un enjeu européen pour l’égalité entre les femmes et les hommes
A la recherche d’une Europe sociale digne de ce nom, la Commission des affaires sociales du Parlement européen a adopté le 11 juillet dernier un texte qui garantit un meilleur « équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée » allant contre la récente décision du Conseil (composé des ministres des États membres) de revoir à la baisse ces garanties. Cette bataille au sein des institutions européennes nous concerne toutes et tous, mais reste très peu relayée dans les médias des États membres. Dans le contexte mondial actuel, les initiatives sociales européennes, surtout concernant l’égalité entre les femmes et les hommes, apparaissent plus importantes que jamais. L’histoire de cette directive est exemplaire.
Une directive de la Commission Européenne
Au départ, la Commission Européenne avait introduit une directive dont l’objectif était de créer une politique commune pour tous les États membres afin de permettre aux parents et aux aidant.e.s de bénéficier d’un meilleur «équilibre entre vie professionnelle et vie privée.» Il s’agissait de remédier à la sous-représentation des femmes dans le monde du travail en permettant une meilleure harmonie entre la vie professionnelle et la vie privée, applicable aux deux parents. Cette directive devait créer une politique commune pour tous les États membres dans le cadre du renforcement du « socle européen des droits sociaux, » adopté par l’ensemble des États membres et institutions de l’UE à Göteborg (Suède), en novembre 2017.
L’enjeu est important pour l’emploi des femmes avec des conséquences sociales considérables, notamment sur l’égalité femmes/hommes. En 2015, il y avait une différence de 11,6 points entre le taux d’emploi des femmes et des hommes âgé.e.s de 20 à 64 ans en Europe, l’écart passait à 18,1% en considérant seulement l’emploi à plein temps, les femmes ayant plus souvent recours au temps partiel.
La directive de la Commission proposait l’instauration d’un congé paternité offrant aux pères un congé de paternité d’au moins 10 jours autour de la date de naissance de l’enfant (rémunéré à hauteur des congés maladie). Elle prévoyait aussi le renforcement du congé parental, en l’occurrence, une période de 4 mois de congé parental permise aux femmes et aux hommes, non transférable et rémunérée à 50% du salaire initial afin d’inciter les pères à y participer (en France, seul 3% des pères prennent un congé parental dont la rémunération n’excède pas 400 € bien en dessous du seuil proposé par la commission). La directive proposait l’extension du droit de demander des formules souples de travail comme la réduction du temps de travail ou la flexibilité concernant le lieu de travail aux parents d’enfants âgés de moins de 12 ans (contre 8 ans aujourd’hui) et aux aidant.e.s s’occupant de proches dépendant.e.s. La directive établissait aussi la possibilité d’un congé de cinq jours, rémunéré sur la base des indemnités maladie, aux aidant.e.s s’occupant d’enfants ou de parents gravement malades ou dépendant.e;s.
L’opposition de Etats membres
Depuis le lancement de cette directive, nombre d’associations et de syndicats ont demandé au président Emmanuel Macron de soutenir cette directive. L’euro député Edouard Martin déclarait dans le communiqué commun Monsieur le président, l’équilibre vie professionnelle – vie privée est un investissement, pas un coût ! «Refuser de légiférer pour une meilleure conciliation des vies personnelle et professionnelle revient à encourager la perpétuation des stéréotypes genrés où les femmes seraient confinées à un rôle strictement maternel et où les hommes seraient contraints à voir leur virilité jugée à hauteur de leur contribution économique au foyer.»
Néanmoins, le président a fait le choix de s’y opposer déclarant, après avoir affirmé que le congé parental est un outil d’égalité professionnelle, «Les congés parentaux payés au niveau de l’indemnité maladie journalière, c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable.»
L’Union Nationale des Associations Familiales (Unaf) a remis en question cette affirmation en évaluant à 13 milliards d’€ le coût de l’ouverture du nombres de places en crèche nécessaires pour couvrir les besoins, somme bien supérieure au coût du congé parental proposé par la commission, que le gouvernement français a, de son côté, évalué à 1,6 milliards d’€.
Le Parlement européen prend l’initiative
Tout dernièrement, le Parlement Européen a adopté un texte encore plus ambitieux que la directive initiale de la Commission permettant :
- un congé parental de 10 jours à la naissance ou lors de l’adoption d’un enfant pour les pères ou équivalent second parent,
- une indemnisation de 80% du salaire brut pour le congé paternel,
- 4 mois de congé parental non transférable d’un parent à l’autre afin de permettre aux pères de s’impliquer autant que les mères avant les 10 ans de l’enfant,
- une indemnisation de 78% du salaire brut de l’employé.e pour le congé parental ainsi que pour les personnes aidant.e.s au soin de l’enfant ou d’une personne malade.
Karima Delli, députée européenne du groupe des Verts, nous a rappelé que partout où le congé parental a été réellement mis en œuvre avec un bon niveau de rémunération, il a fait ses preuves. En Suède, par exemple, 80% des pères utilisent leur congé paternité. Selon elle, les évaluations financières d’une telle mesure sont biaisées car elles ne prennent pas en compte tous les éléments. La députée travaille pour l’Europe qui protège, pour mettre en place le « socle européen des droits sociaux. » Nul doute qu’il pourrait servir de modèle.
Des négociations sur « Équilibre entre vie professionnelle et vie privée » entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sortira soit une avancée vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes en Europe ou un statut quo qui une fois de plus affaiblira l’Union Européenne au moment où les nations deviennent de plus en plus autoritaires et de plus en plus inégalitaires.
Oui le vote pour nos représentant.e.s au parlement européen compte !
Brigitte Marti 50-50 magazine