Articles récents \ France \ Société Violette Versaevel: "C'est en seconde qu’il faut faire prendre conscience aux jeunes du féminisme"

Violette Versaevel est lycéenne en terminale ES au lycée Richelieu de Rueil Malmaison (Hauts-de-Seine). En opposition au mouvement #MeToo, 100 personnalités féminines, dont Catherine Deneuve, avaient signé dans Le Monde une Tribune pour la liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Indignée, Violette Versaevel a rédigé avec son amie Yasmine Boirie une contre-tribune dans l’objectif d’atteindre 1000 signatures, pour se faire entendre. Elle revient sur ce succès.
 
Qu’est ce qui vous a révolté dans la tribune des 100?
Essentiellement la “banalisation” des agressions sexuelles dans la vie de tous les jours. En tant que jeunes femmes, nous étions directement concernées par cette tribune; c’est pourquoi, avec mon amie Yasmine, nous voulions faire quelque chose pour nous faire entendre.
Nous faisons partie de ces filles qui prennent le métro, celles qui peuvent vraiment subir des agressions sexuelles au quotidien; ce n’est pas le cas des femmes qui ont signé cette tribune qui, elles, prennent le taxi.
Nous nous sommes dit que le meilleur moyen de leur répondre était de lancer une contre-tribune et de la faire signer par plus de 100 filles, pour montrer que nous n’étions vraiment pas d’accord avec ce qu’elles disaient et que nous ne voulions pas de cet avenir là.
En avez-vous parlé aux élèves de votre lycée?
Beaucoup de jeunes de notre lycée n’étaient pas au courant de la tribune des 100, certain.e.s ne connaissaient même pas Catherine Deneuve! A notre grande surprise, c’était aussi le cas à la Sorbonne, où nous sommes allées faire signer notre contre-tribune.
Nous ne sommes pas contre Catherine Deneuve, qui a plutôt montré un engagement féministe dans sa vie, et nous n’avons pas compris qu’elle signe un tel texte. Nous sommes contre le message qui y est véhiculé, et ce qu’ont dit, par la suite, ces personnalités au cours d’interviews dans les médias. Elles sont allées jusqu’à dire qu’elles aimeraient bien se faire violer pour montrer à ces femmes que ce n’est pas un si grand traumatisme. Cela n’est vraiment pas correct.
Votre pétition a-t-elle eu du succès?
Nous avons obtenu 985 signatures pour notre contre-tribune en ligne sur Change.org, nous voulions atteindre les 1000 pour avoir un chiffre rond et significatif. Nous avons arrêté le compteur quand Le Monde a accepté de nous donner la parole dans un article que nous avons rédigé. Ils nous ont donné la visibilité que nous souhaitions.
A la suite de cette contre-tribune, avez-vous eu des invitations pour vous donner la parole?
Je suis dans le magazine Vraiment du 25/04/2018, qui consacre un dossier aux jeunes femmes féministes. Ma copine Yasmine et moi, nous sommes en couverture! Cela nous a donné l’occasion de rencontrer d’autres filles engagées, un peu plus âgées que nous, qui ont été choisies pour leurs profils variés. Cela nous a permis de voir d’autres approches du féminisme.
Est-ce que vous vous définissez comme féministe?
Avant je ne l’étais absolument pas, j’étais même “antiféministe”, car j’avais une vision hyper stéréotypée et assez dégradée des féministes. Puis, je me suis détachée de tout ça, et je me suis rendue compte que c’était vraiment important et c’est à ce moment là que j’ai commencé à m’instruire sur ce sujet.
J’ai voulu élargir ma vision du féminisme, essayer d’en voir les différentes formes, et j’ai lu pas mal de livres à ce sujet. Quand la tribune des 100 a été publiée, j’ai trouvé que c’était le bon moment pour réagir.
Quelle est la suite de votre engagement?
Nous voulons organiser des groupes de parole avec des filles de mon lycée, nous nous réunissons dans des parcs ou des cafés par groupe de 12-15 personnes.
Ce sont des jeunes de seconde. C’est à cet âge qu’il faut leur faire prendre conscience du féminisme; les terminales en ont souvent déjà une idée, les secondes pas vraiment. C’est important de leur montrer qu’il y a des choses qui ne sont pas normales dans la vie.
Pour ces jeunes, il est préférable de pouvoir en parler avec des filles comme nous. A cet âge-là, quand on rencontre des féministes plus âgées, on n’a pas forcément envie de les écouter. Nous sommes un peu comme elles, et elles peuvent se projeter. On ne leur parle pas de société patriarcale, parce que ça ne leur dirait rien. On leur montre juste ce que cela leur impose dans leur vie de tous les jours et elles s’en rendent compte car cela les concerne directement.
Pour ma part, j’aimerais aussi écrire au sujet de la prostitution. C’est toujours délicat de parler de ce genre de sujet lorsqu’on a seulement 18 ans.. mais je compte bien le faire.
Allez-vous en parler dans d’autres lycées?
Je passe mon bac cette année et je dois m’y consacrer. Mais l’année prochaine, je serai à l’université, probablement à la Sorbonne, pour y étudier la philo et l’économie. A l’université, les filles sont souvent assez ouvertes à ce genre de thématique, on y trouve des associations féministes. Je verrai dans quelle mesure je pourrai agir.
Envisagez-vous de faire partie d’une de ces associations dans l’avenir?
Oui, j’aimerais faire partie de l’association féministe de la Sorbonne. Je verrai dans quelle mesure cela me convient, mais dans tous les cas je vais essayer de poursuivre mon engagement. Pour l’instant je m’informe, j’apprends, et j’aviserai.
Le mouvement que nous avons initié était surtout axé sur la tribune signée par Catherine Deneuve; les filles et les garçons qui ont signé notre contre-tribune ont essentiellement voulu lui répondre. Nous avons eu beaucoup de chance d’avoir cette visibilité.
 
Propos recueillis par Anne-Christine Frèrejacque  50-50 magazine

print