Articles récents \ France \ Société Amandine Berton-Schmitt : "dans les manuels d'enseignement moral et civique, les personnages célèbres sont à 17% des femmes et à 83% des hommes"
Le Centre Hubertine Auclert a récemment publié une étude sur les manuels d’enseignement moral et civique, une nouvelle matière enseignée depuis la rentrée 2016/2017. Amandine Berton-Schmitt, responsable de l’éducation à l’égalité du Centre, a réalisé cette étude. Elle pointe la récurrente invisibilité des femmes au travail, des savantes, des artistes, des politiques … et les quelques points positifs.
Quel est le corpus des manuels étudiés ?
Nous avons étudié les manuels d’enseignement moral et civique de la 5ème à la Terminale. Le corpus se compose ainsi de 25 ouvrages sortis en 2016, chez 8 éditeurs différents : 16 manuels de cycle 4 (5°, 4°, 3°) et 9 manuels de cycle 5 (Lycée).
Comment sont traitées les expertes et les femmes célèbres ?
Elles sont déjà quantitativement beaucoup moins nombreuses que leurs homologues masculins : les personnages célèbres sont à 17% des femmes et à 83% des hommes. De manière assez traditionnelle, le déséquilibre est moins fort lorsqu’on regarde la répartition des personnages anonymes avec 34% de femmes et 66% d’hommes.
Le recours aux expertes est également moindre. Par exemple, nous avons dressé la liste des femmes, non politiques, qui apparaissent deux fois ou plus dans les manuels étudiés. C’est une liste très éclectique où, contrairement aux hommes, le nombre de mentions n’a pas de cohérence avec le degré de célébrité et d’importance du personnage. Les deux femmes les plus citées sont une pédopsychiatre, Marie Rose Moro, et une juge pour enfants, Nadine Regereau-Lenier, citées de nombreuses fois dans divers manuels d’un même éditeur pour introduire les thèmes sur la sensibilité et sur la justice. Cet éclectisme et cette variété des représentations renforcent l’invisibilité des femmes célèbres, savantes, artistes, qui se retrouvent ainsi représentées au même niveau que des personnages plus anecdotiques.
Comment parle t’on des femmes au travail ?
De manière assez marginale finalement, puisque la sphère professionnelle est composée seulement de 19% de femmes. Le travail reste vu comme un univers masculin, notamment lorsqu’on le représente de manière imagée. Les pictogrammes qui représentent le travail sont toujours des silhouettes masculines. La répartitions des métiers et des activités est elle aussi très traditionnelle.
Y a t’il une approche des violences faites aux filles et aux femmes ?
Non parce que cela n’est pas prévu dans les programmes. Il est question du harcèlement qui est globalement bien traité. On peut malgré tout regretter l’absence d’explicitations sur les dimensions sexistes du harcèlement, alors même que les manuels utilisent des exemples qui n’en sont pourtant pas dépourvus.
Qu’est-ce qui vous a le plus frappé à la lecture des manuels étudiés ?
Une bonne nouvelle d’abord car ce n’est pas si fréquent : les pages consacrées à l’égalité et aux inégalités femmes/hommes, au sexisme, aux discriminations fondées sur le sexe sont intéressantes et bien construites. Et un point négatif : l’invisibilité des femmes politiques dans des manuels qui font la part belle à l’éducation à la citoyenneté. Les femmes représentent seulement 15% des personnages évoluant dans le champ politique. Cette sous-représentation s’accompagne d’une forme d’invisibilisation des femmes. Elles sont davantage représentées en tant que citoyennes participant à la vie publique, avec un engagement civique (67 % des femmes représentées dans le champ politique), qu’en tant qu’élues ou professionnelles de la politique (33 %).
Pour les hommes, c’est l’inverse, ils sont davantage représentés en tant qu’élus ou professionnels de la politique (60 %), qu’en tant que citoyens (40 %).
Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine
L’Etude du Centre Hubertine Auclert