Articles récents \ Chroniques Le dernier mot d’Annie : des Saoudiennes qui font l’histoire 

Le 10 novembre 1990, à Riyad elles étaient  45 Saoudiennes dans 15 voitures, toutes pilotées par des femmes, à oser braver l’interdiction qui leur est faite depuis 1980 d’accéder à un droit minimal, celui de conduire une voiture. L’initiatrice de ce geste de révolte s’appelle, Madeha. Toutes seront arrêtées, humiliées, harcelées, mais elles ont fait l’histoire.

Le 17 mai 2011, année des « Printemps arabes », la vidéo de Manal Al-Sharaf postée du YouTube, la montrant au volant de sa voiture, fait le tour du monde. La jeune femme subira le même sort que les pionnières de 1990. Son action marquera le point de départ d’un nouveau  mouvement : « Women2Drive ».

En solidarité, à Paris et Bruxelles, ce même jour à l’initiative de la Ligue du Droit International des Femmes (LDIF) et de la Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF), des militant.e.s féministes et laïques manifestent  devant les Ambassades d’Arabie Saoudite.

Et voilà qu’enfin,  27 ans après la première manifestation, un décret du roi Salman levant  l’interdiction de conduire permet aux femmes de demander un permis sans l’autorisation de leur tuteur mâle.  Du coup, le monde applaudit. Nous aussi d’ailleurs. Comment faire autrement ? Mais ne soyons pas aveugles : il reste tant à obtenir.

 

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La priorité : mettre un terme à l’apartheid sexuel et à la tutelle masculine

Certes, nous l’avons noté, les  femmes n’auront pas à demander l’autorisation de leur tuteur mâle, mais pour tous les autres gestes de la vie quotidienne, ce  tutorat humiliant dont elles demandent l’abolition  demeure en vigueur.

Dee même que l’apartheid sexuel avec sa cohorte d’absurdités et de complications.

Ainsi dans le cas de la conduite automobile,  l’autorisation d’obtenir un permis ne pourra se concrétiser avant mi-2018 car il faudra au préalable éliminer différent  obstacles bureaucratiques et sociaux qui empêchent les femmes d’obtenir un permis de conduire, il faudra mettre en place les installations dédiées aux cours de conduite pour les femmes, former des instructrices, former les policiers ayant à interagir avec les conductrices, etc..

Autre exemple « d’ouverture » du pouvoir à l’égard de femmes : à l’occasion de la commémoration des 85 ans de la création de l’Arabie Saoudite dans ses frontières actuelles, des femmes ont été admises, pour la première fois, dans un stade. Annonce qui sera suivi  par un nouvelle précision: des aménagements vont être réalisés sur trois stades, à Riyadh, Jeddah et Dammam, pour qu’ils puissent accueillir des « familles » début  2018. Apartheid sexuel oblige….

Bravo ! Mais il n’y a pas d’indication selon laquelle cette autorisation conduirait à la levée des restrictions sur les droits des femmes dans le domaine du sport, y compris le droit de pratiquer et concourir dans une majorité de sports qui ne sont pas mentionnées dans le Coran.

Donc n’abandonnons pas notre combat contre l’apartheid sexuel institutionnalisé tel que pratiqué en Arabie Saoudite et en Iran.

Les JO Paris 2024 nous offrent une occasion unique de mener une campagne contre cette violence d’Etat à l’encontre des femmes, violence contraire aux principes inscrits dans la Charte Olympique.

Le 10 octobre dernier, la Ministre des Sports, Laura Flessel, en réponse à des questions de parlementaires posé à la suite des interventions de la LDIF et de la CLEF, expliquait dans une belle langue de bois : « La problématique de la pratique féminine du sport en Arabie Saoudite comporte des zones sensibles plus déterminées par les us et coutumes des populations concernées que le caractère religieux qu’elle véhicule. De ce fait, en complément de la volonté des dirigeants saoudiens d’ouvrir la pratique du sport aux femmes, des évolutions des pratiques coutumières sont également attendues. (…) . La France pourrait contribuer activement au développement de la pratique sportive féminine dans ce pays, notamment en œuvrant pour la formation des cadres sportifs saoudiens. (…) . Concernant la République Islamique d’Iran, le ministère des sports s’attachera, en cas de projets de coopération dans le champ du sport, à valoriser la pratique sportive féminine et son développement»

Quant au Président de la République, en réponse à un courrier de ces mêmes associations, il a qualifié la lutte contre l’apartheid sexuel dans le sport  de «juste et primordiale», ajoutant que « La France ne manquera pas   de contribuer aux initiatives diplomatiques susceptibles de favoriser le développement du sport féminin dans les pays concernés ».

 

Annie Sugier 50-50 magazine

Références :

  1. Révolution sous le voile, par Clarence Rodriguez, Ed. FIRST, 2014
  2. Comment l’Islamisme a perverti l’Olympisme, Ed Chryséis, 2017
  3. Blog James M. Dorsey, 22 09 2012, Women’s driving: Saudi Prince Mohammed’s litmus test

Source: Middle East Eye

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