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Le 8 mars 2017, à l’occasion de la Journée Internationale de lutte pour les Droits des Femmes, Catherine Baratti-Elbaz, maire du 12ème arrondissement de Paris a inauguré les nouvelles voies du quartier Charolais Rotonde, dédiées à des figures féminines du 20e siècle : Louise Hervieu, Gertrude Stein et Simone Iff.
La mairie du 12ème arrondissement, au nom de l’égalité femmes/hommes, porte le projet d’équilibrer les dénominations des noms des rues. Des femmes extraordinaires ont marqué le XXème siècle. Elles se sont battues pour la liberté, et pour l’égalité. Elles incarnent l’inébranlable liberté, l’indépendance idéologique, sexuelle et artistique; alors même qu’elles ont connu l’obscurantisme et l’oppression nazi. Elles ont montré la voie à des générations de femmes.
Louise Hervieu : « la souffrante fillette »
Louise Hervieu (1878-1954) écrivaine, dessinatrice et lithographe française, elle souffre de déficiences physiologiques dès l’enfance. Toute sa vie elle aura à souffrir de cette maladie inconnue qui la fait soufrir. Ce n’est qu’en 1920, lorsque sa vue est gravement affectée, au point qu’elle ne puisse peindre qu’en noir et blanc, que l’on envisagera la syphilis congénitale comme cause de sa « mal-santé » comme elle l’appelle. Sa maladie affecte son oeuvre. Dans Montsouris, qu’elle écrit en 1928, elle évoque ses souvenirs d’enfance et « la souffrante fillette ». Elle soulève en 1936 la question de l’hérédité des maladies avec Sangs, qui fut récompensé par le prix Fémina en décembre de la même année. L’un de ses ancêtres auraient contractés la Siphilis en Italie, alors qu’il était enroulé dans l’armée de Napoléon. Son père aurait été syphilitique. Elle fait alors des hérédités dites « honteuses » et du secret qui les entoure généralement, le motif central de son livre Sangs, dont le personnage principal, Mahaude, dite « Sang de navet », n’est autre qu’elle-même, dans le but de faire des origines héréditaires de sa santé chaotique, le tremplin d’un combat de santé publique.
En 1937 elle publie « Crime » un virulent pamphlet qui dénonce le silence qui entoure les questions de santé héréditaire dans les familles et la société. Elle fonde le 11 décembre 1937, l’association Louise Hervieu pour l’institution du Carnet de santé. Elle obtint gain de cause le 2 mai 1939 quand Marc Rucart, ministre de la Santé publique, signe, sans attendre le vote du Sénat, un arrêté instituant le « Carnet de santé » pour tout nouveau-né, dans lequel seront inscrits les antécédents familiaux et tous les soins reçus par l’enfant.
Son association est dissolue par le Régime de Vichy. Obsédée par ce qu’elle appelle « sa folie » son appréciation des évènements de la seconde guerre mondiale manque de discernement politique. Louise Hervieu fait à cette époque l’éloge de tous les pays prenant des mesures d’ordre strictement sanitaire, qui lui semblent aller dans son sens pour la santé publique, tels que l’Allemagne, la Suède, la Norvège, l’URSS et les États-Unis.
Après la guerre, l’usage du carnet de santé est réaffirmé le 19 décembre 1944, par François Billoux, ministre de la Santé publique du gouvernement du général de Gaulle.
Son action a eu des conséquences sanitaires et sociales bénéfiques.
Gertrude Stein : « a rose is a rose is a rose is a rose »
Gertrude Stein (1874-1946) est une autrice, journaliste, mécène américaine d’origine allemande. Elle s’installe à Paris en 1903 et y restera jusqu’à la fin de sa vie. Considérant la France comme sa patrie d’adoption, elle participe, pendant la première guerre mondiale, à l’approvisionnement des hôpitaux de campagne et au transport des blessés avec sa propre voiture.
Grande collectionneuse d’oeuvres d’art, elle est fascinée par l’art moderne et le cubisme. Son appartement du 27 rue de Fleurus devient un lieu de rencontre pour l’avant-garde du monde entier. Elle y reçoit des artistes, et des écrivain-ne-s venus à Paris pour chercher l’inspiration. Hemingway et Fitzgerald sont des membres assidus de son salon. Elle contribua à la diffusion du cubisme et plus particulièrement de l’œuvre de Picasso, de Matisse et de Cézanne. Gertrude Stein était une audacieuse. Elle avait la capacité de déceler le génie artistique chez les autres.
Écrivaine et poétesse, elle envisage la répétition comme moyen de brouiller les mots et ainsi les débarrasser de tout stéréotype : « a rose is a rose is a rose is a rose » est un de ses plus célèbres vers.
Juive et homosexuelle, elle se cacha pendant la seconde guerre mondiale et échappa à la répression nazi aux yeux de qui elle incarnait « un double fléau » : celui d’être lesbienne, et celui d’être juive. « Tous savaient où elle était mais personne n’osa la toucher, ni les Allemands ni la Milice de Vichy », écrit Antoine de Baecque. Gertrude retrouve son appartement et sa collection intacts après la guerre. Elle a bénéficié de la protection d’un de ses amis, l’universitaire et écrivain Bernard Faÿ, qui a collaboré avec les nazis…
Simone Iff : « Un enfant si je veux quand je veux. »
Simone Iff (1924-2014) est une militante féministe française pour le droit à l’avortement, l’instigatrice du manifeste des 343 et la première présidente du Planning Familial.
Elle intègre le Mouvement des Jeunes Femmes (MJF), un mouvement créé par la bourgeoisie protestante, dans lequel émerge une forte demande d’informations sur le contrôle des naissances, à une époque où la sexualité des femmes est taboue. Le MJF devient une mouvement de promotion des droits des femmes et participe à la création, le 8 mars 1956, de l’association La Maternité heureuse, qui deviendra en 1960 le Mouvement français pour le planning familial (MFPF). Bien que l’objectif officiel de cette structure était de promouvoir l’équilibre psychologique du couple et la santé des femmes, implicitement le but est de répondre aux questions des femmes sur le contrôle des naissance. Une loi datée de 1920 interdisait toute information sur ce sujet.
En 1961, lorsque les premiers planning familiaux ouvrent à Paris et Grenoble, Simone Iff revendique l’association de l’acte sexuel comme source de plaisir et d’une sexualité épanoui. Après la promulgation de la loi Neuwirth en 1967 autorisant l’usage des contraceptifs, Simone Iff se montre favorable à la contraception et à l’avortement, alors interdits, libres et remboursés par la Sécurité Sociale.
En 1971, Simone Iff se bat pour recueillir les 343 signatures du manifeste des femmes avouant publiquement avoir avorté et publié dans le Nouvel Observateur le 5 avril.
Elle est aussi cofondatrice et vice-présidente du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC).
Elle restera à la tête du planning familial de 1973 à 1981, date à laquelle elle deviendra conseillère chargée des questions de santé au sein du cabinet d’Yvette Roudy, ministre des Droits des femmes. En tant que conseillère ministérielle, elle portera deux combats : le remboursement de l’avortement, qu’elle obtiendra en 1982, et l’attribution de places réservées à l’interruption volontaire de grossesse en hôpital.
Salome 50-50 Magazine