Articles récents \ France \ Société «Tu as tes règles ou quoi?» : le code du travail s’attaque au sexisme
Depuis peu, le sexisme ordinaire fait l’objet d’une disposition législative. Alors que certains comportements demeurent sanctionnés par le droit pénal, la loi du 15 août 2015 relative au travail social et à l’emploi, renforcée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation de la vie sociale et à la sécurisation des parcours professionnels, renforce la protection des victimes en condamnant « l’agissement sexiste ». Le Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les femmes et les hommes diffuse un kit de vulgarisation des dispositions du droit du travail en matière de sexisme.
Le kit comporte 3 volets : une fiche juridique, une fiche repère à destination des employeurs, des RH, des délégué-e-s syndicales, des délégué-e-s du personnel et des victimes et 10 leviers pour l’entreprise.
La fiche juridique
80% des femmes subissent le sexisme sur leur lieu de travail. Nous en connaissons les conséquences. Celles-ci sont visibles dans la société et se quantifient très facilement. Seule une femme est à la tête d’une entreprise du CAC 40, 12% des pères se sont arrêtés au moins un mois pour congé parental. A compétence égale, les femmes touchent 19,2% de moins que les hommes. En moyenne, une femme retraitée recevra 600 € de pension que moins qu’un homme. Ces inégalités prennent leur source dans le sexisme ordinaire.
Depuis quelques années, des femmes ont commencé à dénoncer le sexisme sur les réseaux sociaux et notamment sur Tumblr et Twitter grâce au #PayTonTaf. Sur Tumblr, les témoignages de femmes humiliées se multiplient sur presque une centaine de pages.
Des témoignages
“Toi, je vais te violer.” Mon premier job, j’avais 18 ans. Sourire gêné des autres collègues, personne n’a réagi.
“Ah mais on vous propose un poste commercial parce qu’on s’est dit que la technique vous ferait peur, vu que vous êtes une femme.”
“Tu es très compétente… surtout pour une femme.”
“De toute manière t’es une femme, et toutes les femmes sont des casse-couilles.”
“C’est toi la responsable commerciale sur ce projet ? Notre seule chance de gagner l’affaire, c’est que tu mettes un double Wonderbra.”
“Ça t’embête si j’emmène plutôt Untel ? Tu comprends, ça fait bien mieux au salon du Bourget d’emmener un jeune homme fringant, qu’une bonne femme. Ça fait plus sérieux, tu ne trouves pas ?”
“Une chose est sûre : les femmes sont moins ambitieuses que les hommes.”
“Allez voir la secrétaire. » Mon équipe est 100% masculine, je suis leur responsable.
“Avec ce que gagne ton mari, tu n’as pas besoin de travailler.”
“Et ça ne les dérange pas vos gars, d’être dirigés par une femme ?”
“Comme souvent avec les femmes, je te trouve plus intelligente quand tu te tais.”
“Pourquoi je ne demande qu’aux filles du service de faire le café et les photocopies ? Mais c’est parce que vous êtes les meilleures pour réaliser les tâches subalternes !”
Insérée dans le code du travail, à l’article L1142-2-1, « l’agissement sexiste » est défini comme « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » et rappelle que « nul ne doit subir d’agissement sexiste. »
Sous cette nouvelle législation, peut être considéré comme un agissement sexiste à l’encontre d’une salariée, un comportement sexiste qui ne la vise pas personnellement, si par exemple elle a été exposée à un environnement sexiste tel, qu’elle n’a pas pu remplir ses missions dans un climat serein.
L’auteur risque une sanction disciplinaire pouvant aller du blâme au licenciement. De simples observations verbales ne constituent pas des mesures suffisantes, selon le code du travail.
La salariée, victime d’agissements sexistes de la part d’un collègue, d’un supérieur hiérarchique, d’un client ou d’un fournisseur peut saisir le juge des Prud’hommes contre son employeur-e pour obtenir la réparation du préjudice subi.
La fiche repère : « Que faire ? »
Le sexisme se combat. Le kit donne des pistes d’action aux employeur-e-s, aux syndicats et des conseils aux victimes. Parmi les propositions, il est conseillé à l’employeur-e de « sensibiliser toutes/tous les salarié-e-s à la question du sexisme », de « prévenir tout agissement sexiste » et de « veiller à la pris en charge des victimes. » Les syndicats doivent « exercer leur vigilance à l’égard des propos, comportements et agissements sexistes » ou encore « inviter la salariée, le cas échéant, à saisir la médecine du travail ».
Les 10 Leviers de l’entreprise
L’entreprise a la responsabilité d’offrir un cadre de travail favorisant le bien vivre ensemble et reposant sur le respect mutuel entre ses membres, ainsi qu’une culture exempte de sexisme. Le sexisme ordinaire a des répercussions néfastes sur le bien-être au travail des salariées et sur leur sentiment de compétence et de légitimité. L’égalité salariale ne sera atteinte que par l’élimination de toutes les formes de sexisme dans l’entreprise. Le kit énumère ainsi 10 leviers pour atteindre l’égalité :
- Construire un programme d’action contre le sexisme.
- Définir clairement les actes prohibés
- Mettre en place une politique de prévention du sexisme
- Intégrer la lutte contre le sexisme dans le dialogue social
- Sensibiliser à la question du sexisme l’ensemble des personnes appartenant à l’entreprise
- Prendre en charge les victimes et traiter les situations de sexisme
- Instaurer une vigilance sur l’éventuelle présence de stéréotypes de sexe dans toutes les procédures du ressort des ressources humaines
- Construire une communication interne et externe dépourvue de stéréotypes de sexe
- Assurer une promotion active du programme d’action contre le sexisme
- Procéder à des évaluations régulières.
Depuis l’insertion de « l’agissement sexiste » dans le code du travail, le sexisme ne passe plus entre les mailles du filet législatif. L’article L1142-2-1 permettra peut-être, enfin, d’en finir avec le déni qui entoure le sexisme ordinaire.
Salome 50-50 magazine
Article publié le 16 juin 2017