Articles récents \ Politique Danièle Simonnet : « Ce gouvernement va être un gouvernement de guerre contre l’égalité femmes/hommes »
Danièle Simonnet, porte-parole de la France Insoumise et co-coordinatrice du Parti de Gauche est candidate dans la 6ème circonscription de Paris avec pour suppléante l’article féministe Sophie De La Rouchefoucaut. Elle a écrit et joue une conférence gesticulée : « Uber, les salauds et mes ovaires », fait rare pour un-e politique.
Que pensez-vous de l’absence de ministère des Droits des femmes au sein du nouveau gouvernement ?
Un secrétariat d’Etat rattaché au premier ministre Edouard Philippe montre l’importance que ce gouvernement accorde à la thématique de l’égalité femmes/hommes. Car ce premier ministre a voté contre la loi du 4 août sur l’égalité femmes/hommes et il s’est opposé à la loi d’abolition de la prostitution. C’est un premier ministre extrêmement libéral qui veut aller encore plus loin que la loi El Khomri. On sait que les premières personnes à subir les conséquentes de la précarité, de la baisse des salaires, de la casse des retraites ce sont les femmes. Je suis intimement convaincue que ce gouvernement va être un gouvernement de guerre contre l’égalité femmes/hommes. C’est une guerre sociale que ce gouvernement organise et à partir du moment où une guerre sociale est organisée, elle ne sert que les intérêts du patronat. De tous temps, les premières personnes à subir les régressions sociales ce sont les femmes, cette minorité qui représente la moitié de la population, cette minorité majoritaire.
Que pensez-vous de la parité imposée par EM parmi ses candidat-e-s aux législatives?
La parité, c’est la loi. Alors sur le papier, dans ce gouvernement, on a la parité mais mis à part la ministre en charge des armées, les ministères régaliens sont tous dans les mains des hommes.
Les circonscriptions les plus gagnables ont-elles été accordées de façon paritaire à des femmes et à des hommes ? C’est à voir. A Paris, au niveau de la France insoumise, il y a un certain nombre de circonscriptions gagnables dont la mienne, et celle du 19ème arrondissement par exemple où des femmes sont candidates. J’en suis très fière. Nous ne sommes pas reléguées aux arrondissements de l’ouest parisien imprenables pour notre composante politique, comme l’ont fait d’autres listes.
Concernant l’égalité femmes/hommes quelles seraient les premières lois à proposer ou à amender ?
Pour moi, la loi sur l’égalité salariale est essentielle, même si l’émancipation des femmes ne se réduit pas à cette question. Mais elle est plus que symbolique car à profession égale, à compétence égale, à ancienneté égale il est important que les femmes soient reconnues, il n’y a aucune raison que les femmes touchent moins. On a la possibilité d’imposer, par la loi, l’égalité salariale en faisant en sorte que le coût des pénalités pour le patronat, s’il ne la respecte pas, soit bien plus conséquente afin d’être véritablement dissuasif.
Il faut également qu’il y ait plus d’inspectrices/inspecteurs du travail pour garantir l’accompagnement de cette bataille. Et cette bataille pour l’égalité salariale a des conséquences émancipatrices pour tout le monde. Quand on a l’égalité salariale, ce sont tou-te-s les salarié-e-s qui sont plus forts pour exiger l’amélioration de leurs droits. Dès que vous réduisez les concurrences déloyales, les compétitions arbitraires, vous renforcez les droits de tou-te-s. Et lorsque vous mettez en place l’égalité salariale vous faites rentrer beaucoup plus de fonds dans les caisses de tout notre système de protection sociale ; sécurité sociale, retraite etc. Tout le monde y gagne.
Avez-vous surmonté des obstacles dans votre vie politique du fait d’être une femme?
J’en ai fait un des fils de ma conférence gesticulée « Uber, les salauds et mes ovaires ». Mes ovaires c’est bien pour assurer le fil féministe, je fais rentrer ce sujet dans ma conférence gesticulée avec un grand nombre d’anecdotes.
Par exemple, à chaque fois que j’ai pris des positions courageuses, sur facebook ou twitter, j’ai reçu des messages qui se voulaient être des compliments « Madame Simonnet, elle a des grosses couilles ». On voulait me féliciter mais on voit bien ici le reflet de la domination patriarcale de notre société car lorsque l’on veut faire des compliments à une femme on lui donne des attributs masculins et lorsque l’on veut dénigrer un homme on lui appose des adjectifs féminins, ce qui révèle les deux faces de la domination patriarcale : le sexisme et l’homophobie.
Les rôles sexués font l’objet d’une reproduction socio-culturelle très forte. Nous femmes, sommes imbriquées, nous sommes culturellement imbriquées. Nous nous construisons dans ce contexte, nous essayons de transgresser mais dès l’enfance on nous met une poupée dans les bras alors que les garçons sont poussés à prendre des risques et à grimper aux arbres. Résultat, les femmes s’occuperont plus des autres et seront moins sur le devant de la scène, à prendre le micro.
Quand je me suis engagée dans le syndicalisme étudiant, j’étais plus dans la gestion des équipes militantes que dans celles qui montent au créneau dans un amphi. C’est la loi sur la parité qui en 2000 m’a boosté car de fait il fallait qu’ une femme soit candidate aux élections municipales pour notre groupe politique et même moi alors je me disais tel homme responsable est plus compétent que moi.
Le sentiment d’incompétence est diffus, nous pensons que les hommes qui nous entourent sont beaucoup plus brillants que nous sans avoir conscience de l’aspect très genré de cette représentation. Les hommes ont été éduqués avec une plus grande confiance en eux dans le rapport au pouvoir car ils ont été élevés dans la prise de risque. Ils ont beaucoup plus d’images masculines qui leur permettent d’avoir des référents. Donc pour les femmes en politique, il faut transgresser les normes dans une société qui véhicule l’inverse. La société fait plus confiance aux hommes alors que les femmes évoluent dans une société qui les dénigre et donc elles s’auto-dénigrent.
J’ai vécu de nombreuses anecdotes sexistes dans mon parcours militant. Je peux vous parler d’une anecdote récente. Je suis co- cooordinatrice avec Eric Coquerel du Parti de gauche et au moment du Brexit lorsque François Hollande veut rencontrer les responsables des partis politiques, je me rends donc avec Eric Coquerel et Jean-Luc Melenchon à l’Elysée. Le responsable du protocole, avant de nous faire entrer dans la salle, « nous » salue. En fait, il serre la main de Jean-Luc Mélenchon, il serre la main d’Eric Coquerel et se met à parler à JL Melenchon et moi il m’ignore, je suis le pot de fleurs transparent ! Mais même si je n’avais pas été la co- coordinatrice du Parti de gauche, il pouvait imaginer que j’avais un rôle, une fonction dans le parti. Il aurait dû savoir que j’étais la co-coordinatrice du parti de gauche. Cette anecdote m’a mise en colère mais elle m’a aussi beaucoup fait rire. Je la raconte dans ma conférence gesticulée. Cette violence symbolique est révélatrice des violences que subissent les femmes et qui les atteignent très fortement.
A chaque fois que je joue ma conférence gesticulée, à la fin du spectacle, des femmes viennent me parler de leur vie professionnelle, de leur vie privée, de leur vie militante, associative, syndicale, des milieux où elles sont très souvent victimes d’agression verbale, ou invisibilisées. L’invisibilisation est une agression encore plus violente, puisqu’elle vous rend inexistante.
Qu’est ce qui vous a poussé à vous présenter ?
Je me présente parce que l’Assemblée Nationale est le lieu où les lois sont élaborées ; le lieu où l’on peut prendre le pouvoir et changer réellement la vie des gens. Pour moi, si on veut changer le cours de l’histoire, c’est le lieu où c’est possible.
J’avais été candidate en 2012 mais cette fois-ci je sens que je vais gagner cette législative. Je veux la gagner pour poursuivre, sur le plan national, la bataille, que nous avons commencé lors de la présidentielle avec Jean-Luc Mélenchon, vers un vrai programme de rupture. Nous ne sommes pas simplement candidat-e-s pour briguer des postes, nous sommes candidat-e-s pour renverser le système.
Nous portons l’ambition de la convocation d’une constituante, d’engager la planification écologique, la redistribution des richesses, l’accès à des droits humains nouveau, comme l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution.
Moi qui ait 45 ans et qui milite depuis toujours, je me rends compte que tout ce que j’ai pu semer, expérimenter, les luttes nombreuses que j’ai soutenues, dans lesquelles je me suis impliquée, tout cela va pouvoir se concrétiser, se fédérer dans cette élection. Ne laissons pas les pleins pouvoirs à Macron et décrétons le temps de l’insoumission !
Propos recueillis par Caroline Flepp 50/50 Magazine