Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Harcèlement et violences faites aux femmes : des déclarations aux actes !
Au détour d’un article de journal et d’une pétition rapidement lancée sur Internet, le pays vient de
s’enflammer à propos d’une zone d’à peine cent mètres carrés au coeur du 18ème arrondissement de
Paris. Les femmes y seraient « une espèce en voie de disparition » car « harcelées » par des
« groupes d’hommes seuls » en particulier des « migrants » nombreux à se regrouper dans le
secteur.
femmes en France : 100% d’entre elles ont déjà été harcelées ou agressées dans les transports en
commun selon le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes et 76% déjà été suivies
dans la rue. Trop souvent minimisé, banalisé ou tourné en dérision, le harcèlement est pourtant puni
par la loi. Rappelons-le : baisers forcés, mains aux fesses et autres frottements, qualifiables
d’agressions sexuelles, font en effet encourir jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros
d’amende à leurs auteurs. Le sujet est donc sérieux. Trop sérieux en tout cas pour la droite qui l’a aussitôt exploité en totale
contradiction avec ses actes. Valérie Pécresse, « fière de ses valeurs », n’a pas hésité à en faire un
thème national de la campagne des législatives LR-UDI, semblant oublier qu’elle a elle-même
coupé plus de la moitié des subventions aux associations agissant pour l’égalité femmes-hommes
lorsqu’elle a accédé à la présidence de la région Île-de-France. Une situation également récupérée
par le groupe LR parisien qui s’est pourtant systématiquement opposé en Conseil de Paris aux
actions menées sur le sujet : « des études aux implications mineures » selon leurs propres
déclarations publiques. L’extrême droite s’est encore une fois empressée d’utiliser les violences et le sentiment d’insécurité
vécus par les femmes pour déployer les amalgames les plus racistes et occulter que 74 % des viols
sont en réalité commis par une personne connue de la victime. Si le quartier La Chapelle,
prétendument « interdit aux femmes » la passionne soudain dans une stigmatisation inadmissible, au
parlement européen, Marine Le Pen vote contre les textes visant à faire progresser l’égalité femmes-hommes! Les violences sexuelles et sexistes sont un sujet sérieux et massif. A Paris, avec Anne Hidalgo, nous
avons lancé en 2014 l’Observatoire parisien des violences faites aux femmes sur le modèle de celui
créé en Seine-Saint-Denis. Il permet de constater que ces violences sont malheureusement
commises dans tous les quartiers, dans tous les milieux sociaux, par des hommes de toutes
origines ! Si on prend le sujet au sérieux et comme un sujet de politique publique, des solutions existent ! Pour
combattre les violences subies dans la rue et les transports mais aussi l’ancestrale assignation des
femmes à l’espace privé, j’ai initié dès 2015 une démarche autour du « genre et de l’espace public »
avec l’ambition que Paris devienne une figure de proue sur ce sujet. Des marches exploratoires ont déjà été organisées dans sept arrondissements avec des femmes qui
ont eu le courage de s’engager contre le harcèlement et l’insécurité vécue ou ressentie grâce à
l’accompagnement d’associations spécialisées et de services de la Ville. Ces études sont majeures.
Elles permettent de mettre des mots et de produire des données sur des situations auxquelles sont
confrontées les femmes depuis la nuit des temps. Avec le concours d’acteurs institutionnels et
associatifs, français et étrangers, elles ont non seulement permis d’établir des programmes d’actions
destinés à faire de chaque quartier concerné un espace plus égalitaire, partagé, plus sûr et plus
accessible, y compris les sept grandes places parisiennes en cours de réaménagement, mais aussi à
réaliser un guide référentiel à destination des professionnel-le-s de l’urbanisme et de l’aménagement,
pour favoriser la mixité de l’espace public et rendre les villes inclusives et plus adaptées à tous les
usages.
A l’occasion de la dernière journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la
Ville de Paris a également lancé une grande campagne spécifique contre le harcèlement de rue pour
en montrer le caractère inacceptable, rappeler la loi, mais aussi pour soutenir les victimes et les
témoins dans leur affirmation du droit à la ville sans violence sexuelle et sexiste, faire de
l’éducation à l’égalité et lutter contre le sexisme omniprésent dans l’espace public. Cette campagne
est largement diffusée depuis et est à disposition de tou-te-s celles/ceux qui souhaitent s’en saisir ! Nous avons aussi initié des partenariats avec des femmes qui développent des applications contre le harcèlement de rue !
Emmanuel Macron, en ce qui concerne l’égalité femmes-hommes ! Le Premier ministre est
finalement un homme, l’égalité femmes-hommes n’a hérité que d’un secrétariat d’État…
Marlène Schiappa a désigné la lutte contre le harcèlement de rue comme une priorité de son action
et préconisé que toutes les politiques d’urbanisme comportent un volet concret de prévention des
violences sexuelles et sexistes. Mais la perspective de mettre fin aux violences faites aux femmes
demandera en réalité des décisions et moyens humains et financiers exceptionnels.
L’État a consacré seulement 27 millions d’euros l’année dernière aux droits des femmes, soit 0,0066% du budget général, alors que l’on sait que le coût financier des violences pour la société française est de 2,5 milliards d’euros par an. Arrêtons l’hypocrisie : un ministère dédié et des moyens décuplés sont la seule voie pour agir de façon transverse dans tous les domaines, c’est à dire l’éducation, la police, la justice, la santé, etc.
La perspective de mettre fin aux violences faites aux femmes et à la domination patriarcale, à laChapelle et partout, demandera plus que des déclarations opportunistes et la mobilisation d’un jour
de candidat-e-s en campagne, elle demandera de vrais politiques publiques et des actes !
Hélène Bidard
Adjointe (PCF) à la Maire de Paris, chargée de l’égalité femmes-hommes, de la lutte contre les discriminations et des droits humains