Articles récents \ France \ Politique Jean-Luc Mélenchon « Egalité femmes/hommes : abolir le patriarcat »
Delphine Beauvois a co-écrit le livret #23 de la France Insoumise intitulé « Egalité femmes/hommes : abolir le patriarcat », elle est également auteure de jeunesse féministe. Pour le candidat Mélenchon, l’éducation à l’égalité et la déconstruction des stéréotypes de genre doivent commencer dès le plus jeune âge.
Que pensez-vous des positions des partis de droite et d’extrême droite sur les droits des femmes?
Les positions sur les droits des femmes des partis de droite et d’extrême droite sont un alibi électoral.
Le féminisme est lié au combat social et au combat pour l’égalité en général. Un parti ne peut pas avoir un programme féministe d’un côté et s’attaquer par exemple aux retraites de l’autre, alors que les femmes retraitées perçoivent des pensions de retraite plus basses. Les partis de droite et d’extrême droite proposent des « mesurettes » pour se donner bonne conscience mais le mouvement féministe n’est pas dupe.
Quand tu es féministe, il faut regarder ton programme avec un prisme genré. En cela le programme des droites n’est pas féministe. Marine Le Pen parle d’un salaire maternel mais lorsqu’on les questionne, les femmes veulent un mode de garde abordable qui leur permette d’aller travailler sans perdre les aides sociales.
Concernant les droits sexuels et reproductifs, les déclarations de François Fillon et de Marine Le Pen sont incompatibles avec un programme féministe. Lorsque François Fillon fait une allocution le 8 mars où il utilise les femmes comme prétexte pour s’en prendre à l’islam, je suis horrifiée. Tout comme Emmanuel Macron, il a un discours essentialiste, qui considère que les femmes et les hommes ont des missions différentes. C’est ce que les féministes combattent depuis 50 ans. La droite et l’extrême droite ne défendent en rien les droits des femmes.
Le discours de Marine Le Pen est malin, elle se positionne en faveur de l’IVG, puis elle dit qu’il faut le dérembourser, elle parle « d’IVG de confort. » En fait, toute sa rhétorique est une négation du droit à l’avortement. Elle se sert du fait d’être une femme, d’être divorcée.
Comment Jean-Luc Mélenchon compte-t’il déconstruire les inégalités femmes/hommes et éduquer à l’égalité ?
L’éducation est le cœur d’un programme féministe, car elle a des conséquences sur les violences faites aux femmes, les inégalités de salaires etc. Il faut travailler à déconstruire les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge, pour plus tard agir sur les violences psychologiques, physiques et les discriminations intériorisées.
Il faut former les enseignant-e-s à déconstruire leurs propres représentations sexistes. Par exemple, un-e enseignant-e va avoir un rapport à la parole d’une petite fille différent de celle d’un petit garçon. Il faut travailler sur le temps de parole accordé, sur ce que l’on va attendre d’elles/eux, sur les compliments employés. On dira à un petit garçon qu’il est intelligent, et à une petite fille qu’elle est travailleuse. Il faut donc que les enseignant-e-s arrivent à enseigner une politique de l’égalité.
Cela inclut également une première éducation à la sexualité, ce qui est prévu en classe à partir du cycle 3. Mais les programmes de sciences sont tellement long que les enseignant-e-s doivent choisir entre les sujets et dans la majorité des cas, cette partie du programme n’est jamais enseignée. Il y a des enfants qui arrivent au collège en pleine puberté sans réelle connaissance de ce qu’est la sexualité.
Il faut former les éducatrices/éducateurs, les assistant-e-s scolaires, et même les professionnel-le-s de la petite enfance ; il faut des jouets et des lectures non genrés. Il faut être dans la pédagogie et non dans le tout pénal.
Que propose JLM en ce qui concerne les inégalités professionnelles ?
Avant tout, il faut un recrutement massif d’inspectrices/inspecteurs du travail qui soient formé-e-s à ces questions-là. Il faut aussi que les plans d’égalité ne soient plus cantonnés aux entreprises de plus de 50 salarié-e-s et que les sanctions financières contre celles qui ne les respectent pas soient beaucoup plus importantes. Enfin, il faut aider les PME à mettre en place des formations et un accompagnement personnalisé. Il faut surtout faire preuve de pédagogie.
Comme le dit Jean-Luc Mélenchon, si aujourd’hui on payait autant les femmes que les hommes, on pourrait financer les retraites ! Les féministes ont souvent été caricaturées par le monde masculin qui nous a traitées d’hystériques… Et le combat est souvent devenu improductif car perçu comme trop véhément. Il faut donc s’attacher à dire toutes ces vérités, mais en faisant preuve de pédagogie ! C’est un combat mixte et si l’on s’y prend bien, on peut avancer de façon significative en impliquant tout le monde, notamment les femmes qui ne se revendiquent pas comme féministes.
Nous entendons aussi lutter contre le temps partiel, car il n’est pas normal que certaines entreprises ne fonctionnent que sur ce mode. Je pense par exemple aux femmes de ménage, qui travaillent un peu le matin et un peu le soir. Nous souhaitons réfléchir aux moyens d’aider les entreprises à diversifier leurs activités afin de permettre à ces femmes de travailler à temps plein. Par exemple, chez Carrefour, entre quatre et six heures de travail, une caissière a droit à 15 minutes de pause. Au-delà de six heures, la pause passe à 20 minutes. Certaines femmes sont engagées 5h 50… Ce type de pratique est une honte, surtout dans des grands groupes qui font des milliards de bénéfices ! Les lois Macron et El Khomri n’ont fait par ailleurs qu’aggraver le rapport de force des salarié-e-s avec ces grandes entreprises.
Qu’en est-il des métiers « désertés » par les femmes ?
Pour nous, le rôle de l’Éducation Nationale est central. Il faut absolument entreprendre une déconstruction des idées chez les CPE, les conseilleurs d’orientation etc., pour qu’en filière professionnelle, les garçons ne soient pas dirigés naturellement vers la plomberie et les filles vers la coiffure ou les services à la personne. Mais c’est également une construction mentale qui existe chez les petites filles et garçons, les jouets genrés n’aident en rien… C’est la même chose en parcours général, où la majorité des classes littéraires est composée de filles. C’est aussi en faisant intervenir des expertes et scientifiques à la télévision et à la radio que les petites filles pourront s’identifier à d’autres femmes ; ce n’est pas normal qu’on fasse presque toujours intervenir des experts au masculin.
Que prévoit JLM pour lutter contre les violences faites aux femmes ?
Nous estimons qu’il est très important, voire indispensable, de travailler sur la question de la prévention et de la sensibilisation, notamment auprès des garçons et des hommes. Il faut que les publicités qui chosifient les femmes soient retirées, sans pour autant tomber dans la censure, et que les conséquences subies par les enfants témoins de violences conjugales soient dénoncées.
Il faut également mettre en place une loi cadre avec des moyens à la hauteur des chiffres des violences qui sont énormes. La banalisation du viol doit également être combattue, et nous prévoyons de donner davantage de moyens à la justice pour traiter les cas de viols encore trop nombreux. En effet, la requalification des viols pour éviter de passer aux Assises est devenue banale tant l’engorgement dans le pénal est important. Engorgement qui porte préjudice aux femmes puisque certaines doivent attendre 2 à 3 ans pour que leur cas soit traité, s’il ne leur arrive pas quelque chose d’irrémédiable entre temps…
Vous faites mention dans votre programme d’un ministère des Droits des femmes, comment le concevez-vous ?
Afin que le ministère des Droits des femmes ne soit pas une une coquille vide, le budget doit être suffisamment conséquent pour permettre un vrai fonctionnement. Ensuite, il faut que le ministère soit placé directement sous l’autorité du Premier Ministre afin d’avoir une possibilité d’accès à tous les autres ministères. La transversalité est primordiale : il faut avoir des représentant-e-s de l’égalité femmes/hommes dans tous les ministères.
Nous souhaiterions en fait mettre en place un « commissariat à l’Égalité » doté notamment d’un corps d’inspectrices/inspecteurs, parce que nous croyons en l’intersectionnalité des luttes. En effet, qu’ils soient raciaux, sexistes ou hétéronormés, les systèmes de domination se combinent et aggravent les situations. Il faut penser ensemble tous ces systèmes de domination, tout en mettant en place des politiques féministes, proposer des formations sur tous les types de discriminations. Je pense notamment à ceux qui ne savent pas accueillir les femmes victimes de violences, et qui peuvent avoir des a priori sur leur origine ou leur religion. Il est cependant difficile pour nous d’affirmer les contours exacts de ce ministère de par le travail qui sera engagé par l’assemblée constituante et le passage à la 6ème République. Nous souhaitons réorganiser les institutions et le partage du pouvoir et évidemment cette nouvelle constitution sera féministe, en témoigne notre engagement pour la constitutionnalisation du droit à l’IVG.
En tous cas, Il est exclu pour nous de combiner les droits des femmes avec les familles, comme c’est le cas actuellement.
Quels sont vos engagements concernant la parité en politique ?
Dans notre projet pour une 6ème République, nous sommes très favorables aux scrutins de liste à la proportionnelle, qui créent la parité. Il faut également revoir la place des femmes dans les exécutifs, les femmes ne peuvent être cantonnées aux questions sociale ou familiale. Elles doivent également accéder aux présidencex de régions et départements, pourquoi pas la mise en place de binômes paritaires ! Il faut bien sûr mettre des amendes aux partis, mais cela sert peu puisque les femmes sont en général mises sur des circonscriptions perdantes, ce qui explique aussi l’absence de parité à l’Assemblée Nationale.
Enfin, il est à nos yeux indispensable de faire réfléchir toute la classe politique aux difficultés auxquelles sont confrontées les femmes en politique. Quelles dispositions pouvons-nous prendre pour que les enfants soient gardés les soirs de réunion ? Comment faire comprendre aux femmes qu’elles sont capables d’occuper des postes à responsabilités ? Comment faire prendre conscience aux hommes qu’ils monopolisent parfois le temps de parole ? Il faut réfléchir tout-e-s ensemble aux moyens d’aider ces femmes à s’investir autant que les hommes, et cela commence dès le plus jeune âge…
Quelle est la place des femmes dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon ?
Parmi les porte-paroles, la parité est respectée. On voit beaucoup Jean-Luc Mélenchon, mais les femmes sont nombreuses ! Martine Billard était d’ailleurs co-présidente du Parti de gauche au moment de sa création, faisant de ce parti un des rares où la parité était respectée. Il est néanmoins arrivé que Jean-Luc Mélenchon dise à une chaîne de télévision qu’il ne pouvait pas participer en proposant de faire venir Martine Billard et se confronte à un refus… Les chaînes préfèrent parfois une présence masculine…
Tous les livrets thématiques du programme, soit une quarantaine, ont été co-rédigés par des binômes paritaires. Chaque secteur approfondi et traité l’a été par un homme et une femme. De manière générale, Jean-Luc Mélenchon s’est toujours entouré à parité. Sa personnalité très forte peut donner l’impression qu’il remplit à lui tout seul l’espace, mais au contraire il est très à l’écoute des femmes et des hommes qui l’entourent.
Propos recueillis par Brigitte Marti et Caroline Flepp 50-50 magazine
Lire le livret #23 de la France Insoumise sur l’égalité femmes-hommes