Articles récents \ Europe Lundi noir en Pologne : pas de compromis sur l'avortement
En 1993, l’église catholique a commencé à restreindre le recours à l’avortement alors que pendant 37 ans la Pologne l’autorisait. La loi actuelle est l’une des plus restrictives d’Europe et le gouvernement conservateur entend aller plus loin, interdire et pénaliser l’avortement. Le 22 septembre fut une journée noire pour les femmes polonaises : le projet de libéralisation était rejeté en première lecture à la Diéte, balayant d’un revers de la main les 215 000 signatures de soutien. Le projet de loi présenté par le comité « Stop avortement » était retenu et fait l’objet de travaux en commission avant une deuxième lecture. Les féministes polonaises appuyées par les féministes partout dans le monde sont plus que jamais mobilisé-e-s pour dire « non » aux avancées des conservateurs, « non » aux restrictions des droits fondamentaux.
Alors que la loi polonaise autorise l’avortement en cas de viol, de malformation du fœtus ou de danger de mort pour la femme ou l’enfant, dans les faits, l’accès à ce droit n’est déjà pas automatique. Les femmes polonaises ont recours à des avortements clandestins, dans leur pays ou à l’étranger pour celles qui en ont les moyens. Des pratiques qui mettent en danger la santé et la vie des femmes, et, rappelons-le à nouveau, 1 femme meurt toutes les 9 minutes à la suite d’un avortement clandestin selon l’Organisation Mondiale de la Santé. L’initiative citoyenne « Sauvons les femmes » se bat pour faire avancer les droits des femmes en Pologne à l’heure où le Parlement entreprend un fort recul en arrière.
Le projet actuellement étudié par le Parlement polonais, dominé par le très conservateur Parti Droit et Justice, prévoit que toute personne qui avortera, et toute personne l’aidant, pourra être punie d’une peine de 5 ans d’emprisonnement. Ce qui signifie notamment que les survivantes de viol, enceintes, mineures ou majeures, seront obligées de garder un enfant non-voulu. Il est prévu aussi que les femmes qui font une fausse-couche ne seront pas prise en charge directement par du personnel soignant mais par la police. La seule exception qui a été introduite dans le projet de loi, véritable geste de charité pourrait-t-on dire ironiquement, est d’autoriser l’avortement lorsque la vie de la femme est « immédiatement » en danger. Ce texte est à vomir. L’Union Européenne n’a pas réagi. Les féministes du monde entier se mobilisent. Comme pour l’Espagne en 2014, elles/ils crient haut et fort « no pasaran » !
Le 2 octobre : manifestations noires en France #CzarnyProtest
Noires, comme la couleur de la colère, du deuil, des manifestations en soutien aux femmes polonaises ont eu lieue à Paris, Lyon et Rennes pour ne citer que la France. Un millier de personnes se sont réunies le 2 octobre devant l’Ambassade de Pologne à Paris. Le 3 octobre, les féministes rennais-e-s se sont regroupé-e-s devant le Parlement de Bretagne.
« Strajk Kobiet »: la grève des femmes
Les femmes polonaises sont mobilisées dans une soixantaine de villes. Lundi 3 octobre elles ont entamé une grève préventive intitulée « grève générale des femmes ». L’appel a été lancée par l’actrice Krystyna Janda (qui a annoncé ne pas se produire au théâtre le même jour et rembourser les tickets). Elle appelle toutes les femmes à prendre exemple sur la mobilisation monstre du 24 octobre 1975, 90% des femmes islandaises avaient alors fait grève pour exiger l’égalité femmes/hommes.
Les réseaux sociaux, en Pologne comme ailleurs dans le monde, ont assisté à un ras-de-marée noir. Les femmes postent des photos d’elles vêtues en noir. L’événement Facebook de « la grève générale des femmes » a réuni des dizaines de milliers de personnes. De nombreux professeur-e-s et chef-fe-s d’entreprise ont déclaré soutenir le mouvement.
Les féministes polonaises ont besoin de financement pour continuer à être mobilisé-e-s, et pour cela la Communauté WeMove a rédigé une lettre ouverte sous forme d’une pétition, accompagnée d’un appel aux dons, en partenariat avec le Lobby Européen des Femmes et la Fédération Internationale du Planning Familial.
Mercredi 5 octobre, le Parlement européen doit se pencher sur la situation des femmes en Pologne à l’initiative du groupe « Socialistes et Démocrates ».
Charlotte Mongibeaux 50/50 Magazine
Photos : Anne-Marie Viossat et Annie Sugier 50-50 magazine