Articles récents \ France \ Société \ Santé L’endométriose, la maladie de l’ombre

L’endométriose, qu’est ce que c’est ? Vous n’avez peut-être jamais entendu ce mot. Ou peut-être de loin, sans savoir de quoi il s’agissait. Ou peut-être en souffrez vous vous-même. L’endométriose est une maladie gynécologique encore très méconnue mais qui est pourtant une pathologie courante puisqu’elle touche près d’une femme sur dix, selon l’INSERM. Le 11 juillet 2016, la Ministre de l’Education Nationale a signé une convention avec l’association Info Endométriose pour mettre en place une campagne d’information, pour enfin « briser le tabou » à l’école. A l’occasion de la 12e Semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, nous republions ces témoignages sur cette maladie dont souffre 1 femme sur 10.

L’endométriose est une maladie caractérisée par la présence de tissu utérin (ou tissu endométrial) en dehors de la cavité utérine. Malgré la fréquence de cette maladie, elle demeure néanmoins mystérieuse et les causes restent encore à déterminer. Elle revêt des formes variées et ne se manifeste pas de la même façon selon les femmes.

La douleur féminine reste encore très souvent ignorée. Aujourd’hui, les médecins sont étonnamment peu nombreux à recevoir une formation sur cette maladie. Le diagnostic de l’endométriose peut se faire par échographie, IRM ou cœlioscopie (un acte chirurgical pratiqué sous anesthésie générale qui permet de sonder l’abdomen en profondeur), mais il nécessite des équipements et des savoir-faire qui sont encore trop rares.
Nous avons rencontré trois jeunes femmes d’une vingtaine d’années qui en souffrent.

Sans tabou, Leslie (26 ans), Céline (24 ans) et Kelly (23 ans) nous décrivent leur quotidien avec la maladie.

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A quel âge ont commencé vos premiers symptômes ?

Kelly : Quasiment en même temps que mes premières règles c’est-à-dire vers 12 ans !

Leslie : J’ai toujours eu des règles très douloureuses, mais pour moi c’était normal.

Céline : Il y a deux ans, depuis mes 22 ans.

Quels étaient vos premiers symptômes ?

Kelly : J’avais mal dans le bas du ventre , avec de gros pics de douleurs. Cette maladie m’affaiblissait complètement, à tel point que dans les deux premiers jours de menstruations, je ne pouvais même pas me tenir debout,  je ne pouvais que rester allongée pour mieux me tordre dans tous les sens. Parfois, les symptômes s’apparentaient même à une gastro : nausées, diarrhées, frissons, sueurs chaudes, faiblesse… Je ne m’alarmais donc jamais sur un éventuel problème concernant mes organes génitaux. Quand tous ces symptômes étaient réunis, cela signifiait que la douleur était à son apogée. En fait, un ou plusieurs kystes ovariens venaient « d’éclater » disait ma gynécologue. Dans ces cas là, on cherche la position la moins douloureuse et on attend que ça passe car aucun médicament ne soulage.

Leslie : En dehors des règles douloureuses, j’ai commencé à me poser des questions quand j’ai rencontré Julien, il y a cinq ans. J’avais mal après chaque rapport. Mon ventre gonflait, il était très douloureux. J’ai posé des questions à mes amies pour savoir si elles ressentaient la même chose que moi, mais non.

Céline : J’avais mal pendant les rapports sexuels, je faisais presque des hémorragies pendant mes règles, j’étais faible.

Avez-vous des souvenirs précis ?

Kelly : Oui ma mère qui était toujours à mes petits soins. Elle me donnait différents types de médicaments. Il y avait aussi l’incontournable bouillotte ou le bain bien chaud. A vrai dire, il n’y avait que cela qui atténuait mes douleurs de manière considérable.

Combien de temps s’est t-il passé entre vos premières douleurs et le moment où la maladie a été diagnostiqué ?

Céline : Il s’est passé un an.

Leslie : Au bout d’un an de relations douloureuses avec mon copain, je me suis dirigée vers une gynécologue.  Je n’y étais encore jamais allée, c’était ma hantise… Elle m’a fait faire les examens de base :  frottis, analyse d’urine… Ils n’ont rien donné. Je suis rentrée chez moi avec mes douleurs et je suis restée quatre ans dans cette situation.

Kelly : De longues années, très exactement huit ans et demi.

Comment votre endométriose a t-elle évoluée ? Comment a t-elle été décelée ?

Kelly : Les douleurs ont commencé à devenir de plus en plus intenses et fréquentes notamment dans la tranche d’âge 18/20 ans. C’est à cette période que j’ai passé le plus d’échographies pelviennes, prescrites à la demande de mon médecin généraliste. J’avais des kystes ovariens à répétition. Ensuite, je suis allée voir une gynécologue avec toutes mes radios et elle en a conclut que ça pouvait correspondre fortement à une endométriose. J’ai donc passé une IRM qui l’a confirmée.

Leslie : Cette dernière année, je n’avais plus mal seulement après les rapports sexuels mais tous les jours, tout le temps. A ne plus pouvoir supporter les douleurs, à rester plier en quatre, à devoir rester chez moi en permanence.  Et mon copain ne pouvait plus me toucher du tout. Je ne pouvais plus faire grand chose des mes journées, à part rester couchée. Dès que j’allais aux toilettes, j’avais de grosses douleurs… Je me suis donc inquiétée et je suis retournée voir une gynécologue. Elle m’a dit tout de suite que mes symptômes lui faisaient penser à une endométriose. A partir de la, elle m’a fait faire des examens, les mêmes que quatre ans plus tôt, avec en plus une IRM. Et on me l’a bien trouvé.

Céline : Pour moi, ça n’a pas été simple. Les échographies ainsi que les IRM n’ont rien détecté, seule la cœlioscopie a détecté la maladie.

Comment vous soigne t-on ? Est-ce efficace ?

Kelly : Je prends une pilule en continu, ce qui empêche les menstruations. Je ne souffre pratiquement plus grâce à cette pilule. Il m’arrive encore d’avoir une douleur intense qui va durer entre 10 à 15 secondes pour repartir aussi vite qu’elle est venue. Cela peut se produire à n’importe quel moment dans la journée ou à n’importe quelle période dans le mois.

Céline : C’est encore pire, même après la cœlioscopie. La morphine ne me soulage plus. Il y a quelques jours, je suis partie aux urgences car trop de douleurs et là on s’est aperçu que l’adenomyose (ou endométriose interne) s’était re-développée dans tout l’utérus. C’est difficile de gérer les douleurs quotidiennes, parfois j’ai tellement mal que mes jambes me lâchent.  Les efforts simples de tous les jours m’épuisent et me déclenchent des crises de douleur. Le soir, j’ai comme des coup des poignards qui partent de l’utérus aux côtes en passant par les intestins et les reins. Ça fait comme une lame de rasoir qui passe à l’intérieur des organes en me les découpant au passage. J’ai comme la sensation que mes organes vont sortir de mon sexe.

Leslie : La gynécologue m’a donné une pilule en continu. Mais ça n’a pas marché. Un jour, je suis retournée la voir en urgence, en pleurs, car c’était de pire en pire. Elle n’a pas pu me toucher. Alors elle a pris un rendez-vous avec un professeur qui est spécialisé dans la gynécologie. Avec lui, c’était la première fois que je me sentais vraiment en confiance.  Il m’a posé deux ou trois questions et a compris tout de suite ce que je vivais ! Enfin quelqu’un qui me comprenait ! Il m’a dit qu’avant de m’opérer il fallait que je prenne un traitement car c’était tellement enflammé qu’il ne pouvait rien faire pour l’instant. Au bout de deux mois, les douleurs se sont calmées. J’ai revu ce médecin mais deux jours après ce rendez-vous, j’ai ressenti une grosse douleur. Je ne comprenais pas. J’ai rappelé l’hôpital, je suis tombée sur l’interne qui m’a dit que c’était normal et qu’il fallait que je reprenne mon traitement. Mais un des médicaments que je prend est horrible, je dors tout le temps, et je ne peux plus faire grand chose de mes journées.

En parlez-vous autour de vous ? Avec votre famille, à vos ami-e-s ? Les gens à qui vous en parlez connaissent-ils cette maladie ?

Kelly : Oui, mes amis et ma famille sont au courant, c’est important qu’ils le sachent. Personne ne connaissait la maladie avant que j’en parle, ils avaient d’ailleurs du mal à la comprendre clairement. C’est quelque chose de méconnu mais dont on commence un peu à parler. Un jour, je suis tombée sur une émission concernant le médical et ils parlaient de l’endométriose. Ça m’a beaucoup étonnée.

Céline : Pour moi c’est très méconnu, on en parle de plus en plus mais les recherches n’avancent pas assez. Ma famille sait tout, je leur ai tout expliqué, ils ne connaissaient pas du tout la maladie avant.
Eric_Dutu_20140604_Poe_0112_nb Avez-vous l’impression d’être bien prise en charge ?

Kelly : Ado, je n’ai pas été épargnée de la fameuse phrase : «Mais c’est normal d’avoir mal pendant ses règles, ça arrive à toutes les femmes. Il faut juste être un peu courageuse. Cela passe vite…» A l’époque, on sous-estimait vraiment la douleur mais on était surtout dans l’ignorance par rapport à cette maladie. Mais ensuite oui, dans le sens où cela s’est fait vite et je n’ai pas eu de réticences concernant les professionnel-le-s de santé que j’ai rencontré-e-s. C’est vrai que j’ai eu un suivi auprès de ma gynécologue quand elle m’a diagnostiqué cette maladie. Mais depuis que je prends le traitement qu’elle m’a prescrit, je ne la sens pas derrière moi pour des contrôles réguliers ou pour voir l’évolution de l’endométrite. Ce n’est peut-être pas dans ses compétences professionnelles, c’est en tout cas ce que je me suis dis.

Céline : On répond bien à toutes mes questions, je suis bien entourée. Je suis suivie par le Dr Joutel (gynécologue  spécialiste de l’endométriose) et par le Professeur Leroy (spécialiste en physiologie digestive et urinaire). On est encore en plein dans les examens médicaux car il y a de gros risques d’endométriose digestive (1).

Est ce que cela vous angoisse au quotidien ?

Céline : Oui cela m’angoisse au quotidien car je ne sais jamais si ça va aller. J’ai deux enfants en bas âge et je me demande si je vais réussir à m’en occuper correctement par exemple.

Kelly  : Oui car c’est toujours là malgré l’absence de douleurs. Je ne trouve pas cela très naturel de ne plus être indisposée, c’est contre-nature. Si demain je devais arrêter la pilule, les douleurs reviendraient comme avant, pourtant la maladie ne serait pas soignée. Je n’aimerai pas devoir prendre cette pilule plusieurs années consécutives. Je me demande comment cela va se passer quand je vais vouloir tomber enceinte par exemple. Cela va-t-il être compliqué ? Impossible ? Devenir stérile serait ma plus grosse angoisse. (Ndrl : L’endométriose est une cause fréquente de l’infertilité).

Leslie : J’ai dit au chirurgien que je ne croyais pas en ma guérison, que ça faisait trop longtemps que j’avais ça et que ça faisait partie de moi. Il m’a dit d’avoir confiance en lui, qu’il allait me guérir, qu’il fallait que je sois forte et combattante. Maintenant, j’espère qu’après l’opération, je retrouverai une vie normale et une vie aussi avec mon chéri car ça fait maintenant neuf mois qu’on ne peut plus rien faire…

Propos recueillis par Louise Pinton, 50/50 Magazine

Crédits photos: Eric Dutu | Tous droits réservés

1 : Dans certains cas plus complexes, les lésions d’endométrioses atteignent le tube digestif ou les autres organes digestifs (foie, rate, etc.). Parmi les organes digestifs les plus fréquemment atteint on compte le rectum, le colon (sigmoïde) et l’intestin grêle.)

Article réactualisé le 12 août 2016, publié en février 2015.

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