Articles récents \ DÉBATS \ Témoignages Marie-Judith Naze : témoignage d'une footballeuse

Marie-Judith Naze aima le foot très jeune. A l’occasion de l’UEFA 2016, et parce que nous voulons montrer que le foot féminin existe, nous mettons en Une son témoignage qui paru en octobre 2010 dans le cadre du dossier Foot au féminin.

J’ai joué au football toute mon enfance, jusqu’au collège. J’ai arrêté parce que j’étais désormais la seule fille à participer à ce « jeu de garçons ». Le regard des adolescent-e-s sur les autres est parfois terrible, plein de préjugés. J’ai donc pratiqué plusieurs disciplines sportives, toutes acceptables pour une fille. Le handball, notamment.

C’est à l’Université que j’ai rencontré véritablement des joueuses de football, dont certaines évoluaient en 1ère et 2nde division, ainsi qu’en Équipe de France. Des personnes ordinaires, qui brisaient un à un les clichés de la joueuse masculine, limitée intellectuellement et grossière. J’ai découvert, en participant avec elles au championnat universitaire, un sport qui dans l’esprit ressemblait au handball : solidarité, technique, abnégation, dépassement de soi, tactique, engagement. Tout ceci a ranimé la flamme que je vouais petite à ce sport et qui avait était victime de la censure tacite du groupe.

J’ai intégré le FF Issy (Football Féminin d’Issy les Moulineaux), alors même que la Fédération Française de Football lançait son grand plan de féminisation de ses licenciées. La plupart de mes partenaires sont, comme moi, titulaire d’un bac+5, voir plus, certaines sont issues de Centrale Paris, d’écoles d’ingénieur. Tellement loin des clichés qui sont véhiculés !

Depuis quelque temps, on parle un peu plus du football féminin, quelquefois une ou deux images se faufilent dans les JT ou les magazines. Dire en 2010 qu’on joue au football, quand on est une femme n’est plus une tare, et déclenche une vraie curiosité, hommes et femmes confondus. J’ai assisté à plusieurs matches du PSG féminin. Le plus frappant est que le jeu que développe ces sportives est celui qu’on aimerait voir chez les hommes, avec cette envie de tout donner même si le match est quasiment perdu. Elles se battent pour leur maillot parce qu’elles en sont fières, parce qu’elles ont cette passion du ballon rond chevillée au corps, et les supporters ne s’y trompent pas. Tous ceux que je croise, et particulièrement les hommes, qui ont un jour assisté à une rencontre de football féminin, ont été époustouflés et conquis. Des supporters, ayant leurs cartes au Parc des Princes se déplacent de plus en plus pour voir celles qui portent le maillot de la capitale.

À l’heure de la Coupe du Monde, les entreprises prennent conscience que les femmes ne se contentent pas de jeter un coup d’œil aux matches tout en servant la pizza à leur conjoint, mais qu’au contraire, elles ont pris une vraie place dans le public du football et développe un regard personnel sur les résultats et autres événements. Au niveau international, on voit bien que cela fait longtemps que ces préjugés sont tombés. Les pays scandinaves, les États Unis, les pays du Maghreb, s’investissent beaucoup pour leur équipe nationale féminine. Aux États-Unis, c’est même aux femmes que l’on doit aujourd’hui la belle performance de l’équipe nationale dans cette Coupe du monde en Afrique du Sud, car ce sont elles qui ont fait naître et se développer cette discipline.

J’ai suivi comme beaucoup l’équipe de France. Comme beaucoup, je n’ai pas été galvanisée par leur jeu et leur engagement sur le terrain. En parallèle de leurs prestations plus que moyennes, je regardais les féminines jouer leur matche face à la Croatie, comptant pour la qualification à la Coupe du Monde 2011 en Allemagne. Leur bilan est simple : 7 matches, 7 victoires, 36 buts marqués. Certains journalistes ont dit à juste titre que l’avenir du football mondial se trouve dans le continent américain. Pour ma part, je pense que l’avenir du football se trouve dans une plus grande mixité au sein des instances dirigeantes, dans une plus grande reconnaissance et valorisation du football féminin et de ses valeurs. À l’image de la Fédération française de handball qui, en prenant le pari de la féminisation, est devenue l’une des plus grandes nations du handball mondial, avec ses DEUX équipes nationales. Ni les hommes, ni les femmes, ne pâtissent du développement de la pratique de l’autre, au contraire, c’est une dynamique qui impacte positivement l’ensemble des pratiquants. La mixité est un cercle vertueux, non pas dans la pratique sportive, car elle n’est pas toujours possible et/ou souhaitable, mais dans l’administration et la gestion du sport, elle n’est que bénéfique aux instances.

Les choses sont en train de bouger, les murs et les préjugés tombent peu à peu. J’ai confiance en l’avenir de ce sport, parce qu’il mérite comme toutes les autres disciplines « de l’ombre » d’être connu, pour enfin être « jugé » pour ce qu’il est.

Marie-Judith Naze ex-secrétaire générale de FemixSport

print