DOSSIERS \ Le mouvement francais pour le planning familial a 60 ans, le bel âge Veronica Noseda : «le chantier prioritaire, c'est l'implication des jeunes dans le mouvement»

Véronica Noseda est la coordinatrice nationale du Planning Familial. A l’occasion des soixante ans du Mouvement, créé le 8 mars 1956, elle fait le point sur les positions, les enjeux, et les projets du Mouvement.  

Quelle est la situation du planning aujourd’hui ? Ses forces, ses besoins, ses projets, ses manques…

Le Planning a 60 ans. Cette histoire est une force qui nous a permis de tisser des alliances, de bâtir des structures actives au niveau local et national, de mobiliser, de former des générations de militant-e-s. Cette histoire nous rend fières mais ce n’est pas une raison pour s’endormir sur nos lauriers.

Nous avons plusieurs défis à relever. Le chantier prioritaire, c’est l’implication des jeunes dans le mouvement, une priorité dont nous allons rediscuter dans notre prochain congrès de Grenoble qui se tiendra les 2 et 3 avril prochain. Nous avons un public que nous rencontrons dans nos centres et pendant nos actions hors les murs, qui est majoritairement un public jeune. Or, nous voulons que ces jeunes ne viennent pas seulement au Planning quand ils ou elles ont un souci mais aussi quand ils ou elles ont envie de s’impliquer et de mettre leur énergie au service du mouvement.

En tant que grosse structure, nous avons de nombreux enjeux sur le bénévolat, la professionnalisation, la formation et bien sûr les financements. Le planning a besoin de diversifier ses sources de financements pour défendre son indépendance et avoir une parole libre. Nous savons très bien que nous sommes dans un contexte politique compliqué, avec des acteurs nettement hostiles aux droits des femmes. On l’a vu pendant la campagne des régionales avec les déclarations de Marion-Maréchal le Pen. Très clairement, les mouvements conservateurs ont en ligne de mire les mouvements féministes, en particulier le Planning qui est visible en tant que mouvement historique de défense du droit à l’avortement et aux sexualités, des choses que les conservateurs n’aiment pas. On risque d’être la cible de nouvelles attaques ces prochaines années. On verra comment les financements des régions vont affecter le Planning. Dans certaines régions qui ont viré à droite voire à l’extrême-droite, on sait que ce sera compliqué pour nous.

La question centrale de notre projet aujourd’hui, c’est la mobilisation. Nous allons prochainement lancer une campagne pour inciter les gens à adhérer et à s’intéresser au Planning mais aussi nous apporter un soutien financier quand c’est possible, afin de défendre une marque de fabrique du Planning : la liberté de parole.

La priorité, c’est donc ce projet en direction des jeunes ? Qu’en est-il des autres projets du Planning ?

Le projet Jeunes est représentatif de là où nous voulons aller mais il y a de nombreux autres projets. Nous sommes impliqué-e-s depuis longtemps à l’international. Nous réfléchissons à plusieurs projets pour soutenir les jeunes et l’accès aux droits sexuels et reproductifs dans les pays du Sud. Nous cherchons aussi à améliorer le réseau interne du Planning.

Comment se passent vos relations avec les différents ministères ?

Elles se passent bien dans le sens où nous sommes financés, bien que pas assez, par certains ministères. Nous conservons notre liberté de parole et nous n’avons, pardonnez-moi l’expression, jamais fermé notre gueule quand il s’agissait de critiquer des mesures gouvernementales ou les positions de certains ministres. Il y a une franchise bien connue dans nos rapports avec les politiques qui clarifie pas mal de choses.

Que pensez-vous du dernier intitulé ministériel en date : Femmes, Enfance et Famille ?

Nous avons critiqué cette appellation comme la plupart des mouvements féministes, mais je dois dire qu’en tant que structure qui porte le nom de « Planning Familial » cela nous fait réfléchir aussi sur nous-mêmes, sur ce que nous donnons à voir. Je partage les critiques faites à cette appellation, mais il faut qu’on réfléchisse aussi pour nous.

Qu’est ce que vous aimeriez répondre aux détracteurs du Planning Familial ?

Notre position n’est justement de ne pas répondre à ces gens. Je pense qu’il faut avancer nos arguments, toujours les mêmes, qui sont la liberté, le droit de choisir et l’autonomie. C’est pour cela qu’il faut mobiliser les jeunes générations, car pour elles ce sont des droits à peu près acquis, mais qui en réalité peuvent être facilement fragilisés. On ne peut pas dire que nous soyons mal loties en France au niveau législatif, on a vu récemment des avancées sur l’accès à l’IVG dans la dernière loi Santé, mais tout de même d’un point de vue social, la remise en question de ces droits n’est peut-être pas si lointaine que cela.

Les droits des femmes sont les plus fragiles et si les conservatrices comme Marion-Maréchal le Pen se battent pour leur remise en cause, c’est que c’est porteur pour eux électoralement.

Quelle est la position du Planning Familial sur la GPA ?

Nous avions pris position contre la GPA, il y a quelques années dans une tribune signée par notre co-présidente, avec d’autres organisations féministes. Pourtant, on considère souvent que nous sommes pro-GPA parce que nous nous sommes battu-e-s pour la reconnaissance civile de ces enfants nés par GPA.

Le débat sur la GPA est un débat qui évolue très vite et qui mérite donc qu’on s’y attarde à nouveau. Nous allons en discuter lors de notre prochain congrès. Ce qu’il est important de souligner, c’est que, sur ces thématiques, le Planning essaie toujours d’avoir une approche pragmatique sans tomber dans le piège du binarisme. C’est compliqué de dire «Je suis pour ou contre la GPA», tout comme de dire «je suis pour ou contre la prostitution.» En matière de prostitution, la question c’est : comment agir dans des environnements complexes où il y a des femmes fragilisées et précarisée ? Nous sommes pour que les femmes prostituées soient protégées et défendues au mieux. Nous allons vraisemblablement adopter la même approche pour ce qui est de la GPA. Rendez-vous après notre congrès pour connaître notre position officielle !

Propos recueillis par Caroline Flepp et Marina Verronneau 50-50 magazine

print