Articles récents \ Monde \ Tribunes Aux États-Unis, les violences racistes touchent aussi les femmes

A la suite des agissements du suprématiste blanc Dylan Roof qui a tué neuf noirs dans une église le 17 juin, dont six femmes, et aux émeutes à Baltimore il y a quelques mois, analyse des violences policières et du système carcéral des États-Unis, particulièrement défavorable aux femmes, aux personnes de couleur et aux pauvres.

 

Cette fois, aux États-Unis plus personne n’a osé dire que « c’était de la faute des victimes ». Neuf personnes ont été tuées dans une église méthodiste africaine en Caroline du Sud. Le meurtrier, Dylan Roof, un jeune suprématiste blanc visait les femmes. Six des victimes étaient des femmes. Il a clairement exprimé sa vision du pays quand il a déclaré, « vous violez nos femmes, vous prenez notre pays. Et vous devez partir »

Ces paroles sont bien le reflet de notre temps chargées du passé de l’esclavage et de l’extermination des indiens de la première nation. Il faudrait être aveugle et/ou blanc pour ne pas constater la perpétuelle dévaluation des personnes de couleur et/ou pauvres aux États-Unis.

Mais les grandes oubliées sont les femmes car elles sont elles aussi mal traitées et il est fait peu de cas des épreuves qu’elles rencontrent. Elles aussi sont victimes de violences policières. Elles sont surveillées, éventuellement incarcérées, parfois enchaînées pendant la grossesse.

À l’entrecroisement de logiques délétères

Au Texas, une jeune fille de 15 ans, Djerria Becton qui participait a une fête d’anniversaire autour d’une piscine a été prise a partie par un policier alors que celui-ci répondait a un appel sans fondements des voisins blancs. La vidéo de son placage au sol par le policier qui semblait prendre un certain plaisir à maintenir au sol son corps vêtu d’un maillot de bain a largement circulé sur internet. Et les blancs autour apparaissent quasiment indifférents au malheur de la jeune fille ; les seules à essayer quelque chose étaient les autres jeunes filles de couleur. Mais que faire quand la violence vient des forces de l’ordre ?

En fait, plusieurs phénomènes s’entrecroisent :
La question raciale jamais résolue et jamais ouvertement exposée,
Les incroyables pouvoirs des autorités exerçant un contrôle militaire brutal sur une grande partie de la population,
Un pouvoir d’incarcération rarement égalé,
Et l’entretien des notions de peur et de guerre permanente, guerre contre la drogue, contre la pauvreté, contre la terreur etc.

Vivant à Baltimore, j’ai pu constater par moi-même la violence aveugle de la police appliquée aux pauvres et aux pauvres de couleur. Peu de recours sont possibles.
À Baltimore, violence aveugle et prison saturée

A Baltimore, Freddy Gray fut arrêté puis tué dans le camion de la police pour avoir jeté un regard de trop vers les policiers. La police a le droit d’arrêter quiconque dans les zones dites à forte criminalité, et à Baltimore tous les quartiers pauvres sont classés zones de forte criminalité.

Ce qui a suivi prouve que les lois policières sont purement répressives et par essence injustes.
Le couvre-feu a été déclaré sur la ville pendant près d’une semaine. Quiconque se trouvant dans les rues de la ville après 22 heures peut être arrêté et envoyé en prison. A cette période, le gouverneur blanc a étendu la garde a vue à 47 heures ce qui était une décision qu’il ne pouvait pas prendre ainsi, mais cette décision est devenu la règle.

La prison de Baltimore « central booking » est gérée par l’État et non par la ville comme dans d’autres cités noires du pays.
Cette prison a été très vite saturée par les arrestations. En quelques heures, plus de 250 personnes ont été arrêtées à la suite des manifestations pour Freddy Gray.

Une avocate, Marci Tarrant Johnson, commise d’office a décrit ce qu’elle a vu et entendu dans le quartier des femmes de Central Booking. D’abord, les cellules sont faites pour garder quelques personnes durant huit heures avec une toilette et pas d’eau courante. Quand elle est arrivée à la prison, il y avait au moins 15 femmes par cellule sans avoir assez de place pour s’allonger. La plupart étaient détenues sans aucun chef d’accusation. Il n’y avait eu aucune intervention des commissaires et pas d’enregistrement d’accusation.

Les cellules n’avaient ni oreillers ni couvertures. Les femmes recevaient 3 tranches de pain de mie blanc avec du fromage américain industriel 3 fois par jour. Certaines s’en sont servies pour se fabriquer un oreiller. Johnson décrit des conditions infâmes pour des prisonnières qui pour la plupart ont quitté la prison sans accusation mais après 47 heures de détention inhumaine dans un flou juridique digne des régimes autoritaires dénoncées par les États-Unis.

Toutes les vies se valent-elles ?

Johnson reconnaissait que pour certaines les accusations étaient tellement insignifiantes que la réelle question était : qu’est devenue la protection du citoyen et est ce que toutes les vies se valent ?
Le slogan des activistes se décline ainsi «black lives matter » («la vie des Noirs compte») et toutes les vies se valent bien sur mais certaines se valent plus que d’autres selon le genre, la couleur de peau et la condition socio-économique.

A Baltimore comme dans presque tout le pays il y a un système de caution. Durant les manifestations certaines cautions sont montées à plus de 500 000 dollars. Jonhson reconnaît que la prison de Baltimore est connue pour son système de fonctionnement souvent brutal et injuste mais cette fois les limites avaient été repoussées encore plus loin.

L’enjeu actuel est bien de surveiller et punir les corps des plus pauvres et des plus coloré-e-s, que cela soit organisé par l’État ou les suprématistes blancs !
1100 personnes tuées par la police américaine en 2015

 

Un récent rapport de The Guardian projette qu’ à la fin de l’année 2015, 1 100 personnes auront été tuées par la police. Le rapport montre que les Afro Américain-e-s ont deux fois plus de risques d’être plus ciblé-e-s et tué-e-s, bien qu’ils soient le plus souvent non armés, que les Blancs et les Latinos. Aux États-Unis, il n’y a pas de rapport obligatoire au niveau fédéral sur les agissements de la police. Une initiative est mise en place au Congrès par trois parlementaires pour enfin avoir un rapport officiel et fédéral sur les pratiques policières ; cette initiative est soutenue par l’administration Obama.

Mais même si c’est un début important pour un changement d’attitude cela ne sera pas suffisant sans des politiques économiques et sociales moins discriminatoires. De plus peu de rapports s’attachent à suivre les maltraitances faites aux femmes par la police et la justice; comme disait Jacqui Robage, présidente d’une association d’aide aux femmes à Baltimore, « on a le droit de faire beaucoup de mal au corps noir et brun des femmes dans cette culture.»

Il est temps que ça change !

 

Brigitte Marti,  50-50 Magazine USA

 

Image à la Une : la charmante prison de Central Booking à Baltimore

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