Articles récents \ Monde \ Politique Directive congé maternité: en 7 ans le Conseil Européen n’a pris aucune initiative
Depuis 2008, une directive censée étendre et harmoniser le congé maternité dans toute l’Union Européenne attend d’être adoptée. Nous avons interrogé François Morvan, présidente de la Coordination Française du Lobby Européen des Femmes (CLEF) pour qu’elle nous explique les raisons de ce blocage européen, qui pénalise toutes celles et ceux qui pourraient mieux concilier leur vie privée et leur vie professionnelle.
Depuis 7 ans, la proposition sur la directive européenne sur le congé maternité est au point mort, pourquoi ? D’où viennent les blocages ?
En 2008 la Commission Européenne a souhaité améliorer la protection des travailleuses enceintes en procédant à une révision importante de la Directive 92/85/CEE. Il s’agissait d’apporter des améliorations notables dans trois domaines : Durée du congé maternité, Niveau de rémunération et Protection des femmes à leur retour du congé maternité (réintégration au poste ou poste équivalent en termes de salaire et de responsabilités).
En élaborant sa proposition de révision, la Commission européenne se conformait à la Convention 103 de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Elle reconnaissait également l’importance de l’implication des pères dans les soins à porter dès le plus jeune âge du bébé en octroyant un congé paternité de deux semaines aux européens.
Le 20 octobre 2010, les eurodéputé-e-s votent avec une large majorité pour un allongement du congé maternité de 14 semaines à 20 semaines intégralement payées.
Depuis le Conseil européen, c’est à dire l’ensemble des gouvernements de l’Union Européenne ne sont pas parvenus à s’entendre. Le Conseil Européen n’a pris aucune initiative pour entamer des négociations et passer outre la forte opposition de la Grande Bretagne et de l’Allemagne qui évaluent les coûts des dispositions préconisées (20 semaines payées intégralement) incompatibles dans le contexte de crise économique et de difficultés économiques majeures.
En 2010 le Parlement européen s’était exprimé en faveur d’un congé minimal de 20 semaines, avec une rémunération à 100% du salaire, et un congé de paternité rémunéré. Ce sont vos positions ou souhaitez-vous que cette directive aille plus loin ?
La CLEF et le LEF ont témoigné en octobre 2010 de leur satisfaction face aux votes des euro-parlementaires qui avaient cependant mis deux ans à se prononcer sur les préconisations de la Commission Européenne (passage de 14 semaines à 18 semaines rémunérés dans tous les pays). Rappelons que les préconisations de la Commission Européenne sur la durée du congé maternité ont valeur de norme internationale.
Il est urgent d’obtenir une harmonisation entre les 28 pays membres afin que les européennes bénéficient des mêmes droits sociaux et cessent d’être pénalisées par leur congé maternité.
Le congé maternité ne doit pas avoir d’impact négatif sur la situation salariale des femmes, il ne doit pas favoriser l’accroissement de l’écart salarial, ni priver les femmes de ressources suffisantes au moment de leur maternité. Au contraire, nous revendiquons une protection accrue pour toutes les femmes et surtout une extension à l’ensemble des travailleuses disposant de formes atypiques de contrat de travail.
Pensez-vous que le congé maternité soit dans certains pays européens une source de discriminations ?
Le congé maternité est une réelle source de discrimination de la part des employeurs pour les jeunes femmes et les femmes enceinte en recherche d’emploi . Il est actuellement souvent la cause de l’écart salarial entre les femmes et les hommes .Si aucun effort n’est consenti au niveau du congé maternité, le taux de natalité restera faible en Europe.
Le débat sur la maternité rejoint le débat sur l’égalité femmes-hommes et touche à la thématique essentielle de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Sans compter que de nombreuses femmes vivent seules leur maternité. En Italie, un décret datant de 2011 permet aux femmes de reprendre leur travail avant la fin de leur congé maternité. Ce décret est une véritable régression en matière de droits des femmes car «possibilité peut facilement devenir obligation». Le respect du temps nécessaire au rétablissement physique de la femme et des premiers soins à apporter au bébé relèvent de la solidarité sociale. Ils doivent être légiférés en conséquence et financés à la hauteur des besoins. Sinon le taux d’activité des femmes prévu à hauteur de 75% par la Stratégie 2020 ne sera jamais atteint.
Les discriminations ne touchent pas seulement les femmes puisqu’il est avéré que le congé paternité (15 jours) est de moins en moins pris par les pères en France.
Cette directive doit être votée en juin ou abandonnée, pensez-vous qu’elle a des chances d’être enfin acceptée ?
Aucun gouvernement ne se lève pour défendre cette directive, arguant différents prétextes.
Par exemple que la base juridique santé ne conviendrait plus pour le gouvernement français si on inclut le congé paternité ou que le coût économique et social serait trop important pour la majorité des pays sauf la Suède.
Quelles actions avez-vous mené pour faire aboutir cette directive ?
De nombreuses actions ont été menées : du lobbying, des communiqués de presse, une campagne d’informations en lien avec le LEF, des rencontres avec les syndicats ainsi que le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons envoyé des informations aux associations membres du LEF et une lettre au Président de la République afin qu’il relance un groupe de travail.
Propos recueillis par Caroline Flepp, 50-50 Magazine