Articles récents \ France \ Politique Pour la ville de Marseille, le 8 mars, c’est «journée des femmes au cabaret» !
Le 8 mars c’est, à priori, une occasion de rappeler que partout dans le monde, il y a des femmes qui luttent et souffrent pour leurs droits ou tout simplement pour un peu plus d’égalité. Si les mouvements féministes militent en général toute l’année, c’est loin d’être le cas de toutes les collectivités locales. La preuve à Marseille, où la mairie a décidé de marquer le coup en organisant… un dîner-cabaret spectacle avec une revue très sobrement intitulée «Plaisirs».
[vsw id= »WiyOJ5TXDsM » source= »youtube » width= »425″ height= »344″ autoplay= »no »]
(vidéo de présentation de la revue du MP Show)
On est saisi-e-s par le caractère totalement féministe du spectacle, qui déshabille à la fois femmes et hommes ! Blague à part, comment une mairie peut-elle détourner à ce point l’esprit du 8 mars, en subventionnant « un spectacle de cabaret: plumes, boas, paillettes, et tout le tralala » ? (1)
C’est le «Service des droits de la personne, Division Femmes et Famille» de la ville qui organise cette manifestation. L’élue en charge de ce service s’appelle Nora Preziosi. La 22ème adjointe de Jean-Claude Gaudin en charge des Droits des femmes est également secrétaire nationale de l’UMP et visiblement sarkozyste. Elle est également élue au conseil régional de la région PACA et membre du Haut Conseil à l’intégration.
Une affaire «pas du tout burlesque»
C’est Geneviève Couraud (lire son portrait réalisé en 2012) qui nous a alerté-e-s au sujet de ce spectacle. L’ex-élue socialiste des quartiers nord de Marseille est aujourd’hui à la tête de l’Observatoire départemental des Droits des Femmes, rattaché au Conseil Général des Bouches-du-Rhône.
Lundi 23 février, elle reçoit dans sa boite mail le message d’une association marseillaise de défense des droits des femmes. Cette association transmet, sans état d’âme, l’invitation de la mairie pour ce spectacle qui doit se tenir le 5 mars au Théâtre de l’Odéon à 20h30. Elle décide alors de relayer l’invitation aux expert-e-s de son observatoire, à des responsables socialistes ainsi qu’aux parlementaires marseillais-e-s. Tout-e-s sont abasourdi-e-s. Geneviève Couraud écrit également à Nora Preziosi et au maire de Marseille et se dit « scandalisée et même très en colère devant cette proposition qui n’honore personne, ni notre ville, ni nos concitoyen-n-es, ni les élu-e-s qui financent en notre nom ce spectacle. Je suis en colère pour toutes les femmes qui luttent, souffrent et remportent de beaux combats partout dans le monde. »
Mme Couraud a reçu depuis de nombreux messages de soutien. Des citoyen-ne-s relaient son message, avec son autorisation, dans les messageries et sur les réseaux sociaux. Son objectif est désormais de faire annuler le spectacle. « Je suis consciente que Marseille n’a souvent pas une bonne image dans les médias. C’est justement pour cela qu’il faut dénoncer ce spectacle, en montrant que cette manifestation, qui n’a rien de burlesque, n’est pas acceptable, surtout à Marseille. » Au-delà du choix « absolument affligeant » de la mairie, ce qui la met en colère, c’est « le toupet avec lequel la mairie gaspille de l’argent public », en subventionnant un spectacle qui n’a «rien d’éducatif» et qui «ne donne pas la parole aux femmes.»
Le secrétariat de Nora Preziosi que nous avons tenté de joindre à la mairie de Marseille, « en congés », n’a pour l’instant pas réagi. Comme le déplore Geneviève Couraud : « cette affaire montre le niveau de conscience féministe de cette équipe municipale », soulignant amèrement, « cette année, il devrait y avoir des hommes pour assister au spectacle du 8 mars ».
Guillaume Hubert, 50-50 Magazine
1 Communiqué de presse de Sylvie Guillaume, eurodéputée socialiste de la circonscription sud-est englobant Marseille, 24 février 2015.
Annexe : Courrier de Geneviève Couraud à Nora Preziosi du 23 février 2015
« Madame la Conseillère Municipale,
Je suis ce matin informée du programme de la manifestation que vous organisez pour marquer, au nom de notre ville, Marseille, le 8 mars, Journée Internationale des Droits des Femmes.
Il s’agit du spectacle de cabaret M P Show, « Plaisir’s » qui aura lieu le 5 mars au théâtre de l’Odéon.
La Journée du 8 mars vise à rappeler que partout dans le monde, il y a des femmes qui luttent et souffrent pour leurs droits ou tout simplement pour un peu plus d’égalité. Parfois, certaines remportent des victoires. Toutes pensent à la société que nous allons laisser à nos enfants, filles et garçons.
Le 8 mars (un seul jour dans l’année!) nous sommes toutes et tous solidaires de toutes ces femmes. Nous sommes fières d’être femmes.
Vous choisissez de marquer cet événement par un spectacle qui n’a rien à voir avec ces combats, et qui ne présente certainement pas une vision très positive des femmes.
Je dois vous dire que je suis scandalisée et même très en colère devant cette proposition qui n’honore personne, ni notre ville, ni nos concitoyennes, ni les élu-e-s qui financent en notre nom ce spectacle.
Je suis en colère pour toutes les femmes qui luttent, souffrent et remportent de beaux combats partout dans le monde.
En colère pour les petites filles du Nigeria que l’on utilise comme bombes humaines, en colère pour Nalin Afrin, générale de l’armée kurde victorieuse contre Daesh à Kobané, en colère pour Ösgecan Aslan, violée, assassinée et brûlée en Turquie.
En colère pour les femmes policières et gendarmes françaises qui ont laissé leur vie dans les attentats récents et les agressions dans notre région PACA.
Vous êtes l’élue d’un secteur de Marseille qui a basculé au F.N. lors des dernières municipales, secteur que je connais bien pour y avoir moi-même dans le passé été l’élue à la culture, y avoir habité 25 ans, et y avoir enseigné 32 ans.
Dans ce secteur, sans doute plus que dans d’autres secteurs de notre Ville, les femmes souffrent et se battent, elles résistent contre la pauvreté, la violence et l’oubli. Ce qu’elles veulent, c’est du travail et qu’on les aide à montrer leur courage et leur dignité.
Ce contexte politique vous donne, Madame la Conseillère Municipale, des responsabilités éthiques et d’exemplarité encore plus grandes.
J’espère que vous saurez prendre la sage décision d’annuler ce spectacle machiste, poussif et dépassé qui donne une vision des femmes qui n’honore personne.
Recevez, Madame la Conseillère Municipale, l’assurance de ma sincère considération.
Geneviève COURAUD
Présidente de l’Observatoire des Droits des Femmes-13
Présidente d’Élu/es contre les violences faites aux femmes,
Chevalier de la Légion d’Honneur »