Articles récents \ Monde Shoukria Haïdar : une militante afghane grand prix international de la laïcité 2014
En octobre dernier, en présence de la maire de Paris, Anne Hidalgo, Shoukria Haïdar recevait le grand prix international de la laïcité du Comité Laïcité République. Un prix mérité pour une femme courageuse qui se bat depuis de nombreuses années afin que les femmes de son pays sortent de l’invisibilité.
Shoukria Haïdar fuit l’Afghanistan en 1980 au moment de l’invasion soviétique, et se réfugie en France. Elle obtient rapidement le statut de réfugiée politique et acquerra ensuite la nationalité française. Sportive, elle est membre de la première équipe nationale féminine de ping-pong de son pays et ceinture rouge de Karaté. Après avoir été ouvrière dans plusieurs entreprises, elle entreprend des études d’éducation physique, devient professeure d’EPS, et enseigne dans plusieurs lycées d’Ile de France.
Shoukria Haïdar retourne en Afghanistan en 1995 qui passe peu à peu sous l’emprise des taliban.
Les «étudiants en théologie» prennent Kaboul en 1996. Shoukria Haïdar dénonce les exactions de ces fondamentalistes, qui sont pour elle le bras armé du Pakistan qui tente de s’emparer de l’Afghanistan. La même année, elle créé, avec le soutien de quelques militantes françaises, l’association NEGAR-Soutien aux Femmes d’Afghanistan. L’objectif de NEGAR est de lutter contre les taliban et pour les droits des filles et des femmes. Dès 1998, NEGAR récolte des fonds pour organiser des classes clandestine de filles à Kaboul et dans le Panshir.
«Aujourd’hui, plus de 3 millions de petites filles se rendent à l’école. Dans toutes les universités, et dans toutes les branches du savoir, les filles poursuivent leurs études» explique avec bonheur la nouvelle lauréate du prix international de la laïcité.
Pour Shoukria Haïdar, ce sont les femmes les premières visées par les intégristes. Elle répète «il n’y a pas plus de talibans modérés qu’il n’y a eu de nazis modérés.»
Dans les années 2000, elle est directrice de la coordination des activités physiques et sportives au ministère des Etudes Supérieures, puis conseillère au ministère de la Culture dans le cadre de la jeunesse et des sports
Dans son pays, elle est une des rares femmes à oser conduire sans voile, bravant tous les interdits.
Le courage d’une militante de la laïcité
En 2000, elle organise la première conférence des femmes afghanes à Douchanbe (Tadjikistan), soutenue par le collectif « Femmes en Marche pour l’Afghanistan». Cette conférence élabore une Déclaration des Droits des Femmes Afghanes qui récoltera deux millions de signatures dans le monde.
En 2001, après la chute des Taliban, la militante féministe prend contact avec le gouvernement intérimaire. Elle revient vivre définitivement à Kaboul dès le début de l’année 2002 pour participer à la reconstruction de son pays. La même année, elle organise une grande conférence de femmes à Kaboul, à laquelle participe également «Femmes en Marche pour l’Afghanistan.»
En 2003, pour la première fois depuis la fin de la guerre, NEGAR célèbre à Kaboul le 8 mars, avec le soutien de la Marche Mondiale des Femmes. l’Afghanistan vote une nouvelle constitution en 2004 dans laquelle l’égalité des droits des devoirs entre les femmes et les hommes es inscrite, NEGAR a largement contribué à ce que l’égalité femmes/hommes soit inscrite noire sur blanc dans ce texte.
Entre 2006 et 2008 des bureaux de NÉGAR sont ouverts dans cinq départements du pays. Pendant ces années, une crèche-école maternelle modèle est construite: le « kodakistan » sur le site de l’université de l’éducation de Kaboul grâce à l’aide de collectivités territoriales et du Sénat français. Elle ouvre ses portes en 2014.
Negar organise à Kaboul le 25 janvier 2010, une conférence réunissant plus de 200 organisations (partis politiques, associations féministes, syndicats et autres organisations de la société civile). Les organisations présentes votent à l’unanimité une résolution s’opposant à la négociation avec les taliban.
Shoukria Haïdar revient en France le 26 janvier 2010, pour alerter l’opinion publique internationale sur les graves dangers du plan de «réconciliation» présenté par le Président Karzaï lors de la Conférence de Londres sur l’Afghanistan du 28 janvier 2010, et pour dénoncer les conséquences néfastes de ce plan sur les droits des femmes, en particulier. Elle est alors porteuse de la résolution signée par les 200 organisations.
Shoukria Haïdar participe à la campagne pour l’élection présidentielle de 2014 en soutenant le Dr Abdullah Abdullah qui arrive en tête à l’issue du premier tour de scrutin. Mais Ashraf Ghani, le candidat soutenu par les islamistes, arrivé en deuxième position obtient finalement l’investiture. La fraude électorale est patente et massive.
Le combat de Shoukria Haïdar s’étend dans les différentes provinces du pays, elle se bat pour que l’égalité femmes/hommes soit inscrite dans la nouvelle constitution afghane, pour l’accès des filles au sport, pour la réhabilitation des écoles, la formation des maîtres femmes et hommes et pour la laïcité.
Caroline Flepp 50-50 magazine
Photo: Shoukria Haïdar en compagnie d’Yvette Roudy, ancienne ministre des Droits des femmes le 8 novembre 2014