Culture \ Théâtre Caroline Loeb : « George Sand est fascinante, elle était tellement libre »
Créé à Avignon en juillet, le spectacle écrit et interprété par Caroline Loeb « George Sand, ma vie, son œuvre » entremêle l’histoire d’une femme libre du XIXème siècle, une des rares femmes qui ait vécu de sa plume et celle d’une femme de ce siècle qui n’a pas peur des mots.
50-50 magazine a rencontré une auteure, comédienne, chanteuse, attachante qui retrouve beaucoup d’elle-même dans le personnage qu’elle incarne.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée à George Sand ?
Bien que je sois passionnée de littérature, par exemple d’Annie Ernaux que j’ai plaisir à introduire dans la pièce, je n’étais pas spécialement passionnée par George Sand jusqu’à récemment. Et puis j’ai découvert un peu par hasard, la femme, le personnage, l’auteure. Et j’ai compris qu’il y avait beaucoup de clichés sur elle. Je me suis plongée dans sa vie avec un grand plaisir car elle a eu une existence très riche. J’en ai conçu une forte admiration pour le personnage. Pour écrire mon spectacle, j’ai choisi, dans les nombreuses biographies qui lui sont consacrées, les moments de sa vie qui m’ont le plus touchée. J’ai surtout voulu l’aborder par l’intime. Je parle de ses nombreux amants, mais également de son histoire d’amour avec Marie Dorval, elle a vécu une amitié amoureuse forte avec elle. C’est un moment de sa vie qui est peu connu, et qui me donne l’occasion de faire entendre un texte de George Sand d’une grande sensualité et une chanson de Pascal Mary « L’une et l’autre ».
Son rapport avec sa mère m’a beaucoup intéressée. En l’abordant j’ai pensé à ma propre mère. J’ai également découvert ses relations pas très faciles avec sa fille et, comme moi j’ai une ado à la maison, c’était l’occasion de faire des allers-retours entre ma vie et son oeuvre…
George Sand a été élevée par un précepteur qui ne l’a pas éduquée comme une petite fille de l’époque mais lui a, entre autres, fait faire du cheval, et surtout beaucoup fait lire. Elle s’est retrouvée à Nohant avec sa grand-mère qui l’appelait parfois Maurice du nom du propre père de George sand. Dans son carnet intime, elle parle d’elle-même au masculin !
Elle portait un pantalon pour pouvoir aller librement là où elle n’aurait pas eu le droit d’aller seule, les théâtres ou les bistrots.
Cette femme est fascinante, elle était tellement libre. Elle a affronté les préjugés de son époque avec audace, je cite Einstein dans le spectacle : « il est plus facile de dissoudre un atome qu’un préjugé !»
Vous définissez-vous comme féministe ?
Force est de constater que le milieu du show biz n’est pas moins misogyne que les autres. Et il ne suffit pas d’être auteure pour être mieux considérée. Parfois il y a même un déni de l’écriture qui contribue à minimiser la place de la « chanteuse » pour la cantonner à l’interprétation. C’est déconcertant de voir à quel point il y a un travail de sape souterrain qui opère en permanence.
Ce qui m’étonne, c’est que toutes les femmes ne soient pas féministes. Le système patriarcal est très fort…
Pour moi le pire, ce sont les filles de féministes qui, pour affirmer qu’elles sont libres de leur corps, font du porno ou se prostituent. Heureusement ma fille est féministe et j’ai des amies comme Isabelle Alonso.
Alex Lutz, qui a mis en scène mon spectacle, est un homme féministe. Ce qui m’étonne aussi c’est qu’il n’y ait pas d’avantage d’hommes qui le soient ! Ils ont tous des mères ou des sœurs pourtant !
Quel est votre public pour ce spectacle, nous avons vu ce soir beaucoup de jeunes?
J’ai un public très mélangé. Ce spectacle peut toucher tous les âges. Ainsi dans le public de ce soir, il y avait une des classes du lycée où étudie ma fille. C’est important de s’adresser aux jeunes, de leur montrer des personnages de femmes libres. D’autant plus que George Sand a un peu disparu des livres de français.
Qui sait, par exemple qu’un des plus beaux passages du théâtre de Musset a été écrit par George Sand ?
Propos recueillis par Monique Vézinet et Caroline Flepp 50-50 magazine
Extraits du spectacle
« Elle a écrit 70 romans et nouvelles, 31 pièces de théâtre, des articles, une autobiographie, des lettres, plus de 45 000 rassemblées en 26 volumes. Tout ça à la bougie, à la plume d’oie, qu’elle taillait elle-même au couteau, bourrée de café, fumant clope sur clope. »
« C’est l’une des premières femme qui a vécu de sa plume et elle a véritablement ouvert la voie aux femmes artistes, aux femmes écrivains comme Virginia Woolf, Colette, Louise Bourgeois, Duras, Pina Bausch, Nicky de Saint Phalle… moi. Oui, si je fais ce que je fais aujourd’hui c’est un peu grâce à elle. D’ailleurs, si elle avait pu s’abstenir je serais moins dans la merde aujourd’hui. Qu’est-ce que j’aimerais être secrétaire de direction parfois ! »
« Quand George Sand est morte, sur son acte de décès les officiels ont déclaré qu’elle était « sans profession ». Magnifique! « sans profession »?!
Tout ce qu’elle a écrit, aimé, brassé comme idées, tout ça pour finir en nom sur une plaque de rue, et la majorité des gens ne savent même plus qui c’est, et le pire c’est que tout le monde s’en tape. »