DOSSIERS \ Des ''cathos'' qui ont mauvais genre ! Dominique Venturini présidente de Plein Jour : « Pourquoi opposer l’amour de Dieu à l’amour humain? »
TEMOIGNAGE
« Plein Jour » est une Association de soutien aux compagnes clandestines de prêtres. Dominique Venturini en est la présidente depuis 2008.
Ma mère m’abandonné à l’âge de dix-huit mois. J’ai été confiée à un couple âgé qui confondait dressage avec éducation, et entretenait en moi la haine de sa mère. Copieusement battue, j’ai grandi dans un désert affectif. Privée d’amour dès ma naissance, je n’ai cessé de le chercher tout au long de ma vie.
A 21 ans, je suis entrée au couvent chez les Dominicaines. Un acte de foi, mais aussi une provocation pour mon père anticlérical. Passionnée par mon activité d’enseignante, je me suis efforcée de supporter la mentalité bornée de la communauté. Jusqu’au jour où, après dix sept ans d’asphyxie, j’ai saisi l’occasion de me libérer du carcan. C’est la prieure générale qui me l’a fournit en voulant m’imposer une situation malhonnête. Je me suis insurgée et j’ai refusé. Convoquée dans son bureau, je m’agenouille à ses pieds selon l’usage. Rendue furieuse par ma résistance, elle me pose un ultimatum: « Vous avez fait vœu d’obéissance ! Alors, ou vous vous soumettez, ou vous partez!» D’une voix ferme, ma réponse fuse : «Je pars!» J’avais reconquis ma liberté… par un saut dans le vide car j’allais me retrouver sans toit, sans argent, sans travail.
Au bout de quelques mois, la chance me sourit. Je suis embauchée par un prêtre qui cherchait une directrice pour ouvrir un collège technique dans sa ville. Après toutes ces années d’enfermement, je me sens revivre. Une collaboration étroite avec ce prêtre se mue en amitié, puis en un sentiment plus fort. Nous étions en voiture quand il me déclara son amour. Vague déferlante de bonheur et en même temps sentiment d’effroi de franchir un interdit. L’euphorie fut de courte durée.
Dénoncé par ses trois stagiaires, il est alors muté. La hiérarchie de l’Église tente toujours, dans ces cas là, de séparer les couples en proposant aux prêtres de monter dans la hiérarchie ecclésiastique et gagne… La plupart des couples se séparent. Notre couple est solide, notre relation se poursuit.
Compagne clandestine et solitaire
Mais alors que je rêvais d’une vie entièrement donnée l’un à l’autre, mon ami se retranchait derrière son engagement religieux. Au lieu d’une vie de couple, je suis condamnée aux rencontres furtives. Pour se retrouver, il faut ruser, se cacher. Combien d’invitations, de sorties avec des ami-e-s ai-je refusées pour me rendre disponible au cas où mon ami serait libre! Je suis la compagne clandestine et solitaire. Pour les vacances, nous partions à l’étranger pour éviter de rencontrer des personnes connues. Dans des coins sauvages d’Espagne, nous dormions sous la tente. Cette recherche d’intimité devenait une torture. Se comporter en frère et sœur ? Qui a inventé pareille ânerie ? Mon ami considérait une relation sexuelle comme une faiblesse; il s’en confessait et m’invitait à le faire.
Aujourd’hui, je continue à m’insurger. Pourquoi opposer l’amour de Dieu à l’amour humain ?
Fort heureusement, une échappatoire s’est présentée, de courte durée ! Pour répondre à l’appel d’ami-e-s, nous partons en Dordogne. Dès notre arrivée, mon ami redevient curé de paroisse à temps complet. Me voici à nouveau délaissée ! Pour me soustraire à cette dépendance délétère, je me sépare de lui. Je l’ai laissé seul dans son presbytère pour aller habiter Périgueux. De nouveau libre, j’ai pris mon essor. J’ai créé mes propres activités : resto du cœur, visiteuse de prison, atelier théâtre pour les détenus, accueil de leurs familles…Je me suis vraiment épanouie pendant ces quatre ans. J’ai démontré que moi aussi j’existais. Revenus en Provence, nous avons repris la vie commune.
En 2008, je deviens responsable de Plein Jour. Cette Association, fondée en 1990 par Odette Desfonds sous le nom de « Claire Voie » est devenue « Plein Jour » en 1998. L’objectif est resté le même: offrir un soutien moral aux femmes amoureuses d’un prêtre et lutter contre cette règle inhumaine du célibat imposé. J’ai beaucoup souffert dans mon désir d’un amour pleinement réalisé. J’ai été frustrée de ne pas avoir d’enfant. Mais je crois que l’expérience de cette vie gâchée me rend aujourd’hui apte à comprendre les situations de détresse des compagnes.
En Suisse aussi les compagnes de prêtres sont actives. Elles ont créé Zöfra. Sa présidente, Gabriella Friedli, a écrit un livre au titre évocateur: Mon Dieu ! Le célibat, un chemin de croix.
Je me réjouis lorsque je vois un amour qui réussit… ça arrive, plus qu’on ne le croit !
Dominique Venturini
Odette Desfonds. Rivales de Dieu. Les femmes de prêtre. Ed. Poche 1996
Dominique Venturini. Sous le signe du bélier. Un prêtre a-t-il le droit d’aimer? Préface de Jacques Gaillot. Ed. L’éphémère. 2005
Dominique Venturini : L’impossible voyage. Pour l’amour d’un prêtre. Ed. L’éphémère. 2005