Articles récents \ France \ Société Sandrine Roustan : « Etre la seule femme dirigeante à France TV n’est pas tenable »

Sandrine Roustan était la seule femme directrice des programmes à France TV. Elle a été brutalement licenciée en décembre dernier. Parcours d’une passionnée de télé.

 

Une vocation précoce

Sandrine Roustan est passionnée par la télé depuis son plus jeune âge. A 10 ans, elle rédigeait des fiches sur ses émissions préférées. Elle suit des études de commerce puis passe un DESS de droit et administration audiovisuel à la Sorbonne. C’est à l’occasion d’une conférence donnée par Alain de Greef que la chance liée à un certain culot lui ouvre les portes de la télé. Elle propose au directeur des programmes de Canal + un concept alors inédit: une émission qui parlerait de la TV . Cette idée deviendra l’émission de Michel Denisot «Télé dimanche».
Elle est embauchée en 1992 par Alain de Greef. Marc-Olivier Fogiel devient son patron direct. Elle reste six ans à Canal + et apprend son métier ou plutôt ses métiers puisqu’elle est tour à tour assistante de production, journaliste puis rédactrice en chef. Puis elle co-écrit une nouvelle émission avec Michel Royer, réalisateur de documentaires, ce sera «les enfants de la Télé ». Stéphane Courbit et Arthur, les patrons d’Endemol reprennent le projet et l’embaucheront quelques années plus tard pour devenir Directrice du développement des divertissements, elle y restera de 2002 à 2006. Mais avant cela, elle a rencontré Emmanuel Chain, tout juste nommé directeur des magazine du groupe, qui l’embauche.
Elle deviendra adjointe à la direction des magazines de M6. En 2010 elle rejoint France TV comme conseillère auprès d’Emmanuelle Guilbart, directrice générale déléguée aux programmes du groupe et directrice de France 4. En 2012 celle-ci la nomme directrice des programmes et de l’antenne de France 4. Quatre autres femmes sont nommées à des postes organisationnels clés par Emmanuelle Guilbart qui est, elle même, évincée du groupe en janvier 2013 par le président Remy Pflimlin. Aurélie Filipetti, la ministre de la culture, avait le projet d’en faire une chaîne jeunesse et Emmanuelle Guilbart n’était pas forcément en phase avec ce projet. Elle est bien évidemment remplacée à la tête des programmes du groupe audiovisuel public par un homme : Bruno Patino.

Il n’en reste plus qu’une:

Sandrine Roustan se retrouve alors seule femme directrice des programmes d’une chaîne sur les six que compte France TV. Bien sûr, il y a d’autres femmes directrices mais elles n’ont pas LE seul pouvoir qui compte à la TV, le pourvoir éditorial! «Les hommes se gardent les meilleurs postes, les postes à décisions éditoriales, les postes de pouvoir» souligne Sandrine Roustan. Elle a tenu quatre ans à France TV, seule femme, seule directrice d’antenne de moins de 45 ans, et la seule également non issue de la fonction publique. Seule face à douze hommes, c’est peu dire qu’elle avait du mal à prendre la parole. Elle avoue: «il m’est même arrivée de lever le doigt pour intervenir». Les hommes étaient cordiaux, elle n’était pas maltraitée mais «si je pouvais la fermer, c’était mieux» explique-t-elle dans un rire. Sandrine Roustan exprime ses doutes sur le projet de transformer France 4 en chaîne hybride avec des programmes jeunesse en journée et des nouvelles écritures « les trash et punk » le soir, estimant que le grand écart est difficile, voire impossible. Mais une femme a t-elle le droit d’exprimer des réserves? Sûrement pas puisqu’en décembre 2013, elle est licenciée du jour au lendemain pour un motif «perte de confiance» qui n’existe pas dans le droit du travail. Elle a porté son dossier aux prud’hommes.

«En avant toutes». Où sont les toutes?

En juillet 2013, France TV avait organisé un colloque sur les questions femmes «En avant toutes», colloque dont le titre avait été trouvé par Sandrine Roustan et avait été initié par Emmanuelle Guilbart qui n’était plus en poste à cette date. Le président de France TV, Rémy Pfimlin avait alors annoncé toute une série de mesures qui allait révolutionner France TV… Le 11 mars dernier France TV a organisé une deuxième édition de ce colloque «En avant toutes», Sandrine Roustan y était regrettant le manque de réactivité de la salle, l’absence de féministes de la Barbe ou autres associations. Dans le dossier de presse accompagnant le colloque il était question de « faire évoluer la place des femmes dans l’entreprise et tendre en particulier à la parité managériale », avec cette précision que la part des femmes recrutées à des postes d’encadrement était passée de 29 à 39 % ces douze derniers mois. «Oui mais à quels postes?» se demande Sandrine Roustan.
Aujourd’hui les quatorze premiers postes sont occupés par des hommes. Le service public est en crise. Une des raisons avancées par Sandrine Roustan est le manque de femmes décisionnaires éditoriales qui pourraient porter un regard féminin sur des programmes destinés à un public en majorité féminin. Ce que dit haut et fort la dernière directrice de France TV c’est que la direction de France TV n’est pas en phase avec son public: trop âgée, trop masculine, trop éloignée de la société et de ses besoins. Ses responsables ne connaissent pas les chiffres des études qui démontrent que les femmes regardent plus la TV que les hommes. Les derniers chiffres: les femmes de 15 ans et plus regardent le petit écran en moyenne 4h 22 par jour et les hommes 3h 49. Ses responsables se font distancer par ceux des chaînes privés qui eux ont compris qu’il fallait s’adresser au grand public familial. Aujourd’hui Sandrine Roustan réfléchit à de nouveaux projets télévisuels. Elle a signé des deux mains le manifeste «Prenons la Une».
 
Caroline Flepp 50/50

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