DOSSIERS \ Municipales 2014: quelles responsabilités pour les femmes ? Elles Aussi: "le machisme reste très prégnant dans le milieu politique"

 

Armelle Danet est la présidente d’Elles Aussi. Ce collectif est constitué de neuf associations de femmes, nationales et locales ainsi que d’antennes locales. Elles Aussi se bat depuis 1992 pour promouvoir la parité dans toutes les instances élues.

La loi du 17 avril 2013 est-elle une réelle avancée en terme de parité ?
C’est une grande avancée pour la parité dans les élections locales.

Pour les assemblées départementales, la mise en place du scrutin binominal majoritaire est une véritable révolution qui va entraîner un partage égal du pouvoir entre les femmes et les hommes. Ceci répond aux vœux des associations, en particulier Elles aussi, qui, depuis plusieurs années, réclamaient la mise en place de ce nouveau mode de scrutin.

Pour les conseils municipaux, des assemblées et des exécutifs paritaires dans les communes de 1000 habitants et plus accroit automatiquement le nombre de femmes élues et donc le vivier de femmes compétentes exerçant des responsabilités locales, pouvant prétendre par la suite à d’autre mandats.

Si trouver des femmes pour ces listes n’a pas été un problème, le nombre de femmes têtes de liste et donc de maires pour ces élections de 2014 est par contre une grande déception. Une analyse des freins structurels et personnels à l’exercice de ce mandat s’impose.

Grâce à cette loi, avec des listes paritaires pour le communes de 1000 habitants et plus il y a une amélioration dans la féminisation des conseils communautaires*, mais pas la parité, ce qui est à déplorer car les EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale) sont un lieu de pouvoir de plus en plus important. Ainsi quand un seul conseiller est élu, celui-ci sera le maire, à très large majorité un homme. De même, dans l’exécutif il y a une grande majorité de maires, donc un exécutif encore très masculin.
Après l’adoption de cette loi, Elles Aussi a conçu un guide de la candidate, quel était l’objectif de ce nouveau guide «2014, en avant les femmes !» ?
L’objectif du Guide de la candidate était de donner confiance aux femmes qui hésitent à s’engager dans la vie municipale en leur permettant de lever leurs doutes, que ce soit sur leur profil, leurs compétences ou leur disponibilité. Écrit dans un langage clair, il leur apportait quelques conseils pour préparer leur candidature et exercer leur mandat une fois élues. Le Guide passait également en revue quelques idées reçues sur les femmes en politique et comment les combattre, car le machisme reste très prégnant dans le milieu politique. Il donnait un éclairage sur tous les apports de l’exercice du mandat en termes de nouvelles expériences et d’acquisition de compétences, car chacun-e ressort différent-e après l’exercice d’un ou plusieurs mandats. Suite à ce guide, nous avons publié à destination des futures élues une version réactualisée de « mon agenda des cent jours ». Ce document liste un certain nombre d’actes que les candidates et les nouveaux ou nouvelles élues, peuvent poser dans leurs équipes pour y trouver leur place et y introduire les conditions d’un investissement efficace.
Quatorze ans après le vote de la loi sur la parité, voyez-vous de grands changements dans l’approche que les femmes ont de l’engagement en politique? Quels sont les plus gros freins à leur engagement en politique?
Aujourd’hui les femmes doutent moins de leurs compétences et de leur capacité à exercer un mandat politique. Elles sont plus audacieuses et plus ambitieuses. Les lois sur la parité ont accru leur assurance dans leur légitimité. Mais il reste un grand nombre de freins. Il y a tout d’abord l’articulation des temps de vie, surtout quand on sait que la charge des tâches domestiques incombe encore à 80% aux femmes. Avant de s’engager, il est préférable pour une femme de négocier avec son partenaire et sa famille, ce qui n’est généralement pas le cas pour les hommes. Peu de municipalités prennent en compte ces temps de vie quand elles organisent des réunions. La prise de parole en public reste encore un frein pour certaines femmes, mais une fois élues elles peuvent bénéficier d’une formation sur ce thème, financée parla commune. Les femmes élues doivent toujours prouver leurs compétences, ce qui les amène souvent, professionnellement, à prendre des temps partiels dès qu’elles exercent des responsabilités politiques. Ceci pose d’une part un problème financier dans les petites communes où les indemnités sont très faibles et d’autre part le problème du retour à la vie professionnelle en fin de mandat.
Quels sont les stéréotypes les plus partagés sur les femmes en politique?
Elles seraient moins compétentes que les hommes. En fait, on ne met jamais en doute les compétences de ces derniers. Elles seraient plus attirées par les fonctions du «care» et peu attirées voire incompétentes dans les questions techniques. En fait, cela dépend des goûts, motivations et expériences de la personne. La politique ce n’est pas pour les femmes, car c’est un monde «violent» et il faut être disponible. En fait, il s’agit de s’affirmer, de défendre ses idées et ses projets, de ne pas se laisser impressionner. Quant à la disponibilité, c’est une question d’organisation et de gestion des priorités.
Propos recueillis par Caroline Flepp 50/50
 
* Les conseillers communautaires composant l’organe délibérant des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles.
 

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