Médias Transphobie, homophobie et sexisme, le cocktail gagnant du figaro.fr
Cette actualité aurait pourtant pu servir de support à un article de fond sur la problématique complexe de la trans-sexualité par exemple, mais la façon dont elle est traitée ici laisse comme un goût amer.
L’histoire, c’est celle d’un homme belge qui apprend après plusieurs années de mariage que celle qu’il a épousé, (accessoirement une Indonésienne de 17 ans sa benjamine) a subi avant de le connaitre une opération des parties génitales pour « devenir » la femme qu’elle est biologiquement aujourd’hui. Un problème de communication dans le couple ? Pas assez vendeur. Pour le figaro, c’est l’histoire d’une idylle qui tourne à la tragédie puis au scandale.
« Après 19 ans, il découvre que son épouse était un homme ».
Titre racoleur qui pose le décor de ce que l’auteur nous présente déjà comme un mauvais vaudeville. Ici, on est (et on nait) soit homme, soit femme. Aucune mention n’est faite de l’intersexualité, c’est à dire de la possibilité de naître avec deux appareils génitaux (mâle et femelle) ou bien avec un appareil génital indéfini (au sens médical). Aucune précision non plus sur l’origine de l’opération et le mal-être qui a pu l’accompagner. Rien sur la souffrance des personnes trans-genres qui naissent avec un corps et un sexe dans lesquels ils peinent à s’épanouir, et qui ressentent de ce fait le besoin de changer de sexe pour se sentir en meilleur harmonie dans leur chair et dans leur sexualité. D’aucun-e-s pourraient objecter qu’il faut laisser la nature décider de notre sexe, et qu’un homme doit rester un homme et une femme une femme.
D’ailleurs, notre ami belge n’aurait-il pas du avoir la puce à l’oreille ? C’est ce que suggère le figaro quand il retranscrit ce commentaire de celui-ci expliquant à propos de sa désormais ex- femme qu’elle était : « une fantastique cuisinière », mais « pas vraiment douée en repassage (…) Maintenant, je comprends pourquoi » !. Insidieusement, sous couvert de reprendre le point de vue du mari trahi, l’article ne sous-entend rien de moins que l’idée que seules les personnes nées avec un utérus (comprendre les femmes, les vraies) sont dotées du gêne du repassage. Ainsi, certaines aptitudes seraient proprement féminines, et une opération n’y pourrait rien changer.
Une question de point de vue
En passant sous silence l’histoire de cette jeune femme et les circonstances de son opération, pour se concentrer sur la douleur du mari dupé, l’article fait le jeu de la trans-phobie et de l’homophobie. Il témoigne d’un impensé collectif concernant la question des identités de genre et de sexe, et tient pour normal le fait que l’hétérosexualité de cet homme ne saurait subir le moindre doute, la moindre altération. C’est parce qu’il a épousé (et, sous entendu, eu des relations sexuelles) avec une femme-homme que l’homme est légitime dans sa souffrance, et audible quand il raconte qu’il se sent « comme si il avait été violé pendant près de 20 ans ». L’idée que l’amour qu’il portait à sa femme, en tant que personne, aurait pu lui permettre d’accepter le fait, qu’en un temps lointain, celle-ci ait eu des organes génitaux masculins n’est même pas évoquée. Pas plus que l’idée que le mensonge par omission soit bien plus délétère pour le couple que le changement de sexe lui-même. Ce qui, selon l’avocate du plaignant, a « dévasté » les enfants (qu’il avait eu d’un autre mariage) n’est pas le non-dit qui a plané sur cette famille pendant des années, mais bien le fait que cette femme n’en était « pas vraiment une ».
Ce qui transparaît dans cet article, en filigrane, à travers le traitement inique de ce fait divers, est que ce qui inquiète vraiment et suscite le rejet, c’est le trouble dans le genre et le soupçon d’une sexualité transgressive.
Marion SOURD – EGALITE