Politique Commission « Jospin » : pas de big bang paritaire
Lionel Jospin a remis vendredi 9 novembre le rapport tant attendu de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique qu’il présidait. Les attentes comme les réticences pour ce changement étaient immenses. Quelle démocratie pour demain ? Quel-le-s élu-e-s pour la construire ?
L’aventure avait pourtant bien commencé : une volonté présidentielle affichée pour un renforcement de la parité (voir lettre de mission) ; une commission composée d’autant de femmes que d’hommes avec un ancien Premier ministre, instigateur des grandes avancées constitutionnelles et législatives et une ancienne ministre, Roselyne Bachelot-Narquin, co-fondatrice de l’Observatoire de la parité. Ces éléments faisaient espérer des lendemains qui chantent et le partage des responsabilités entre les femmes et les hommes.
« Les chambres les plus agées de la planète »
Aujourd’hui, il ne reste plus qu’à fredonner sur les airs déjà bien connus des rêves déçus. Sur 35 propositions, 5 permettraient directement ou indirectement un meilleur accès des femmes à la vie politique.
Proposition n°7 sur les élections législatives : introduction d’une part de proportionnelle : pour les 10% au plus de député-e-s concernés, soit 58 député-e-s élu-e-s au scrutin liste national, il n’est pas précisé si ces listes seront composées d’autant de femmes que d’hommes. Et l’association Osez le Féminisme n’envisage qu’un « maigre 5% de femmes à l’Assemblée nationale » de plus, loin du bouleversement attendu.
Proposition n°11 sur les élections sénatoriales : retour au scrutin de liste proportionnel pour les départements élisant 3 sénateurs et plus. Si les associations notent le retour aux dispositions de la loi du 10 juillet 2000, l’association Elles aussi déplore toutefois que « ce n’est pas très nouveau » et que « cela ne résout en rien le problème du contournement de la loi par la multiplication de listes dissidentes portant des hommes à leur tête avec la probabilité d’être les seuls élus. »
Proposition n°13 sur le financement des partis politiques : aggravation de la retenue sur la dotation publique, de 75% à 100%. Pourtant dans ses 40 engagements pour l’égalité femmes/hommes lors de la campagne présidentielle, François Hollande s’engageait : « les dotations de l’Etat aux partis politiques qui ne présenteront pas autant de femmes que d’hommes aux élections législatives devront purement et simplement être supprimées ». Ces « sanctions » restent cantonnées à la parité des candidatures et ne concerneront pas les élu-e-s.
Proposition n°15 sur le cumul des mandats : incompatibilité d’un mandat de parlementaire avec tout mandat électif autre qu’un mandat local simple à compter des prochaines élections locales. Cette proposition était très attendue parce qu’elle porte en elle le renouvellement du personnel politique, et par conséquent, la parité. Le fait que les fonctions exécutives locales soient entendues dans un sens très large intégrant aussi les fonctions d’adjoint-e et de vice-président-e comme les fonctions des intercommunalités, constitue une avancée. Mais pourquoi s’arrêter aux fonctions et mandats concomitants ? Pourquoi ne pas limiter aussi l’exercice du mandat de député-e dans le temps ? Ainsi, Alain Bocquet, Henri Emmanuelli ou François Asensi peuvent envisager de se (re-re-re-re)présenter pour leurs 10 et 11ème mandats successifs… L’Assemblée des Femmes déplore que les députés pourront « continuer à siéger sans vergogne au mépris de la parité et du renouvellement générationnel 15, 20, 25 ans, voire 40 ans de suite. Et nous continuerons d’avoir les chambres les plus âgées de la planète. Grand sujet de gloire ! ».
Déception des associations
L’avis des associations est unanime : décevant. La déception est d’autant plus forte que le souvenir est encore récent de cet engagement de François Hollande : « Dans un contexte où l’exclusion des femmes est vue à juste titre comme le symptôme d’une démocratie ‘‘malade’’, il est de ma responsabilité de renouer, si je suis élu, avec le combat pour la parité partout. La parité est un enjeu démocratique vital. C’est une fin autant qu’un moyen, au service de l’égalité entre les femmes et les hommes. […] Je placerai le partage du pouvoir à égalité entre les sexes au centre de la modernisation de la République ».
Finalement, le rapport de la commission « Jospin » déçoit, certes, mais marque peut-être une première étape avant le projet de loi et les débats parlementaires. Et si la modernisation de la République ne faisait que commencer? Et si elle avait lieu non pas sous les ors des salons des assemblées mais sur la place publique, sous forme d’un référendum, comme le demande l’Assemblée des Femmes, pour le non-cumul ?
EGALITE