Tribunes Lettre ouverte à Jean-Luc Melenchon

Cher Jean-Luc Mélenchon,

Vous souvenez-vous de votre triomphe à la Cigale, le 7 mars dernier, lors de la soirée organisée par Féministes en mouvement, un collectif de 45 associations ? La salle vous était acquise. Les applaudissements quand vous avez affirmé que « les femmes sont les opprimées d’entre les opprimés » ! Ce jour-là – ainsi que le 15 mai 2011 quand vous parliez ainsi sur votre blog, de Nafissatou Diallo, « Nos paroles ne doivent-elles pas inclure le respect qui lui serait dû ? » – on vous aurait donné le bon Dieu féministe sans confession. On aurait eu tort.

Cinq mois plus tard, à l’université d’été du Parti de Gauche, vous prenez la peine médiatique de téléphoner à Julian Assange – fondateur de WikiLeaks, soupçonné de viol et d’agression sexuelle, dont la Suède demande l’extradition – volontairement enfermé à l’ambassade d’Equateur à Londres. Vous l’assurez de votre soutien. Mais ce n’est pas tout : vous demandez de surcroît « que le gouvernement de gauche en France appuie le gouvernement de gauche en Équateur et que Julian Assange puisse aller en asile politique en Équateur ». Notez que vous n’êtes pas le seul : sur son site, le Parti communiste aussi « affirme sa pleine solidarité avec l’Equateur » pour protéger une des têtes de file du mouvement anticapitaliste.

Or, si la justice suédoise poursuit Julian Assange, ce n’est pas parce qu’il a publié sur WikiLeaks des documents politiques confidentiels. En réalité, c’est parce que deux femmes affirment qu’il leur a imposé des relations sexuelles non protégées, ce qui en Suède comme en France, est un crime. Marianne Ny, la procureure suédoise chargée du dossier, qualifie ces faits de viol. Le 20 novembre 2010, la police délivre un mandat d’arrêt international à l’encontre de Julian Assange, ce qui justifie son extradition afin de l’interroger. La Suède étant un état de droit, il reste présumé innocent.

Mais comme d’autres avant lui, redoutant les récits des femmes concernées, Julian Assange essaie de s’offrir une immunité politique. Et appelle ses soutiens à empêcher la justice suédoise de poursuivre son enquête.

Jean-Luc Mélenchon, ne prenez pas ce chemin. A la veille de la Fête de l’Huma, vous deviendriez le companero public d’un personnage convoqué par une magistrate pour répondre à des allégations de viol ? Ce serait une erreur que les féministes, les femmes en général, ne vous pardonneront pas.

Judith Hazan, Natacha Henry, Malka Marcovich

Auteures. Membres de la Coalition Internationale Zéro Impunité Zéro Immunité lancée à Paris le 24 mars 2012

print