Chroniques La femme ne sauvera pas le monde !
Je viens de lire, quasi simultanément, deux textes fort différents mais qui mis en perspective donnent à penser…
Le premier texte est un chapitre de l’histoire de l’anarchisme espagnol intitulé « Des femmes libres* ». Au printemps 1936, des groupes de femmes de Madrid et de Barcelone fondèrent Mujeres Libres (1), une organisation qui avait comme objectif de se consacrer à la libération des femmes de « leur ignorance et de leur esclavage de femmes et de reproductrices ».
Ce mouvement eut un grand succès auprès des femmes jusqu’à rassembler 20 000 adhérentes. Leur action englobait également la lutte contre la domination sexuelle et contre les inégalités entre femmes et hommes, ceci dans une Espagne fortement machiste et marquée par l’héritage catholique.
Le mouvement des Mujeres Libres eut un succès mitigé dans le monde anarchiste qui allait où l’on trouvait un Proudhon parfait misogyne et un Bakounine fervent adepte de l’émancipation des femmes.
Le mouvement féministe s’éteignit dans l’indifférence à partir du moment où les socialistes eurent en mains le pouvoir républicain.
L’autre texte est un petit dossier du Nouvel Observateur sur « Le plein de
superhéros » (2). Batman, Spiderman etc. sauvent le monde, c’est bien connu, au grand enthousiasme des foules mondialement émerveillées.
Mais où sont donc les (éventuelles) Batwoman, ou Spiderwoman ? On nous dit que depuis l’échec du « Supergirl » de Jeannot Szwarc en 1984, Hollywood reste persuadé qu’une femme ne saurait sauver le monde, mais aussi, et sans doute surtout, le Box Office !
Il y eut plusieurs essais généralement avortés ou boudés par le monde du cinéma. Curieusement, dans ces titres avortés on retrouve plus souvent le suffixe girl que woman. Imaginerait-on un Batboy ou un Spiderboy ?
Conclusion : aussi bien dans l’histoire politique que dans le business hollywoodien, on ne peut imaginer une femme en sauveur : qu’elle soit « l’avenir de l’homme », soit, ça ne mange pas de pain, mais de là à en faire un nouveau Messie, non merci !
Alain Piot, sociologue
(*) Edouard Waintrop, « Les anarchistes espagnols 1868-1984″, Denoël, 2012, p. 467 à 477
(1) Femmes Libres
(2) Ciné Télé Obs du 28 juillet au 3 août 2012.