Sport «La question des femmes vient en dernier dans la logique du Comité olympique»
A l’occasion de l’ouverture des JO de Londres, EGALITE a rencontré Sabine Salmon, présidente de de l’association Femmes solidaires. Elle revient notamment sur la décision de l’Ifab, qui a autorisé le port du voile islamique par les athlètes et sur la visibilité des femmes dans le sport.
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Comment expliquer que l’Ifab ait autorisé le port du voile malgré le principe de neutralité olympique ?
Nous avons soutenu la campagne de la Ligue internationale des droits des femmes, qui militait en faveur de la participation de tous les pays aux Jeux olympiques. Pour la première fois peut-être, chaque pays présentera au moins une femme.
Mais on le voit, la question des femmes vient toujours en dernier. Et dans sa logique, le CIO ne voit pas pourquoi exclure un pays uniquement parce qu’il ne présente pas de femmes.
La question qui doit être posée est celle de l’équité. En sport, on parle de performances, et l’équité n’est pas totale si on porte un voile : cela peut gêner.
Quand j’entends les positions de Chantal Jouanno, ancienne karatéka professionnelle, pour qui l’important est que les femmes participent aux compétitions, je lui demande comment pratiquer le karaté avec un voile. C’est tout simplement dangereux. Mais personne ne se pose la question de la dangerosité !
Quoiqu’il en soit, porter un signe religieux est contraire à la charte des Jeux olympiques qui interdit toute expression politique, religieuse, ou raciale.
Certain-e-s pensent que l’essentiel n’est pas la question du voile mais celle de voir des femmes participer pour la première fois aux JO. Quelle est la position de Femmes solidaires sur cette question ?
Aujourd’hui, les pays qui soutiennent la présence de femmes qui portent le hijab expliquent qu’il s’agit non pas d’un symbole religieux mais culturel ! Quand les islamistes sont arrivés au pouvoir dans les pays arabes, ils ont couvert les femmes alors que ça n’était pas dans leur culture. Le voile est un signe politique et de soumission.
Il faut respecter et soutenir le choix de des filles qui ne veulent pas porter le voile. Les témoignages et discussions dans nos antennes locales ont montré que beaucoup de jeunes femmes comptent sur nous, elles ont peur qu’on les oblige à le porter. On a décidé d’être aux côtés des femmes qui résistent, pour leurs droits et leur émancipation.
Ce que l’on veut c’est l’universalité des droits des femmes. Quel que soit le pays, les droits qui doivent s’appliquer sont les droits civiques et les lois universelles pour tous. Il est pourtant de plus en plus difficile d’être écouté sur cette question sans être systématiquement taxé de raciste. Le féminisme universel, c’est avant tout l’universalité des droits des femmes. Tout ce qui ne rentre pas dans cette ligne est un combat pour nous !
On sait aujourd’hui que les pays arabes comme le Qatar investissent beaucoup d’argent dans le sport notamment dans les droits de retransmission des tournois. L’argent prend-t-il le pas sur l’esprit du sport et la neutralité des olympiades ?
La question de l’argent est cruciale : prostitution, financement du sport – jeux de hasard, pari sportif, etc.–. Aujourd’hui, reste à savoir qui finance les Jeux olympiques ou le foot par exemple. Pour financer le sport, on va encore négocier sur le dos des femmes.
La question se pose de savoir dans quel monde nous voulons vivre. Est-ce que l’on peut négocier des êtres humains ? Notre lutte concerne en effet aussi la marchandisation des corps. Or, c’est en quelque sorte ce qui se passe aujourd’hui avec le transfert des joueurs de foot que l’on négocie à des prix mirobolants.
L’enjeu de demain c’est de militer pour le droit des femmes à disposer de leur corps, exprimé de multiples façons, et le sport en fait partie. Alors que des pays comme le Qatar négocient sur les droits des femmes, il faut maintenir notre position.
Le sport peut-il être un enjeu pour les féministes ?
Le sport est un enjeu féministe car il répond aux trois critères pour lesquels on se bat : pour que les femmes soient visibles dans l’espace public, notamment dans le sport ; contre les discriminations et les stéréotypes qui existent toujours dans le sport – quand on a commencé à parler des femmes et du sport, on entrait dans un espace masculin – ; et enfin pour le droit fondamental à disposer de son corps – il faut maintenir ce droit en France mais aussi dans le monde.
Depuis juin 2011, Femmes solidaires travaille sur le sport et les femmes. Des discussions et des débats sont organisés dans les quartiers, où se réunissent des jeunes, des femmes et des hommes, des élu-e-s locaux-les, ainsi que des associations sportives. Le but est de faire passer des messages féministes dans le sport, un milieu où les discours machistes et sexistes sont encore trop présents.
Un autre objectif est d’arriver à un égal traitement entre les sportifs et les sportives. Il faut savoir que certaines footballeuses de l’équipe de France sont salariées et doivent poser des congés pour participer au JO.
Hormis quelques associations comme Femix’Sport, les féministes ne se sont pas intéressées à cette question. Quand on a travaillé sur le sexisme et l’éducation, on s’est posé la question de savoir comment en débattre sans passer par les thèmes habituels comme la publicité. Le sport s’est alors imposé comme une évidence.
Le travail sur la visibilité des femmes dans les médias commence par la modification du décret sur les retransmissions des événements sportifs majeurs : sur 21 retransmissions, 7 seulement concernent des événements féminins. Il est nécessaire de modifier ces décrets afin qu’ils soient paritaires notamment dans le football et le rugby. Lors du tournoi des Six Nations, aucune image du tournoi féminin n’a été retransmise alors qu’il avait lieu en même temps que celui des hommes ! Sur le tournoi de Roland Garros, si l’on voit à la télévision la demi-finale et la finale dames, c’est avant tout parce que c’est écrit dans le décret !
Propos recueillis par M C – EGALITE
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