Environnement : les enjeux des inégalités de genre Rio + 20 : les femmes défendent leur pleine participation au développement durable
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Logo du Rio+20.
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La Conférence internationale des Nations unies sur le développement durable, dite Rio+20, se tient du 20 au 22 juin à Rio, au Brésil. De laborieuses négociations internationales entamées depuis des mois ont abouti mardi soir, à l’arrachée, à un accord sur une déclaration intitulée « Le futur que nous voulons ».
La centaine de chefs d’Etats présents ne devraient pas modifier beaucoup ce document, jugé minimaliste par la plupart des observateurs. A l’ordre du jour de leurs discussions : définition d’une économie verte, d’une nouvelle gouvernance du développement durable, d’objectifs de développement durable (ODD) venant compléter les objectifs du millénaire pour le développement, la participation de la société civile…
Parmi les « groupes de la société civile » consultés sur le projet de déclaration politique, figurent en bonne place les organisations de femmes.
L’Agenda 21 (ou Programme pour le XXIe siècle), adopté en 1992 au Sommet de la Terre de Rio, sur l’environnement et le développement, affirmait en effet parmi les principes fondateurs du développement durable : « Les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l’environnement et le développement. Leur pleine participation est donc essentielle à la réalisation d’un développement durable. » Le chapitre 24 de l’Agenda 21 détaille les objectifs de participation des femmes à tous les processus de décision et la mise en œuvre transversale de l’égalité femmes-hommes dans toutes les politiques publiques.
Une mobilisation sans précédent de militantes et d’organisations de femmes et féministes de toutes les régions du monde avait favorisé ces avancées en 1992. Les femmes ont été pionnières sur les enjeux environnementaux, notamment avec la publication de « l’Agenda 21 des femmes pour une planète en paix et en bonne santé ».
Vingt ans après, les organisations de femmes et féministes participant au processus Rio+20 ont surtout l’impression de s’épuiser à sauvegarder leurs acquis précédents.
Le libéralisme économique avec la marchandisation des ressources naturelles, des terres, de la biodiversité, mais aussi des services publics essentiels, tout comme certaines régressions culturelles ou religieuses ont crée de nouvelles inégalités, précarisé les conditions de vie et aggravé la surcharge de travail de nombreuses femmes. Alors même que continuent de reposer sur elles la responsabilité du « care », de la production alimentaire, de la gestion de biens communs et dans les pays du Sud de l’approvisionnement en eau, en bois dans un environnement dégradé par le changement climatique global…
Déjà un recul pour les femmes à Rio : les articles de la déclaration politique portant sur « l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes » (Gender Equality and Women Empowerment) ne mentionnent plus le terme « droit » à la santé sexuelle et de la procréation pour ne plus parler que de « santé sexuelle et de la procréation ». En revanche, le lobbying intense mené par le Vatican, Etat observateur, allié selon les thèmes de discussion avec certains pays du Sud et du Golfe, n’a pas réussi à faire retirer l’engagement à « assurer un accès universel à des méthodes de planning familial modernes, sûres, efficaces, abordables et acceptables ». (Voir la traduction de ces articles)
Conscientes de l’urgence écologique et sociale, plus de 500 femmes se sont accréditées pour participer aux débats parallèles à la conférence officielle et se concerter avec leurs représentantes officielles, qui font du plaidoyer auprès des négociateurs officiels. Beaucoup d’organisations et de mouvements de femmes populaires (« grassroot women ») et autochtones participent également au Sommet des peuples « Pour la justice sociale et environnementale, contre la marchandisation de la vie et de la nature et pour la défense des biens communs ».
Là, à 30 km et deux heures de bus de la conférence officielle, se déroulent d’innombrables ateliers, débats, et animations. 150 000 personnes y participent. Les organisations de femmes brésiliennes y occupent un « Territoire global des femmes ». Lundi, dans le centre financier de Rio, une marche des femmes avait rassemblé des milliers de membres de mouvements sociaux et paysans contre l’économie verte et la marchandisation de la nature.
Parmi les thèmes portés par les femmes à Rio + 20 : prise en compte du genre dans la « justice climatique », santé environnementale, résistance au nucléaire civil et militaire, application du principe de pollueur-payeur pour les entreprises et notamment les industries extractives, promotion de l’agro-écologie et des savoirs locaux, santé sexuelle et de la procréation, adoptions d’indicateurs et budgets sensibles au genre pour toutes les politiques…
A Rio, comme souvent pour les enjeux internationaux et encore plus ceux ayant trait aux liens entre genre, développement et écologie, la mobilisation des féministes françaises est faible – d’autant plus que, malgré leur credo sur la parité et la participation des femmes, les pouvoirs publics ne leur ont apporté aucun appui financier. Cependant, un groupe d’associations « Genre et développement soutenable » s’est constitué en France pour diffuser des analyses et des propositions, en lien avec leurs partenaires internationaux.
Dans un contexte de crise économique et de clivages géostratégiques, la conférence Rio + 20 a peu de chance d’aboutir à des engagements opérationnels. Les associations de femmes et féministes n’en continueront pas moins leur travail d’alerte, d’éducation et de propositions.
Yveline Nicolas, coordinatrice de l’association Adéquations
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