Monde IVG en Bulgarie : quand le discours moral remplace l’inaction de l’Etat
L’avortement en Bulgarie est légal jusqu’à la 12e semaine de gestation.
Sa légalisation fut votée en Bulgarie en 1956 dans le nouveau Code pénal de l’Etat socialiste, à la condition qu’il soit effectué dans un hôpital, qu’il soit enregistré, et que les femmes mariées qui le demandent aient déjà eu un enfant.
Dans les années 1970, dans le cadre d’une politique nataliste plus agressive, l’IVG ne devint accessible pour les femmes mariées qu’après deux enfants ou si elles avaient dépassé l’âge de 35 ans. Pour les filles de moins de 18 ans, l’accord des parents était demandé.
Depuis 1990, l’IVG est accessible à toutes sans restrictions, outre celle du délai de 12 semaines. La législation actuelle est assez libérale et comme les femmes d’aujourd’hui n’ont pas eu vraiment à lutter pour le droit de choisir le moment d’avoir des enfants et leur nombre, elles le considèrent comme définitivement acquis.
Pourtant la situation démographique alarmante provoque un débat au cœur duquel les droits des femmes à disposer de leur corps ne sont même pas mentionnés.
Face à une situation démographique assez sombre – une étude (*) des Nations unies de 2010 révèle que si la tendance actuelle se confirme il n’y aurait plus de Bulgares à la fin du XXIe siècle – de nombreuses opinions sur la nécessité de limiter l’avortement se développent. Les blogs et sites sont truffés de commentaires considérant l’avortement comme un meurtre et présentant l’embryon comme une personnalité dès le jour de la conception. Et l’Etat ne parle que de décroissance démographique et du comportement irresponsable des adolescent-e-s. Alors qu’il manque une réelle politique d’éducation à la sexualité et que le travail des ONG n’est pas suffisant.
L’avortement en Bulgarie n’a jamais été « gratuit » ou remboursé par l’assurance maladie. Même pour les mineures. Malgré cela, il a toujours été le moyen le plus répandu de planification familiale.
L’IVG n’est pas une cause de déclin démographique
La Bulgarie est un petit pays – moins de 8 millions d’habitants – et la population est en décroissance continue depuis plus de vingt ans. Au début des années 1990, le nombre d’avortements dépassait celui des naissances. La raison principale en était l’incertitude face à une crise économique profonde. La décroissance de la population était due aussi à l’émigration massive de jeunes. Ces dernières années, la tendance a légèrement changé : en 2003, on dénombrait 67 359 naissances contre 48 035 avortements, en 2007, 75 350 naissances contre 37 594 avortements, soit un tiers des grossesses qui aboutissaient à un avortement.
Selon un rapport du département démographique de l’ONU, la Bulgarie fait partie des pays ayant le taux d’avortements le plus élevé et le plus jeune âge de maternité. Elle détient la troisième place en Europe de l’Est, après la Russie et l’Ukraine. Par ailleurs, les Bulgares font partie des femmes qui utilisent le moins de moyens contraceptifs.
Les données de l’étude « La Bulgare et la contraception » de 2008 de l’Association bulgare des gynécologues et obstétriciens, révèlent un taux de grossesses des filles de moins de 18 ans de 38 pour 1 000 et montrent que plus de 60% des grossesses n’ont pas été planifiées.
Seules 4% des Bulgares planifient vraiment leur grossesse, soit 10 fois moins que la moyenne en Europe. Plus de 46% des femmes bulgares n’utilisent aucun moyen de contraception. L’avortement est toujours utilisé comme méthode de planification familiale principale.
Le niveau de connaissance des Bulgares en matière de contraception est 10 fois plus bas que celui des autres Européennes. Nombre d’entre elles croient encore que la pilule provoque obésité et forte pilosité. La culture de la planification familiale manque totalement.
Pour combattre les résistances, il faudrait aussi une participation active des médias. Le conservatisme des Bulgares et les lacunes dans leur éducation constituent un terreau idéal pour les ennemis du libre choix.. Et qui sait si la Bulgarie ne se réveillera pas un beau jour avec des droits limités ou même inexistants en matière d’avortement, comme en Pologne ?
Jivka Marinova, collaboratrice Bulgarie – EGALITE
(*) World demographic trends, UN Population division,World population prospects, 2010 revision.