Société Quelles solutions pour les femmes du centre d’hébergement d’urgence du Samu social ?
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Capture d’image de la vidéo de la campagne Cauchemar de femmes du Samu social de Paris.
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Le centre d’hébergement pour femmes du Samu social occupe les locaux de l’ancien hôpital Jean-Rostand à Ivry-sur-Seine (94). L’immeuble, un peu délabré, a l’air abandonné.
Mais, après l’ascenseur, au troisième étage du bâtiment, la vie est là. Il est 9h30, les femmes hébergées prennent leur petit-déjeuner, discutent en groupe, plaisantent, passent, serviette sur l’épaule, pour aller prendre une douche…
Beaucoup de rires, une curiosité bienveillante, de la camaraderie et beaucoup d’entraide. Comme en témoigne le dialogue entendu à l’accueil. Une femme demande pour une autre une carte de cantine pour un centre extérieur. La femme de l’accueil : « Vous l’avez comprise, vous parlez polonais ? ». L’autre : « Lorsqu’il s’agit de trouver à manger, on se comprend ! »
Le centre comporte 52 places d’hébergement d’urgence, et « fait le plein depuis trois mois », dit Catherine Cellier, directrice du pôle hébergement et logement du Samu social de Paris.
C’est le seul centre d’hébergement pour femmes de la région parisienne du Samu. Et il doit fermer le 31 août prochain.
Ouvert en décembre 2011 – suite à la fermeture du centre d’hébergement d’urgence Yves-Garel à Paris dédié aux femmes (*) –, il devait fermer le 31 mars 2012 comme tous les centres d’hébergement d’urgence à la fin de la période hivernale. Une fermeture définitive pour ce centre qui a été repoussée au 31 mai, puis au 31 août. Une respiration pour Catherine Cellier, même si « il sera plus difficile de trouver des places de sorties en été, alors que tout fonctionne au ralenti ».
« Exercer le boulot qu’on sait faire, toute l’année »
Son souhait ? Trouver des locaux corrects, pour un hébergement correct et pérenne : « Il est difficile de monter une nouvelle équipe tous les hivers. De plus, l’immeuble est vendu, on ne sait pas où installer un nouveau centre pour femmes l’hiver prochain. On voudrait pouvoir exercer le boulot que l’on sait faire, et cela toute l’année. »
Le but est de trouver à ces femmes des places de sortie, rares, et des solutions à des situations difficiles : des projets d’insertion pour les plus jeunes, des demandes de papier, des demandes d’asile… Le centre propose les services de deux assistantes sociales, d’un médecin généraliste, d’une gynécologue, et d’une infirmière psychiatrique. Les femmes sont hébergées pour 14 nuits, prolongées de mois en mois. Quelques places sont réservées pour répondre aux besoins urgents du 115, le numéro d’appel gratuit du Samu social, et des équipes de maraude.
D’après les chiffres du Samu social, en 2011, 4 086 femmes sans abri isolées ont appelé au moins une fois le 115 de Paris. Les équipes du Samu social de Paris ont rencontré 601 femmes au moins une fois dans la rue.
Dans la rue, les femmes sont plus exposées que les hommes
Au centre d’Ivry-sur-Seine, elles ont de 18 à 75 ans, sont de toutes nationalités et se sont retrouvées à la rue ou en errance, pour des motifs de rupture familiale, rupture de droits, de situation irrégulière, de travail précaire ou mal rémunéré, ou de problèmes psychiatriques.
« On a moins affaire à des femmes « clochardiséees » qu’à une certaine époque. Les femmes qui viennent donnent le change physiquement. Mais en grattant un peu, on découvre des états terribles », explique Catherine Cellier.
Même si être à la rue est une violence aussi bien pour les hommes que pour les femmes, les femmes subissent des violences spécifiques, sont souvent « utilisées », comme le dit pudiquement Catherine Cellier, et même en groupe elles sont moins protégées. « Surtout les jeunes femmes, qui sont plus fragiles. » Des jeunes femmes d’ailleurs de plus en plus nombreuses à être accueillies au centre. Elles viennent de vivre une rupture familiale et ne connaissent rien à la rue.
Pour cette raison, le Samu social a lancé la pétition en ligne Cauchemar de femmes au début du mois de mars dernier. Un clip choc montrant une jeune femme agressée par deux hommes dans la rue et qui frappe désespérément à la porte close d’un centre d’hébergement. Juste avant la fin de la vidéo, un compte à rebours se met en route, invitant à partager le clip sur les réseaux sociaux.
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Il est bientôt 11h, heure à laquelle les femmes doivent quitter le centre.
Un déchirement pour certaines. Comme Régine, Angolaise de 42 ans, qui est hébergée depuis le mois de janvier dernier. Avant, elle dormait dans les bus de nuit. Elle est en grande souffrance. Les larmes remplacent son sourire radieux quand elle explique qu’elle n’arrive pas à obtenir de papiers, ne peut pas travailler et qu’elle est rejetée par sa famille. Elle travaille quelques heures non déclarées, elle accompagne des enfants à l’école.
Elles reviendront toutes ce soir à 19h pour prendre un repas, se rencontrer et dormir. « C’est comme un hôtel cinq étoiles », dit, presque sans rire, Assiba, Algérienne de 48 ans, au centre d’Ivry-sur-Seine depuis deux mois. Elle ne voit plus que les silhouettes et doit se faire opérer des yeux le 7 juin à l’hôpital des Quinze-Vingt, pour une cataracte et un glaucome. Ne voulant pas vivre dans sa famille, elle a déjà connu le Samu social en 2001 : « Dix ans après, ils se souvenaient de ma voix ! »
Lorsqu’elle aura retrouvé ses yeux, elle pourra « retravailler et commencer une nouvelle vie ».
Mais le 31 août semble une date bien trop proche pour trouver une solution à sa situation ainsi qu’à celle de Régine et de la majorité de ces femmes hébergées qui retrouveront alors la rue.
Catherine Capdeville – EGALITE
(*) Les restrictions budgétaires en matière d’hébergement d’urgence et les orientations du précédent gouvernement prévues pour le Samu social avaient provoqué la démission de son fondateur, Xavier Emmanuelli, en juillet 2011.
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