Société « Sexisme et homophobie ont pour même cause le système patriarcal »
Le Centre gay, lesbien, bi et trans (CGLBT) de Rennes a emménagé l’an dernier dans de nouveaux locaux décorés aux couleurs du drapeau arc-en-ciel. Des locaux plus vastes rendus nécessaires par une fréquentation accrue de ses permanences du mercredi soir, qui reçoivent à chaque fois deux à trois nouvelles personnes, le plus souvent des jeunes de 18 à 30 ans.
Rencontre avec Erwann Le Hô, le président du CGLBT.
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Le 17 mai a lieu la Journée du lutte contre l’homophobie et la transphobie. A quoi sert cette journée ?
Cette journée sert à rappeler que l’homophobie existe encore aujourd’hui. L’Etat français lui-même pratique l’homophobie et la transphobie puisqu’il refuse de donner à tous et toutes les mêmes droits et qu’il discrimine certains individus en fonction de leur orientation sexuelle en ne leur autorisant ni le mariage, ni la pleine reconnaissance d’une famille.
C’est pour nous l’occasion d’interpeller les gens dans la rue. La Marche des fiertés lesbiennes, gays, bi et trans, qui aura lieu à Rennes cette année le 9 juin (1), est aussi une date importante pour faire avancer les mentalités. C’est un rassemblement festif mais surtout militant, qui permet de faire passer notre message pour l’égalité des droits.
Nous sommes sur la place publique pour dire que nous existons, que n’avons pas honte de ce que nous sommes, et que nous voulons les mêmes droits que tout le monde.
Cette année, l’association Osez le féminisme suggère de mettre l’accent sur la lesbophobie pour cette journée du 17 mai. La discrimination se vit-elle autrement quand on est une femme homosexuelle ?
La lesbophobie, c’est à la fois du sexisme – on est discriminé en tant que femme – et de l’homophobie – on est discriminé en tant que lesbienne. En général, les lesbiennes sont moins visibles que les homosexuels masculins.
Entre nous, nous disons en riant que les lesbiennes n’existent pas ! Que se sont juste des colocataires, des amies qui se prennent par la main, des femmes qui ont des gestes de tendresse. Comme beaucoup de femmes, finalement !
Il est important de mettre l’accent sur la lesbophobie parce que c’est une double problématique ! Le sexisme et l’homophobie sont générés par un même système, qui nous est imposé, un système patriarcal avec une certaine définition de la place de l’homme, une certaine définition de la place de la femme et une certaine définition du rôle des différents genres.
Les discriminations que nous subissons en tant qu’homosexuel-le-s, en tant que transsexuel-le-s, ou en tant que femmes se ressemblent et nos combats vont dans le même sens.
Quels sont les principaux lieux de discriminations aujourd’hui ?
60 à 70% des homosexuel-le-s n’évoquent rien de leur vie privée sur leur lieu de travail. Un endroit où l’on parle pourtant de sa vie privée : autour de la machine à café, quand on remplit des papiers au service des ressources humaines, etc. On a toujours à évoquer d’une façon ou d’une autre sa vie privée.
Si certaines personnes ne le font pas, cela veut dire qu’elles ont à craindre ou qu’elles pensent qu’elles ont à craindre, qu’elles ne sont pas pleinement à leur aise dans leur milieu professionnel.
L’enjeu pour les dirigeant-e-s d’entreprises, est important : en reconnaissant pleinement toutes les formes de couples de tous leurs employé-e-s, ils s’assurent d’une meilleure efficacité dans le travail. Tout le monde y gagne finalement, car on ne peut être performant dans son travail que si on est pleinement reconnus pour ce que l’on est.
Or, pour les homosexuels comme pour les femmes le plafond de verre existe. Au bout d’un certain temps de carrière, vous n’allez pas monter plus haut dans la hiérarchie. Pourquoi est-ce qu’une femme à un moment connaît le plafond de verre ? Parce qu’elle a des enfants à élever, parce qu’on estime que pour assurer des responsabilités, il faut être un mec qui en a dans le pantalon ! Pour les homos c’est un peu la même chose : pour assurer un certain niveau de responsabilité il faut être un mec qui n’a aucune faille. Et si vous déclarez que vous êtes marié et père de famille, c’est sûr, vous n’avez aucune faille !
Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?
Nous avons fait le choix pour le deuxième tour de la présidentielle d’appeler à voter pour François Hollande, parce qu’il se souciait de nos revendications. Notre but est de faire progresser les droits des LGBT, donc ça nous a semblé assez naturel.
Maintenant, nous ne lâchons rien. Nous restons vigilants et nous saurons rappeler que des engagements ont été pris devant le peuple français et qu’il faut les tenir. Nous avons établi une plate-forme de revendications à l’occasion de la prochaine Marche des fiertés mais nous n’avons pas vraiment de priorités.
Beaucoup de gens ont en tête bien sûr l’adoption et le mariage. Les autoriser serait une mesure symbolique, qui débloquerait les mentalités, mais toutes les revendications concernant l’homophobie au travail, la santé, le taux de suicide énorme chez les jeunes homos sont à prendre en compte de la même manière.
Que pensez-vous des événements non mixtes, comme celui de la Ladyfest (2) qui se prépare bientôt à Rennes ?
Les événements non mixtes sont l’héritage d’une histoire du féminisme et d’une histoire du mouvement lesbien. Il faut que ça existe. Mais ce n’est pas la philosophie que je souhaite partager au sein du CGLBT.
La mixité ça ressemble à ce qu’est la société et on s’insère plus facilement quand on a autour de soi des gens complètement différents, par leur sexe, leur genre et ce qu’ils font de leur vie. C’est plutôt une richesse. Nous ne participons pas à ces événements, mais les structures organisatrices sont des structures partenaires et amies.
Notre objectif n’est pas de rester entre nous. Le centre n’est pas pas un cocon, un abri. Au contraire, c’est une sorte de trampoline qui renvoie les gens vers d’autres structures adaptées à leurs besoins.
Propos recueillis par Geneviève Roy – EGALITE
(1) A Rennes, le 19 mai sur la place de la Mairie, stand et démonstration de street-art et le 9 juin, esplanade Charles-de-Gaulle à 14h, départ de la Marche des fiertés. En savoir plus
(2) Du 31 mai au 2 juin Ladyfest à Rennes.
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