Non classé Motardes et féministes
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Défilé 2011 de Toutes en moto. © DR
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Article paru dans le numéro 130 de Clara Magazine.
L’une est sérieusement DRH, l’autre est artistiquement encadreuse. Anne et Annie sont les créatrices de l’association Toutes en moto. Elles sont toutes deux passionnément motardes et féministes. Elles nous parlent d’une seule voix, entre deux vrombissements.
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Qu’est-ce que les adhérentes attendent de votre association ?
Nous n’avions aucune prétention, tout au plus réunir des femmes qui, évoluant dans un milieu masculin, avaient su s’imposer et faisaient preuve d’une belle force de caractère.
Les femmes ne représentent que 20 % des conducteurs de moto. Le défilé que nous organisons leur permet d’être visibles et de s’afficher. Aujourd’hui, nous fédérons des centaines de motardes à travers la France, créant un véritable mouvement de solidarité et répondant à l’envie de se rencontrer, de partager de bons moments entre passionnées de moto et de dire notre fierté d’être femmes.
On doit entendre quelques remarques sexistes sur le passage de vos défilés…
Lors des défilés, nous n’entendons rien : la bande son, c’est moteurs, rires et musique. En revanche, pendant l’année, cela peut être le pire, comme le meilleur. Au départ d’une balade : « les femmes et les débutants, devant ! », ou le traditionnel « à quand la journée de l’homme ? ». « Si on est déguisé en fille, on peut rouler avec vous ? ». Mais on reçoit aussi quelques cadeaux : « Ouahh, bravo les filles ! » ou encore le très sympathique « Une femme à moto, c’est winner ! », entendu en Floride sur la route de Key West…
La pratique de la moto est-elle vraiment accessible à toutes ?
Une forte motivation et une volonté inébranlable viennent à bout de tous les obstacles. Il y a des idées reçues sur le poids des machines mais il est tout à fait possible de trouver celle qui convient à chaque gabarit. Une moto est faite pour rouler, pas pour tomber ! Je conduis une machine de 320 kg et je ne suis pas championne de musculation.
Les obstacles ne sont donc ni mécaniques, ni physiologiques. Ils peuvent être financiers ou sociaux. Parfois des hommes persuadent leur épouse que la moto n’est pas faite pour elle : trop lourde, trop chère, trop dangereuse. La pratique de la moto a cela de particulier qu’elle nous pousse à trouver nos limites, physiques et morales, et à les dépasser. D’où une grande fierté à l’obtention du permis…
Pour vous, rouler à moto, c’est d’abord un loisir, un moyen de transport ou une affirmation de soi ?
C’est un bonheur total, une source d’équilibre, une liberté rarement ressentie, une grande fierté également car, sur une moto, nous n’avons effectivement « besoin de personne » !
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- Femmes solidaires partenaires de Toutes en moto
- Cette année, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’association Femmes solidaires est partenaire des défilés de Toutes en motos, organisés dans six villes de France, le 11 mars 2012, à Paris, Lille, Marseille, Nantes, Bordeaux et Lyon.
Dans ces grandes villes, des femmes, des militantes des deux associations, défileront ensemble sur des motos conduites par les unes et sur lesquelles les autres auront pris place.
Cette journée marquera réellement le croisement de deux actions militantes féministes. Dans cette société, où chacun-e doit trouver sa place, celle réservées aux femmes est bien souvent difficile à conquérir. « Les motardes de Toutes en moto sont d’abord des femmes éprises de liberté et elles ont à cœur de se dépasser. Elles souhaitent s’offrir plus de visibilité et ont valeur d’identification pour les jeunes générations. Ce sont des pionnières. Pour toutes ces raisons nous avons un bout de chemin à faire ensemble ! » explique Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires, qui défilera à Paris.
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Quels sont vos projets au-delà des nombreux rassemblements du 11 mars 2012 ?
Nous travaillons une année entière pour une seule journée. Nous sommes passées de un rassemblement en 2010 à six en 2012. Nous comptons développer Toutes en moto dans de nouvelles grandes villes.
Pour 2013, des contacts sont déjà pris. Idéalement, nous aimerions que ce concept soit repris et développé en Europe, puisqu’aucun rassemblement de cette sorte n’existe encore. Il semble qu’il y ait une véritable attente de la part des motardes, un réel besoin d’affirmation.
Choisir la moto est un acte individuel, adhérer à Toutes en moto est soutenir collectivement des valeurs et des revendications. Qu’est-ce qui fait passer une motarde de l’un à l’autre ?
Choisir de passer son permis et de rouler à moto, c’est avant tout décider de rejoindre une communauté : un salut quand deux motard-e-s se croisent, une conversation sur une aire de repos. Que l’on soit homme ou femme, nous partageons cette solidarité. Que des motardes se regroupent était une évidence. Qu’elles se rassemblent pour défendre l’égalité femmes/hommes coulait de source.
Propos recueillis par Claudine Thomas – Clara Magazine