Santé Dans quelles conditions va-t-on accoucher et avorter en Ile-de-France ?
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La semaine dernière, devant le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, rue de Grenelle,
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La maternité et le centre d’IVG de l’hôpital Saint-Antoine (12e) ont fermé leurs portes le 9 février dernier. La maternité et le CIVG des Lilas (93) et le CIVG de Tenon (20e) ont obtenu gain de cause, la maternité des Bluets est exsangue, celle de la Pitié-Salpetrière (13e) est au maximum de ses capacités, d’autres insalubres… Dans quelles conditions vont bien pouvoir accoucher et avorter les Franciliennes ? La situation est particulièrement préoccupante dans l’Est parisien. Collectifs et syndicats s’inquiètent.
En France, et l’Ile-de-France ne fait pas exception, le nombre de maternité est en forte diminution au profit de grands pôles d’accouchements.
Des « usines à bébés » pour le collectif de soutien à la maternité des Bluets (12e).
Des subventions accordées puis remises en cause
Les Bluets, hôpital privé à but non lucratif, réputé pour ses méthodes d’accouchements et d’accompagnement, a un déficit cumulé de 6 millions d’euros en 2011. La tarification à l’activité de la loi Hôpital patient santé et territoires (HPST) favorise, en effet, les actes médicaux compliqués et peu les accouchements physiologiques. Or, et le personnel de la maternité s’en félicite, le taux de césariennes a baissé en 2011 aux Bluets, ce qui a augmenté le déficit.
De plus, les subventions des activités spécifiques, comme la préparation à l’accouchement, l’accompagnement à l’allaitement ou le soutien aux femmes précaires, acceptées au départ par l’agence régionale de santé (ARS Ile-de-France) ont été remises en cause.
« Le collectif « Touche pas aux Bluets » demande une reprise totale ou partielle de son déficit, la reconnaissance du travail d’accompagnement, le revalorisation des actes physiologiques et celle de l’acte d’IVG », explique Martine Chosson, ex-coordinatrice du centre de planification et du CIVG des Bluets et membre du collectif.
L’ARS demande à l’établissement hospitalier une augmentation du nombre d’accouchements ( jusqu’à 3 500) et d’IVG.
Par ailleurs, la maternité des Bluets s’est accolée à l’hôpital Trousseau (12e) pour bénéficier de places prioritaires dans son service de néonatalogie, grâce à une simple passerelle entre les deux structures hospitalières. Or, la maternité de l’hôpital Rothschild (12e) a également été intégrée à Trousseau et une partie de l’activité de la maternité de Saint-Antoine y est transférée depuis sa fermeture le 9 février dernier.
Des femmes ne peuvent être accueillies le jour de leur accouchement
Cette structure que le conseil d’administration de l’AP-HP a décidé de fermer, représentait 2500 naissances, 600 IVG, 12 lits de néonatalogie et un centre de PMI. Une activité partagée aujourd’hui entre l’hôpital Trousseau et l’hôpital Tenon. « C’est la première maternité aussi importante qui ferme. Elle venait d’être rénovée, alors qu’a Tenon, les locaux sont insalubres », explique Virginie Gossez, sage-femme et syndicaliste Sud à la maternité des Bluets, membre de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité.
Dans un communiqué du 6 février, les syndicats CGT des hôpitaux de Saint-Antoine, Tenon, Trousseau et Rothschild émettaient de vives inquiétudes : « La maternité de l’hôpital Saint-Antoine jusqu’à fin 2011 faisait 2500 accouchements par an. L’AP/HP ne dément pas que la totalité de l’activité ne pourra pas être reprise par les maternités de Trousseau et de Tenon. Grosses interrogations aussi pour le devenir du planning familial, la PMI… […] Dans le même temps, la consultation de la maternité de l’hôpital Trousseau n’est pas en mesure d’accueillir l’ensemble des femmes enceintes. »
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Pire : selon Virginie Gossez, « dix femmes par mois arrivant à Trousseau le jour de leur accouchement ne peuvent être accueillies et sont transférées ailleurs. Et cela avant même l’arrivée de l’activité de Saint-Antoine ! »
Ajoutons aux conditions d’accueil et de prises en charge les sorties deux jours après l’accouchement, qui devraient être mises en place prochainement par le dispositif Prado (testé dans trois départements), mais qui se pratiquent déjà dans certains hôpitaux parisiens, comme à la maternité de Robert Debré (19e) et à Necker (15e).
La section Necker du syndicat Sud AP-HP relate que 30 % des femmes ayant accouché dans cet l’hôpital, où les sorties se font à J+2, repassent par les urgences.
Il y a les abcès aux seins, une hémorragie, une épisiotomie qui s’infecte… « Ce n’est pas grave, ironise Béatrice Viéval, de la section Saint-Louis (10e) du syndicat Sud. Les femmes vont revenir à l’hôpital en passant par les urgences, et là c’est le jackpot ! »
De plus, un ictère du nourrisson se déclare trois jours après la naissance. Si la maladie n’est pas identifiée et si l’enfant ne reçoit pas de soins rapidement, il risque un lourd handicap.
71 Franciliennes contraintes d’aller avorter aux Pays-Bas l’été dernier
Si les fermetures de maternité ont de quoi inquiéter, les menaces qui pèsent sur les centres d’IVG et le droit à avorter sont à prendre au sérieux. Le sujet a soulevé de nombreuses questions et actions de la part d’associations comme le Mouvement français pour le planning familial, l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (Ancic), la Coordination des associations pour le droit à la contraception et à l’avortement (Cadac)…
En janvier 2011, déjà, les trois associations ont déposé un recours gracieux – resté sans réponse – auprès du Premier ministre pour que soient respectées les lois et réglementations en matière d’IVG.
Le 18 octobre 2011, ce sont deux mutuelles, la LMDE et la MGEN, qui interpellent les pouvoirs publics sur le recul de l’accès à la contraception et à l’avortement.
En septembre 2011, la Cadac signalait que 71 Franciliennes, aidées par le Planning familial de Paris, ont été contraintes, l’été dernier, d’aller avorter aux Pays-Bas et qu’il y avait « urgence à suspendre les directives des agences régionales de santé (ARS) qui conduiront à une catastrophe sanitaire et sociale ».
L’IVG, un acte peu rentable pour les hôpitaux
L’IVG est l’acte le moins rentable pour les hôpitaux. Pour cette raison, associations, syndicats et personnels hospitaliers demandent une revalorisation de l’acte en s’alignant sur le tarif de la fausse couche spontanée (remboursée à l’hôpital 600 euros contre un forfait d’environ 240 euros pour une IVG). Promise par Roselyne Bachelot-Narquin lorsqu’elle était ministre de la Santé, elle n’a jamais vu le jour…
Dans ce contexte, l’Ile-de-France est très mal lotie. Et le collectif de défense du centre d’IVG de l’hôpital Tenon a dû se mobiliser pendant 18 mois pour obtenir sa réouverture en avril 2011.
Ailleurs, les menaces sont lourdes. Comme au Kremlin-Bicêtre (94), où le CIVG doit être intégré dans le service maternité, et à Saint-Louis (10e), qui doit subir des restructurations. La Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité répertorie les luttes et actions contre les fermetures et le collectif Notre santé en danger (*) effectue actuellement un recensement des difficultés rencontrées par les maternités et CIVG franciliens. Mais les conclusions sont difficiles à tirer car la situation évolue tous les jours !
On rouvre ici, on ferme là, on restructure, on mutualise, on augmente, dans les maternités et CIVG, le nombre d’actes à personnel et locaux constants…
Et si la mobilisation n’est pas assez forte, on ferme. Comme à Saint-Antoine.
« Les organisations syndicales doivent comprendre qu’il faut associer les usagers, comme à Tenon et aux Lilas, explique Lyasid Malahaine, auxiliaire en puériculture à l’hôpital Robert-Debré, syndicaliste Sud et membre du collectif Notre santé en danger. Les grèves du personnel hospitalier ne sont pas suffisantes. Les praticiens portent des macarons « En grève » mais tout fonctionne comme d’habitude. »
Catherine Capdeville – EGALITE
(*) Collectif regroupant notamment :
Associations : Act-Up Paris, Act-Up Toulouse, Association nationale des centres d’IVG (Ancic), Appel des appels, ATTAC, Collectif hypertension, Coordination des associations pour le droit à l’avortement (Cadac), Convergence des collectifs de défense et de développement des services publics, Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Ensemble pour une santé solidaire, Femmes Egalité, Femmes solidaires, Handi-social, Ligue des droits de l’homme, La santé n’est pas une marchandise, Réseau éducation populaire, Résistance sociale, Union des familles laïques.
Partis politiques : Alternative libertaire, Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE), Gauche Unitaire, les Alternatifs, NPA, PCF, PCOF, PG, République et socialisme.
Syndicats : CGT, Fédération CGT Santé Action Sociale, Fédération Sud Protection Sociale, Fédération Sud Santé Sociaux, FSU, Syndicat de la médecine générale (SMG), Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST), Union confédérale des médecins salariés de France, Union syndicale de la psychiatrie (USP).
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