Santé Un nouveau rapport préconise la contraception anonyme et gratuite pour les mineur-e-s
Le 16 février, Israël Nisand (1), Brigitte Lacombe (2) et Sophie Marinopoulos (3), ont remis leur rapport « Et si on parlait de sexes à nos ados ? Pour éviter les grossesses non prévues chez les jeunes filles » (4) à Jeannette Bougrab, secrétaire d’Etat à la Jeunesse et à la Vie associative.
Pour Jeannette Bougrab, « En France, nous avons une grande diversité de contraceptifs, mais de plus en plus de gamines tombent enceintes. Ne pas en parler, c’est prendre des risques ». On en comptait 8 766 en 1990, contre 11 930 en 2009 pour les seules 15-17 ans.
Et si en 2010, sur les 18 000 mineures enceintes, 13 500 ont décidé d’avoir recours à l’IVG, elles étaient 4 500 à mener leur grossesse à terme : « Il faut aussi parler de celles que l’on n’entend pas. Derrière ces grossesses, il y a des histoires, des tragédies. Il faut donner à toutes les jeunes filles, les mêmes chances d’étudier, de travailler, de vivre autre chose que la précarité ou la vie en foyer avec un enfant », a-t-elle déclaré.
Fustigeant une « idéalisation des filles-mères », véhiculée notamment par la chanson Aurélie, de Colonel Reyel, la série Clem, portrait d’une mère de 16 ans, qui attire 9 millions de téléspectateurs sur TF1, ou encore les films Juno ou 17 filles.
Qu’elles avortent ou qu’elles décident de garder leur enfant, le nombre de grossesses non désirées est un problème qu’il faut prendre à bras le corps. Et il existe un paradoxe de taille en France : l’IVG est gratuite et anonyme, ainsi que la contraception d’urgence (pilule du lendemain) pour les mineures, alors que la contraception est payante et nécessite l’autorisation parentale.
Pour Israël Nisand, « l’Etat préfère payer l’IVG que la contraception ! »
Parmi leurs 18 propositions, les trois auteurs du rapport demandent l’application de la loi de 2001, notamment en matière d’information à la sexualité en milieu scolaire. Mais il semble que le gouvernement fasse la sourde oreille. En témoigne les divers rapports de l’Igas, et le dernier rapport du 17 mai 2011 de Bérengère Poletti, députée UMP des Ardennes, restés sans avancées.
Tous ces rapports préconisent plus de moyens pour l’éducation à la sexualité et l’accès gratuit et confidentiel à la contraception pour les mineur-e-s. Alors que le Planning familial vient de dénoncer une baisse de 500 000 euros en 2012 du financement des 220 établissements d’information, de conseil conjugal et familial (EICCF).
Si la contraception est accessible gratuitement et anonymement dans les centres de planning familial, encore faut-il en avoir un près de chez soi.
Pour Israël Nisand, la gratuité de tous les contraceptifs pour les mineur-e-s, et sous conditions de ressources pour les moins de 25 ans, est possible grâce à des partenariats avec les laboratoires pharmaceutiques et la bonne volonté du gouvernement. « Si les laboratoires acceptent de vendre leurs pilules, anneaux contraceptifs, patchs à prix coûtant – et certains sont prêts à le faire –, il faut que le gouvernement accepte de faire l’autre moitié du chemin en payant la différence directement au pharmacien. Cela reviendrait à environ 80 euros par jeunes filles pour un an contre environ 350 euros pour une IVG ».
Pour le médecin, « ce n’est pas une question de droite ou de gauche, c’est une question de courage politique ! Nous devons poser toutes ces questions aux candidat-e-s à la présidentielle ! »
Espérons que ce nouveau rapport ne reste pas lettre morte. Et que le futur gouvernement se donne les moyens de ne pas se cantonner à la lecture d’accablants constats.
Catherine Capdeville – EGALITE
(1) Responsable du pôle de gynécologie-obstétrique du CHU de Strasbourg. Il a fondé le site Info-ado qui répond aux questions des jeunes sur la sexualité.
(2) Gynécologue et praticienne hospitalière au service de médecine du couple et au centre d’orthogénie du CHU de Lille.
(3) Psychanalyste. Elle dirige le service de prévention et de promotion de la santé psychique à Nantes et son lieu d’accueil parents-enfants Les pâtes au beurre.
(4) Le rapport Et si on parlait de sexe à nos ados ? est publié aux éditions Odile Jacob, 240 pages, 21,90 Euros.