Témoignages Laetitia, 34 ans, précaire de la fonction publique territoriale
« La vie n’est pas simple. » Cette phrase revient comme un leitmotiv dans la bouche de Laetitia (1). Pour cette jeune bretonne réservée et plutôt timide, les gesticulations financières des banquiers et autres traders sont difficiles à comprendre et très loin de ses préoccupations. Chaque matin, elle attend. La sonnerie du téléphone est pour elle gage d’une journée de travail salarié. Elle est aide-cuisinière dans un service de restauration municipal. Dans la fonction publique aussi on peut connaître la précarité. Témoignage.
« J’ai 34 ans. Je suis divorcée. Je touche le RSA parce que je n’ai pas assez de salaire. Je ne fais que des remplacements en tant que vacataire. Alors, quand je ne travaille pas, je ne suis pas payée.
Avant, j’avais des contrats pendant les vacances. Mon dernier contrat a même duré dix mois. Mais maintenant, je suis revenue aux lettres d’engagement. Il y a peut-être moins de besoins.
Mais, ce n’est pas simple. J’attends tous les matins pour savoir si je vais travailler dans la journée. Souvent, le vendredi, je ne sais pas si je vais travailler le lundi suivant ; on peut m’appeler au dernier moment. Des fois, je me déplace pour rien : comme j’habite à quarante minutes de mon travail, j’y vais quelquefois sans attendre l’appel pour gagner du temps, et ils n’ont pas besoin de moi.
Comme je ne sais jamais à l’avance quand je vais travailler, je prends tous mes rendez-vous vers 16h/16h30 pour être sûre de pouvoir y aller. De toute façon, je suis toujours disponible pour mon employeur.
Je me dis qu’il faut sans doute que je cherche ailleurs mais je suis attachée à mes collègues et à mon travail aussi, alors c’est difficile.
Je n’ai pas de diplôme ; j’ai préparé un CAP de vente mais je n’ai pas été reçue à l’examen. Puis j’ai eu des grossesses à risques et fait plusieurs fausses couches. Donc, dès le début de mes grossesses, j’étais en arrêt.
J’ai deux enfants, un garçon de 12 ans et une fille de 6 ans mais ils ne vivent pas avec moi. Ma fille est chez son père et mon fils dans une famille d’accueil. Je les ai un week-end sur deux avec moi. Ils savent que je ne travaille pas tout le temps et que je fais attention à ne pas trop dépenser. Des fois, ils veulent quelque chose et je leur dis non, ça coûte trop cher, il faut attendre ! C’est comme ça. Cette situation dure depuis cinq ans et cette année j’ai pris des vacances avec eux pour la première fois parce qu’au mois d’août je n’avais personne pour garder ma fille. Mais pendant quatre semaines, je n’ai pas eu de salaire.
Il faut faire attention à toutes les dépenses. Je dois toujours me priver. Surtout que j’essaie de mettre de l’argent de côté pour mes enfants et pour la retraite parce que je n’en aurai sans doute pas. J’économise pour mes enfants, pour leurs études, et puis pour quand je ne serai plus là aussi ! Je pense loin dans l’avenir, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Je suis assez anxieuse.
J’aimerais bien être embauchée ; au moins j’aurais un avenir, je pourrais avoir une retraite, je me priverais moins.
Le travail pour moi c’est important. Quand je ne travaille pas, même une seule journée, ça ne va pas, je n’ai pas le moral. J’ai besoin de travailler. Mais parfois, quand je suis au travail, j’ai du mal à me concentrer parce que j’ai plein de choses en tête.
Quelquefois j’appelle un syndicat pour avoir des informations. Quand il y a des grèves, des manifestations, je me sens concernée mais je n’y participe pas si je dois travailler ce jour-là, sinon je perds ma journée de salaire. »
Propos recueillis par Geneviève Roy – EGALITE
(1) Le prénom a été changé.