Économie L’emploi des femmes et la crise : les syndicats ont rendu leur rapport
Cinzia Sechi, conseillère de la Confédération européenne des syndicats (CES) nous explique l’importance de cette démarche : « La parité est un thème à la mode lorsque l’économie est prospère, mais en temps de crise, il y a de moins en moins d’investissements pour l’égalité et les femmes sont, elles aussi, durement touchées. La crise a des répercussions sur l’emploi des femmes, mais moins en termes de quantité que de qualité. »
Le rapport montre que si les bassins d’emplois à dominante masculine ont été très rapidement touchés par des licenciements massifs, les emplois féminins se sont précarisés. Temps de travail, salaires, contrats, les répondants aux questionnaires de la CES dressent un constat alarmant des conditions de travail des femmes en Europe.
Précarité, augmentation de la charge de travail et du stress
Plus de la moitié des confédérations syndicales qui ont répondu au questionnaire ont constaté des réductions des salaires des femmes. En cause : les mesures d’austérité qui frappent la fonction publique, secteur occupé majoritairement par des femmes. Réduction du salaire, du 13e mois, la plupart des pays européens ont opéré des coupes budgétaires qui ont une répercussion directe sur les employé-e-s au service de l’Etat et des collectivités territoriales.
En parallèle, le rapport pointe une multiplication alarmante des contrats de travail précaires. Deux tiers des organisations syndicales interrogées imputent le phénomène à la crise. En Slovénie, par exemple, la proportion de travail temporaire des femmes est passé de 15% en 2009 à 19% en 2010 contre 12 à 16% pour les hommes. En Pologne, deux fois plus de femmes que d’hommes travaillent à temps partiel. A noter également que sur 27 pays européens, 20 constatent que les contrats à durée déterminée sont plus fréquents parmi les travailleuses que parmi les travailleurs.
Les syndicats font part d’une autre inquiétude : le développement du travail au noir. Selon les chiffres de l’organisation turque Hak-is, 58% des femmes et 38% des hommes exercent une profession sans être déclaré-e-s et ne bénéficient donc d’aucune couverture maladie ni d’assurance en cas d’accident. Face à la difficulté de trouver un emploi, les femmes turques sont prêtes à accepter de travailler sans contrat.
Enfin, 59% des organisations syndicales interrogées estiment que les conditions de travail des femmes se sont détériorées : augmentation de la charge de travail, de la pression et du stress, du harcèlement moral et psychologique sont cités. Les syndicats interrogés ne peuvent pas fournir de chiffres précis et attendent que des études évaluent ces faits numériquement.
Les pays nordiques : des modèles ?
Certains syndicats répondent qu’ils n’ont pas constaté de précarisation du travail des femmes : les confédérations suédoises, norvégiennes et finlandaises, soit les pays dits « nordiques » souvent cités comme modèles paritaires en Europe.
Cinzia Sechi, conseillère de la CES confirme leurs résultats, mais souligne que « ça ne veut pas dire qu’ils sont des modèles d’égalité. Tous les secteurs d’activité ne sont pas représentés dans ces pays. Nous n’avons les données que pour certains secteurs comme la fonction publique. Mais dans ces pays, les femmes sont représentées dans tous les corps de métier. » Méfiance donc concernant cet « eldorado » paritaire : « Il faut toujours bien mettre en rapport la structure des syndicats avec le taux d’emploi des femmes dans le secteur », précise-t-elle.
Les syndicats donnent l’exemple
Comme le dit l’adage populaire : « il faut balayer devant sa porte ». C’est ce qu’a fait la CES, comme tous les ans depuis 2007, en recensant les adhérentes et responsables de sexe féminin dans les structures syndicales interrogées.
Résultat : sur 37 millions de travailleurs syndiqués, 45% sont des femmes. Une presque parité qui se poursuit avec des adhésions de plus en plus nombreuses dans la plupart des pays européens. Et lorsque les femmes sont minoritaires, une forte augmentation du taux des femmes syndiquées est remarquée, comme en Turquie qui observe un taux de plus de 2%. Cinzia Sechi commente : « Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans le monde du travail, il est normal qu’elles soient de plus en plus syndiquées. »
Malgré une forte présence, les femmes syndiquées ont toujours du mal à s’imposer aux postes à responsabilités dans leurs organismes. Si elles sont souvent nommées vice-présidentes, elles ont du mal à briguer le poste le plus haut : président-e (ou secrétaire général-e, en fonction de la structure). A titre d’exemple, la CES a élu pour la première fois une fois à sa tête, Bernadette Ségol, lors du congrès qui s’est tenu en mai dernier à Athènes. La CSI (Confédération syndicale internationale) est elle-même dirigée par une femme, Sharan Burrow depuis juin 2010.
Louise Gamichon – EGALITE
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