Économie « La politique du RSA dit aux femmes « travaillez ou mariez-vous » »
Le 8 mai dernier, le ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, annonçait le prochain dépôt d’une proposition de loi pour contraindre les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) à « assumer » cinq heures hebdomadaires de « service social ». Une polémique au sein de la majorité et quatre jours plus tard, « l’incident » était déclaré « clos ». Mais c’est l’occasion de revenir sur une analyse « genrée » du RSA. Si sa création en juin 2009 a renforcé en théorie l’exigence d’insertion des allocataires, cette injonction à l’autonomie ne s’applique pas de la même manière envers les hommes et les femmes. Entretien avec Hélène Périvier, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Quelle est la part des femmes parmi les allocataires du RSA ?
Il n’existe pas de statistiques sexuées sur le RSA activité (voir encadré plus bas). En revanche, sur le « RSA socle », on compte à peu près une moitié de femmes. Mais les configurations familiales ne sont pas les mêmes selon le sexe. Les allocataires masculins sont majoritairement des hommes seuls. Alors que les allocataires féminines sont pour beaucoup des « mères isolées » (34 % des allocataires) : la plupart du temps séparées ou divorcées avec la garde principale de leurs enfants qui ne touchent pas ou très peu de pension alimentaire de la part du père. Enfin, les couples représentent 20 % des bénéficiaires.
Le « devoir d’insertion » s’applique-t-il de la même façon dans toutes ces configurations familiales ?
Justement non. En théorie, les personnes appartenant à un ménage qui perçoit le « RSA socle » et qui, soit n’ont pas d’emploi, soit ont un emploi avec un salaire inférieur à 500 euros, doivent rechercher un travail. Cela vaut pour les deux conjoints dans un couple. Mais la loi précise que la situation familiale peut être prise en compte dans l’application de ces devoirs d’insertion. Par conséquent, les travailleurs sociaux, qui suivent les bénéficiaires, peuvent décider d’exonérer de recherche d’emploi les femmes inactives en couple, étant donné leur rôle de mères de famille. De fait, l’injonction à l’emploi n’est pas la même pour les hommes et les femmes. Une femme qui ne travaille pas, si elle est en couple, ce n’est pas grave.
Et les femmes seules ?
Les « mères isolées », au contraire, sont fortement incitées à reprendre un emploi. Elles bénéficient d’ailleurs d’un accompagnement renforcé, dont la forme varie selon les départements. Par exemple, cela peut être une aide pour avoir une place en crèche de manière prioritaire. Quant aux femmes qui vivent seules, l’injonction à la recherche d’emploi est la même que pour un homme seul.
Le droit social ne soutient donc pas l’autonomie de tous les individus de la même manière ?
Effectivement. Le RSA ne cherche pas à rendre autonomes, par leur travail, les femmes au foyer dans les couples à bas revenus. Or ce sont dans ces catégories sociales que l’on retrouve le plus de familles à la répartition des tâches traditionnelles avec des femmes qui restent à la maison. Il ne s’agit pas de pousser toutes les femmes au travail. Mais, force est de constater que la société, notamment à travers la loi et son application, ne pense pas l’employabilité des hommes et des femmes de la même façon. En gros, la politique d’assistance aux personnes pauvres dit aux femmes « travaillez ou bien mariez-vous ». Il s’agit plus de coutumes que de d’orientations volontaires, car, lorsque j’en ai fait la remarque à Martin Hirsch, ancien haut-commissaire aux Solidarités actives et instigateur du RSA, il m’a répondu : « on n’y a avait pas pensé ». Preuve qu’il y a encore du chemin à faire.
Propos recueillis par Claire Alet – EGALITE
- Qu’est-ce que le RSA ?
- Le RSA s’est substitué au revenu minimum d’insertion (RMI) et à l’allocation de parent isolé (API) en juin 2009. Le « RSA socle » complète les ressources du foyer, de sorte qu’elles soient toujours égales au revenu minimum garanti en tenant compte de la composition de la famille. Le « RSA activité » vient compléter les revenus des « travailleurs pauvres », notamment pour inciter les personnes à reprendre une activité, même si elle n’est pas suffisamment rémunératrice.