Mixité professionnelle : une utopie ? « Le monde des avions c’est toute ma vie ! »
Ariane Bachelot a 23 ans, elle est concepteur d’essais aéronautiques pour Sogeti High Tech à Toulouse. Elle élabore des procédures d’essais opérationnels pour tester les différents systèmes d’un avion (commandes de vol, pilote automatique, systèmes de navigation, trains d’atterrissage…) qu’elle réalise ensuite sur un simulateur de vol. Elle a aussi son brevet de pilote et vole pour son plaisir.
Ariane, vous êtes concepteur d’essais aéronautiques. Pourquoi ne dites-vous pas « conceptrice » ?
Je ne féminise pas ma fonction : on dit concepteur, pas conceptrice d’essai. J’ai choisi de faire des études et un métier dans un milieu majoritairement masculin de mon plein gré, j’assume entièrement ce choix. J’ai baigné dans ce milieu de l’aéronautique depuis toute petite. Bien sûr, j’ai vu qu’on me regardait différemment au travail parce que je suis une femme et en plus très jeune à ce niveau, mais je n’ai jamais ressenti d’exclusion.
Qu’est-ce qui vous a amené à choisir cette profession ?
Les avions et le pilotage c’est une histoire de famille chez nous. Mon père était pilote de Transall dans l’armée de l’air et instructeur en aéroclub et ma mère hôtesse de l’air et pilote privée. Ils se sont rencontrés lors d’une soirée de l’aéroclub ! J’ai hérité du virus comme beaucoup de mes frères et sœurs, et j’ai passé mon brevet de pilote à 18 ans. Aujourd’hui, je partage ce plaisir de voler avec ma mère, et je suis pilote et mécanicien attitré du petit avion de mon père que nous nous efforçons, ma mère et moi, de maintenir en vol.
Je n’ai jamais imaginé travailler en dehors du monde des avions, c’est toute ma vie. Je voulais être pilote militaire de transport comme mon père, mais j’ai malheureusement échoué à la visite médicale. Je m’en suis quand même beaucoup rapprochée en travaillant dans le cockpit de l’A400M, futur avion de transport de l’armée de l’air.
Je me suis aussi consolée en passant le brevet de pilote et j’ai continué mes études dans une école aéronautique. A la sortie de l’école, j’ai été contactée par plusieurs entreprises qui me proposaient des postes différents, de rédacteur technique à chef d’atelier de maintenance. J’ai choisi de travailler dans les essais en simulateur car la partie développement des systèmes m’intéresse énormément. Et j’espère un jour intégrer les essais en vol !
Quelle école avez-vous faite et quelle était la proportion de filles et de garçons ?
J’ai fait une licence professionnelle à l’Institut de maintenance aéronautique à Mérignac. Cette école rattachée à la fac de sciences de Bordeaux propose une formation pratique très complète grâce à des moyens pédagogiques adaptés : hangar d’avion, laboratoires de composites, avionique, essai mécanique et électronique… Dans ma promotion nous étions 4 filles sur 40 élèves, 10%.
Et aujourd’hui dans votre travail, quelle est la proportion de femmes et d’hommes?
Dans mon équipe nous sommes 13 personnes dont 3 femmes. Mais je travaille aussi avec beaucoup d’intervenants sur les simulateurs, et là en moyenne il y a une femme pour une vingtaine d’hommes.
Encadrez-vous des hommes ?
Je n’encadre personne officiellement, mais dans mon activité de gestion des anomalies du simulateur je supervise les actions de toutes les personnes qui interviennent sur la machine, donc indirectement j’encadre des hommes, et ça se passe plutôt bien.
Avez-vous rencontré des problèmes dus à votre statut de femme ?
J’ai eu des difficultés avec un homme qui n’acceptait pas mes demandes, qui ne répondait pas à mes mails, qui m’ignorait complètement. Je n’ai pas insisté car je ne voulais pas me battre pour ça, je l’ai donc contourné et je passe maintenant directement par ses supérieurs quand j’ai un problème qui le concerne. C’est la seule difficulté que j’ai rencontrée, avec les autres ça se passe très bien, voire mieux qu’avec mon prédécesseur.
Sinon, j’ai un salaire de technicien supérieur normal par rapport à mes collègues du même niveau, voire plus élevé que certains.
Avez-vous ressenti des freins dans votre parcours professionnel ?
Je ne suis qu’au tout début de mon parcours professionnel, mais je pense que les mentalités ont bien évolué, heureusement ! Et je ne suis jugée que sur mes compétences professionnelles !
Propos recueillis par Caroline Flepp – EGALITE
—