Monde « C’est ce que nous vivons qui est amer, pas la vérité »
Le Collectif des familles de disparus d’Algérie (CFDA) est né à Paris en 1998 pour défendre le droit à la vérité concernant les disparus pendant les Années noires et à la justice pour les familles. Tous les mercredis matin, depuis leur premier rassemblement devant l’Observatoire des droits de l’Homme à Alger en 1998, les familles et surtout les mères se rassemblent. Aux débuts du mouvement, la presse algérienne titrait « Les familles des égorgés manifestent dans la rue ». Aujourd’hui l’opinion a changé, grâce au travail et aux combats du Collectif.
Nassera Dutour est la porte-parole de ce collectif depuis ses débuts. Elle a perdu son fils de 21 ans, il y a 14 ans, alors qu’il sortait de chez lui pour acheter des confiseries, il n’est jamais revenu. Depuis elle se bat pour briser la loi du silence, y consacre sa vie en regroupant les mères et les épouses des disparus.
A ce jour, d’après les autorités algériennes, plus de 8 000 personnes ont disparu en Algérie, des disparitions expliquées par le gouvernement par la lutte anti-terroriste. Des hommes pour la plupart, une dizaine de femmes sont portées disparues, les autres ont été relâchées après avoir été torturées et souvent violées.
Pour Nassera Dutour, depuis les protestations sociales des pays musulmans, l’Algérie n’est plus un pays militaire mais policier. Lors de la manifestation pour le changement et la démocratie du 12 février 2011, il y avait plus de trente mille policiers dans les rues. Les Algériens l’ont appelée « la manifestation des policiers ».
Dans un pays où jusqu’en 2005, le droit de la famille stipulait que le père avait la tutelle des enfants, la majorité des combats de disparus sont menés par les femmes, les mères. Quelques pères sont présents dans les rassemblements et les réunions. Nassera Dutour explique qu’ils souffrent autant que les mères mais parce qu’ils travaillent et qu’ils sont les premières cibles des policiers dans la rue, la plupart préfèrent rester dans l’ombre.
Vidéo de Virginie Baldeschi
En décembre 2010, une résolution de l’ONU a proclamé le 24 mars « Journée internationale du droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’homme et pour la dignité des victimes ». Une vraie reconnaissance par les autorités internationales pour ces pays qui, comme l’Algérie et l’Argentine, réclament la vérité sur leur propre histoire.
Virginie Baldeschi – EGALITE